taine distance de terre, il était amusant de voir avec quelle facilité
clic glissait sur le sommet des vagues.
Un des principaux chefs était dans cette pirogue avec plusieurs
de ses guerriers, ainsi qu’un jeune homme de Taïti,
connu sous le nom de Jem par les Européens; je l’avais
vu quelques années auparavant à Parramatta, où il avait
jadis résidé long-temps chez M. M’Arthur. Ce Taïtien avait
épousé la fille du chef, et sa femme se trouvait dans la pirogue.
Il fut très-surpris de me voir, et je ue le fus pas moins
de le rencontrer ici d’une manière aussi inattendue. Jem avait
l’hahitude de me rendre visite à Parramatta, et connaissait parfaitement
ma situation dans la Nouvelle-Galles du Sud. Comme
il parlait très-bien anglais , je lui expliquai complètement l’objet
de mon voyage à la Nouvellc-Zélaude, et quels étaient nos
plans pour l’avenir. Il fut très-content de savoir que des Européens
allaient habiter l’île. Ce jeune homme, qui était
doué de beaucoup d’intelligence et d’activité, .semblait avoir
obtenu toute la confiance de sou beau-père et jouir d’une
grande influence au cap Nord. Je fis, à lu i , à son beau-père
et aux principaux guerriers, •quelques présens qu’ils reçurent
avec reconnaissance.
Dans la conversation, je leur fis observer que les Nouvcaux-
Zélandais s’étaient rendus coupables de grandes cruautés envers
les Européens, particulièrement ceux du Boyd. Ils répliquèrent
que les Européens avaient été les premiers agresseurs
en infligeant des châtimens corporels aux chefs.
Je leur dis aussi que M. Barns, maître du Jefferson, baleinier,
m’avait appris qu’ils avaient agi avec perfidie à son
égard en tentant de détruire les équipages de deux canots de
son navire, quand il se trouvait dernièrement au cap Nord,
en compagnie avec lo King-George. Je leur dis que j’étais très-
affecté de ces rapports ; et que, s’ils continuaient à sc conduire
ainsi, aucun navire européen ne viendraitles visiter. En réponse
a ce reproche, le Taïtien et les chefs soutinrent que les maîtres
du Jeffcrson et du King-George s’étaient les premieis mal
comportés à leur égard. Les naturels étaient convenus de livrer
cent cinquante paniers de patates et buit cochons pour un
mou.squct. Lis patates et les cochons furent remis et partagés
entre les deux navires; après quoi le Taïtien et l’un des cbefs
montèrent à bord du King-George pour chercher le mousquet
qui fut livré. Mais le maître du King-George exigea une plus
grande quantité de cochons et do patates, le cbef fut retenu à
bord, et le Taïtien renvoyé à terre pour aller chercher les patates
et les cochons. Le premier cbef répondit qu’il avait rempli
son engagement pour le fusil en livrant cent cinquante paniers
de patates et buit cochons, et qu’il n’cn donnerait pas
d’autres. Le chef qui avait été retenu prisonnier à bord du
King-George était le frère du premier cbef, et .se trouvait
alors à bord de VActive. Le Taïtien fut donc renvoyé à bord du
King-George pour dire au maître qu’on ne pouvait pas lui donner
plus de patates ni de cochons, et le prier de relâcher le chef
qu’il avait injustement détenu. Le maître refusa de le faire,
et retint aussi le Taïtien prisonnier. Deux ou trois jours après,
on les transféra tous deux à bord du .Tefferson ; ils y restèrent
encore trois ou quatre jours, puis ils furent rachetés
moyennant cent soixante-dix paniers de patates et cinq cochons.
Les naturels étaient furieux, et vivement alarmés pour
le salut de leur cbef, attendu que les navires demeurèrent
tpclque temps hors de vue. Après que les cochons et les patates
furent livrés, deux canots allèrent reconduire à terre
le Taïtien et le chef. Une foule de naturels s’étalent rassemblés
sur le rivage pour les attendre. Ils ne furent pas plutôt débarqués
que les naturels firent feu sur les canots, et il n’est pas
douteux qu’ils n’en eussent sur-le-champ massacré les bommes
, s’ils l’avaient p u , pour sc venger de leur perfidie.
Le Taïtien me dit qu’il avait été impossible d’cmpêcber
les insulaires de tirer sur les cânots. Le cbef parla avec beaucoup
de chaleur et d’indignation du traitement qu’il avait
éprouvé. Je leur assurai que le roi Georges et le gouverneur
Macquarie puniraient tous les actes de fraude et de cruauté