!v
■sc montra toujours fort reconnaissant, par la suite , des soins
qui lui furent rendus. Aussitôt qu’il en fut capable, il fit son
service de matelot à bord de ¿'Ann, jusqu’à son arrivée à Port-
Jackson en février i8 io , et il le remplit aussi bien que la
plupart des bommes du bord. Le maître fut très-bonnêtc visa
vis de lui. Doua-Tara quitta VAnn pour m’accompagner à
Parramatta, où il demeura avec moi jusqu’au mois de novembre
.suivant; pendant ce temps , il s’appliqua à l’agriculture.
En octobre, le baleinier le Frederick arriva d’Angleterre :
il était destiné à finrc la pêcbe sur la cote de la Nouvelle-Zélande.
Doua-Tara, désirant revoir scs amis dont il était depuis
long-temps séparé, me pria de lui procurer, à bord du Frederick,
un passage pour la Nouvelle-Zélande. A cette époque,
un des fils de Tepabi, proche parent de Doua-Tara, demeurait
chez moi, ainsi que deux autres de ses compatriotes. Ils
désiraienttousretourncrdans leur pays ; je m’adressai au maître
du Frederick, pour leur obtenir un passage; il consentit à
les prendre, a condition qu’ils l’aideraient à se procurer sa cargaison
d’buile, tandis que le navire serait sur la côte de la
Nouvelle-Zélande ; puis, quand il quitterait définitivement la
côte, il les débarquerait dans la baie des Iles. Ces quatre naturels
étaient de très-beaux jeunes gens, qui avaient long-temps
navigué , et qui devenaient pour ce maître une précieuse acquisition;
c’est pourquoi je consentis à cette proposition, et il
promit de montrer de la bienveillance pour ces passagers.
En quittant Port-Jackson sur le Frederick, au mois de novembre
, ils se flattaient tous de l’espoir de revoir bientôt leurs
amis et leur patrie. Quand le Frederick arriva devant le cap
Nord, Doua-Tara passa deux jours à terre pour procurer à l’équipage
une provision de porc et de patates; car il était bien
connu des babitans de cet endroit, et comptait plusieurs amis
parmi eux. Aussitôt que le navire eut pris les vivres nécessaires,
il continua sa croisière ; et sa cargaison étant prête au bout de
six mois ou un peu plus, il fut prêt à partir. Doua-Tara voyant
que l’intention du maître était de faire route pour l’Angleterre,
demanda que lui et ses trois compagnons fussent mis à terre,
conformément à rengagement que le maître avait pris avec moi
avant son départ de Port-Jackson. Dans ce moment le Frederick
se trouvait devant la baie des Iles, où demeuraient tous
leurs amis; Doua-Tara avait porté tous ses effets dans le
canot, s’attendant qu’on allait sur-le-champ le transporter à
terre. Comme il pressait le maître de les envoyer à terre, celui-
ci répondit qu’il allait le faire tout à l’heure.., dès qu’on aurait
pris encore une baleine... Et le navire gouverna au large de
la baie. Doua-Tara fut désolé, car il brûlait d’envie de voir sa
femme et ses amis, dont il était éloigné depuis trois ans ; il supplia
instamment le capitaine de le débarquer sur quelque point
que ce fût de la Nouvelle-Zélande, peu lui importait l’endroit;
pourvu qu’on le mît à terre, il saurait retrouver son chemin.
Le maître s’y refusa, et lui dit que son intention était d’aller
à l’île Norfolk, pour se rendre ensuite en Angleterre, et que
dans sa route de l’île Norfolk en Angleterre il le déposerait
sur la Nouvelle-Zélande.
Le Frederick étant arrivé devant l’île Norfolk, Doua-Tara et
ses trois compatriotes furent envoyés à terre pour chercher de
l’eau; ils manquèrent de se noyer dans le ressac , car ils furent
submergés sous quelques rochers creux du rivage ; Doua-
Tara, dans cette circonstance, cQurut un si grand danger,
qu’il disait d’une manière emphatique qu’au moment où il
revint à l’a ir, « son coeur était plein d’eau. » A l’île Norfolk,
le débarquement est généralement fort dangereux pour les
canots, à cause du ressac. Quand le Frederick eut fait son bois
et son eau, et que le maître n’eut plus de prétexte pour retenir
Doua-Tara et ses trois compagnons, il leur déclara enfin
qu’il ne toucherait plus à la Nouvelle-Zélande, mais qu’il
ferait directementroutc pour l’Angleterre. L’affliction de Doua-
Tara fut très-grande ; il rappela au capitaine comment il avait
violé sa promesse, qu’il avait très-mal agi envers lu i, en refusant
de le débarquer quand le navire était devant la baie des
Iles, oû il ne se trouvait qu’à deux milles de son pays natal;
TOME i r i . 1 7