lui couvrait les épaules et tombait jusqu’aux genoux. Cc fut là,
d it-il, son unique vêtement, et il fut obligé d’aller nu-tôte et
nu-pieds, car il n’avait ni cbapeau, ni souliers, ni bas. Sa vie,
d’ailleurs, semble avoir été semée de peu d’incidens dignes
d’être cités ; et nous sommes porté à croire qu’il passa généralement
son temps à cbasser et à pêeber, comme auparavant.
Durant les seize premiers mois de sa résidence dans le village,
il tint compte des jours au moyen de cocbes sur un bâton ;
mais quand il fut obligé par la suite de voyager avec les chefs,
il négligea ce moyen de noter le cours du temps.
« A la lin, il arriva un jour, dit son Journal, que tandis que
nous étions tous rassemblés pour prendre part à un festin dans
le village, Emaï me fit approcher de lu i, en présence de plusieurs
autres chefs; e t, après leur avoir parlé de mon activité
à la chasse et à la pêcbe, il termina en leur disant qu’il désirait
m’élevcr au rang de chef, si je voulais y consentir, ce
que je fis sur-le-cbamp. Alors mes cbeveux furent coupés par
devant avec une coquille d’huître, comme l’étaient ceux des
chefs. Plusieurs cbefs me firent présent de quelques nattes, et
promirent de m’envoyer le lendemain quelques cochons. De
ce moment je revêtis une natte enduite d’buile et de rouge
d’ocre, semblable à celles que portaient les autres cbefs. J’eus
aussi la tête et le visage barbouillés de la même composition
par la fille d’un cbef, qui m’était entièrement étrangère. Je reçus
en même temps un beau mere en pierre, que je portai ensuite
constamment avec moi. Emaï m’invita à prendre deux
ou trois femmes, attendu que c’est la coutume des cbefs d’en
prendre autant qu’il leur est agréable, et je consentis à en
prendre deux. Environ soixante femmes furent amenées devant
moi; aucune ne me plut, et je ne choisis aucune d’elles. Alors
Emaï me dit que j’étais taboué pour trois jours, et qu’à l’expiration
de ce terme il me conduirait au camp de son frère,
où je pourrais trouver quantité de femmes qui me plairaient.
En conséquence, au jour fixé nous allâmes cbez son frère, où
Ion nous présenta plusieurs femmes; mais ayant jeté les yeux
sur les deux filles d’Emaï, qui nous avrdcnt suivis et étaient assises
sur Tberbe, je m’approchai de l’aînée et lui dis que je la
choisissais. Aussitôt elle poussa des cris et s’enfuit ; mais deux
des naturels ayant jeté leurs nattes la poursuivirent et la ramenèrent
bientôt. D’après l’ordre d’Emaï, j’allai à elle et
m’emparai de sa main. Les deux naturels la lâchèrent, et elle
me suivit tranquillement vers son père, la tête penchée vers
la terre et ne cessant de rire. Alors Emaï appela son autre
fille, qui vint aussi en riant; et il m’invita à les prendre toutes
les deux. Je me tournai vers elles et leur demandai si elles
consentaient <à venir avec moi; elles répondirent toutes les
deux ia pea, c’est-à-dire o u i, ou j’y consens. Emaï leur signifia
qu’elles étaient tabouées pour moi et nous ordonna de
retourner tous trois ensemble à la maison, ce que nous fîmes,
accompagnés par plusieurs naturels. Nous n’étions que depuis
quelques minutes au village, quand Emaï et son frère y
arrivèrent aussi; le soir Emaï donna une grande fête au
peuple.
» Durant la plus grande partie de la nuit, les femmes ne cessèrent
d’exécuter une danse nommée kani-kani, et qui n’a
guère lieu que quand elles sont rassemblées par troupes nombreuses.
Lorsqu’elles l’exécutent, elles se tiennent toutes sur
un rang, et plusieurs d’entre elles agitent des mousquets sur
leurs têtes. Leurs mouvemens sont accompagnés par le chant
de plusieurs bommes; car il n’y a aucune espèce de musique
en ce pays.
» La plus âgée de mes femmes se nommait Esbou, et la plus
jeune Epeka. Elles étaient toutes deux jolies, douces et d’un
bon caractère. Désormais j’étais obligé de manger avec elles
en plein air ; car elles n’eussent pas consenti à prendre leurs
repas sous le toit de ma maison; c’eût été contraire aux usages
du pays. Quand je devais m’absenter pour un certain
temps, j’avais coutume d’emmener Epeka avec m o i, et de
laisser Esbou à la maison. Les femmes des cbefs, a la Nouvelle
Zélande , ne sont jamais jalouses les unes des autres ;