coup de bien aux naturels de la Nouvelle-Zélande; par ce
moyen seulement on peut assurer l’existence des Européens
fixés sur ces îles, et travailler positivement à la civilisation de
ce peuple, en procurant aux cbefs de fréquentes occasions de
visiter Port-Jackson, où ils se feront une habitude de nos
coutumes, et goûteront les douceurs de la vie civilisée. Ils acquerront
plus de connaissances utiles dans un mois de résidence
à la Nouvelle-Galles du Sud, qu’ils ne le feraient pendant
un long espace de temps dans leur propre pays, tout en
ayant des Européens parmi eux. Le seul aspect de nos maisons
, de leur ameublement, de nos édifices publics, de nos
magasins et des greniers de S. M . , ainsi que de nos arts et de
notre culture, agrandirait tellement la sphère de leurs idées,
qu’ils n’en perdraient jamais l’impression.
Quand je conduisis Toupe et Temarangai visiter notre hôpital
général, leur étonnement fut vivement excité ; ils en prirent
aussitôt les dimensions afin de pouvoir raconter ce qu’ils
avaient vu , et ils convenaient que leur pays était dans un
grand état d’ignorance, et qu’on ne savait y exécuter aucun
ouvrage.
Nonobstant la remarque de Toupe, les naturels sont une
nation \rop active et trop industrieuse pour se contenter de
la simple résidence de quelques Européens isolés parmi eux,
ils désireraient être fréquemment visités et pourvus d’instru-
mens aratoires. Le fer est aujourd’hui le seul article qu’ils estiment
, si l’on en excepte les armes à feu ; ils sont hardis, téméraires,
capables d’entreprendre des choses difficiles. Par le
défaut de fer ils ont peu de moyens de cultiver leurs terres, et
ils ne possédaient pas une seule espèce de graine avant l’arrivée
de l ’Active. Ils n’ont point de commerce avec les autres nations
; c’est pourquoi l’unique profession que ces peuples suivent,
à proprement parler, est celle de la guerre. Il n’est pas
rare, pour les babitans du cap Nord, d’aller à la guerre par terre
jusqu’au cap Est, à une distance de près de trois cents milles.
C’est une grande entreprise, quand on réfléchit qu’il n’y a ni
routes régulières, ni ponts sur les rivières, et combien il y
a peu de ressources dans un pays aussi peu cultivé que la Nouvelle
Zélande.
Jem le Taïtien me dit que dans les cinq dernières années
, il était allé trois fois à la guerre, avec mille bommes,
jusqu’au cap Est. Quand ils sont arrivés sur le territoire de
ceux qu’ils vont piller, les fruits de leur expédition se bornent
à quelques nattes ou quelques prisonniers de guerre.
Tandis que V Active était mouillé dans la rivière Tamise ,
nous remarquâmes une quantité de pirogues sur la plage.
Ayant demandé d’où elles venaient, on m’apprit qu’elles appartenaient
à quelques guerriers qui vivaient sur la côte
occidentale de la Nouvelle-Zélande, et qui les avaient transportées
par terre pour aller à la guerre avec quelques autres
tribus, jusqu’au cap Est. J’avais un grand désir de visiter
leur camp , situé à trois milles environ de notre mouillage, et
de voir des bommes capables d’entreprendre une opération
si hardie et si pénible, avec de pesantes pirogues, dans un
si long intervalle de terrain montagneux et embarrassé. Doua-
Tara me recommanda de ne pas visiter de camp, assurant
qu’il n’y aurait pas de sécurité. Je lui sus gré de cet avis, et
le suivis.
I.es Nouveaux-Zélandais sont tous cannibales; ils ne paraissent
pas avoir la moindre idée que ce soit un crime. Quand
je leur en témoignais mon horreur, ils répondaient qu’ils
avaient toujours eu la coutume de manger leurs ennemis. Je
n’ai pu m’assurer s’ils mangeaient toujours la chair humaine
comme un mets, par goût, et de sang froid; il me semble
qu’ils le font seulement pour se venger de quelque grave
injure. Autant que j’ai pu me former une opinion sur cette
horrible coutume, je suis disposé à croire que les Nouveaux-
Zélandais n’attachent pas plus l’idée du mal à l’action de
manger leurs ennemis, que les nations civilisées à celle de
pendre un criminel; en même temps, ce malheur entraîne, à
l’ègard des parens de celui qui est dévoré , une disgrâce