P IÈ C E S .TUSTIFICATIVES.
beau!» et quand je lui eus annoncé que cette île produisait en
quantité d’excellentes patates, je crois qu’il oublia presque
son pays natal.
Pendant l ’intervalle de temps qui s’écoula entre le moment
ou nous mouillâmes et celui où je le conduisis à terre , la batterie
de Lad de r-H ill fit un salut; sa surprise et sa peur fuient
extrêmes. Il se coucha tout de son long sur le p on t, se
boucha les oreilles, et se crut sans doute à la fin de ses jours.
Cependant, comme il vit le feu continuer, et qu’il ne se sentait
aucun mal, il reprit par degrés de la confiance et du courage ;
mais dans les occasions de ce g enre , il témoignait toujours
quelque inquiétude, et se bouchait constamment les oreilles
en disant : « Mate mate taringa — cela tue les oreilles. »
Nous allâmes ensuite à tei-rc, et rien n’échappa à l ’attention
de Maounga. La quantité des grandes ancres, des canons et
des autres objets en fer l ’étonna; jusqu’alors il semblait ne
s être pas fait une juste idée de notre opulence nationale. Les
militaires fixèrent beaucoup son attention. Il avait beaucoup
de penchant à montrer du doigt tout ce qui le frappait, soit
dans la pei-sonne soit dans le costume des individus, et l ’uniforme
de la garnison sc trouvait particulièrement dans ce cas.
Il se permettait quelquefois de telles libertés à cet é g a rd ,
que, suivant toute apparence, il en eût été rudement corrige si
je n avais été là pour certifier aux personnes insultées qu’il n’y
avait aucune mauvaise intention de sa p a r t, et que sa grossièreté
tenait uniquement à son ignorance de nos manières et de
nos coutumes.
I l admirait beaucoup les édifices de Sainte-Hélène; mais
quant à l’ile elle-même, il n’en avait qu’une très-pauvre opin
ion , et répétait souvent : «Kaïore outa — mauvaise terre.»
La première fois qu’il vit une couple de boeufs, .sa surprise
fut très-grande, car il n’avait pas d’idée d’un animal de cette
taille. Peu après, il vit un homme à ch e v a l, ce qui lui fit tant
de plaisir, qu’il se mit à rire de tout son coeur, et quand l’animal
se mit en route d’un pas modéré, Maounga l’accompagna
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fians le vallon; puis il rev int, et me témoigna qn’il aimait
beaucoup cette façon de se faire porter. La musique du régiment
loncbantait; il avait une passion très-prononcée pour
toute espeee de musique, et je l ’ai vu en extase en entendant
oo v io o n . T o ut était nouveau pour lu i , et presque tout lui
plaisait Je le prerentai au gouverneur Pa tten, qui était, lui
d>s-je, le chef de l’île. Il fut très-content du gouverneur, et il
me disait souvent ; P a ï ana Tepahi, p a ï ana.
Sainte-Hélènè n’offre pas une grande variété d’objets et
peu après notre arrivée, Maounga préféra le navire à la terre’
“ 'ta ) des connais.sances à b o rd , et il prenait beaucoup de
plaisira la pecbeà laquelle il était fort adroit. Pendant cette re -
a che , ,1 faillit une seconde fois être dévoré par un requin ; il
se baignait un matin quand un de ces voraces animaux parut
sur la rade et se trouva bientôt près de Maounga, qui n’atteignit
le navire que tout juste à temps pour écbapper à sa perte.
Malheureusement ce monstre des mers fut plus heureux dans
une autre occasion. Un officier de dragons, à son retour de
l ln d e , devint la victime de sa voracité. Nous continuâmes
notre roule vers l’A ngle te rre, et rien n’attira l’attention de
Maounga. Du reste, on eut occasion de remarquer combien
sa vue et son ouïe étaient supérieures à celles des autres personnes
du bord. Maounga entendait distinctement un coup de
canon é lo ign é , et distinguait aisément une voile étrangère,
quand personne ne pouvait entendre ou voir ces objets.
A la fin , la terre si long-temps dé.sirée, la terre de p ro mission
pour Maounga, se montra à ses regards; et l’abondante
provision de poisson, de viande et de v égétaux, qu’on
reçut d’un port de l’I rland e , firent sur lui une impression favorable
à notre pays. Le nombre des nav ires, d’après lequel
il estimait notre richesse et notre population , était pour lui
une. source constante de surprise qui n’eut plus de bornes à
notre entrée dans le port de Londres.
J’avais des dépêches pour le gouvernement, et de Cork je
lus obligé de me rendre à Londres par la rontcde Dublin et
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