bliqucs et particulières, d’y ramasser tout ce qu’ils pourraient
trouver avoir appartenu à M. Marion ou à ses compagnons
d’infortune , afin de pouvoir constater leur mort par un procès-
verbal ; de finir leur expédition par mettre le feu au village,
d’enlever les grandes pirogues de guerre qui étaient échouées
au pied du village, de les amener à la remorque au vaisseau ,
ou de les brûler au cas qu’ils ne pussent les amener.
» La chaloupe partit bien armée de pierriers et d’espingoles.
L ’olficicr qui commandait aborda d’abord l’endroit où nous
avions vu nos bateaux échoués. Ils n’y étaient plus; les sauvages
les avaient brûlés pour en tirer le fer. Le détachement
monta en bon ordre au village de Takouri. Les traîtres sont lâches
à la Nouvelle-Zélande comme ailleurs : Takouri s’était
enfui; on le vit de loin, et hors de la portée du fusil, portant
sur scs épaules le manteau de M. Marion , qui était d’un drap
d’Angleterre de deux couleurs, écarlate et bleu. Son village
était abandonné; on n’y trouva que quelques vieillards qui
n’avaient pu suivre leurs camarades fugitifs, et qui étaient assis
tranquillement à la porte de leurs maisons. On voulut les
prendre captifs. Un d’eux, sans paraître beaucoup s’émouvoir,
frappa un soldat avec un javelot qu’il avait à côté de lui. On
le tua , et l’on ne fit aucun mal aux autres qu’on laissa dans le
village. On fouilla soigneusement toutes les maisons. On trouva
dans la maison de Takouri le crâne d’un homme qui avait été
cuit depuis peu de jours, où il restait encore quelques parties
charnues, dans lesquelles on voyait les impressions des dents
des anthropophages. On y trouva un morceau de cuisse humaine
qui tenait à une broche de bois, et qui était aux trois
quarts mangée.
» Dans une autre maison, on trouva le corps d’une chemise
qu’on reconnut avoir été celle de M. Marion. Le col de cette
chemise était tout ensanglanté, et on y voyait trois ou quatre
trous également tachés de sang sur le côté. Dans différentes autres
maisons, on trouva une partie des vêtemens et les pistolets
du jeune M. de Vaudricourt, qui avait accompagné M. Marion
à la fatale partie de pêche. Enfin, on trouva des armes du
canot et un tas de lambeaux des bardes de nos malheureux matelots.
» Après avoir fait une visite exacte dans ce village, cl avoir
rassemblé toutes les preuves de l’assassinat de M. Marion et de
ses camarades, ainsi que les armes et effets abandonnés par les
sauvages , on mit le feu à leurs maisons, et le village entier fut
réduit en cendres.
» Dans le même temps, le détachement s’aperçut que les insulaires
évacuaient un autre village voisin beaucoup mieux
fortifié que les autres. Le nommé Piki-Ore en était le chef.
Nous avions de forts soupçons que ce Piki-Ore était complice
de Takouri. Le détachement se transporta aussitôt à ce village,
qu’on trouva entièrement abandonné. On en visita toutes les
maisons. L ’on y trouva, comme au premier, beaucoup d’effets
provenant de nos bateaux , et des lambeaux des bardes de nos
gens massacrés. On trouva entre autres, dans la maison de Piki-
Ore, des entrailles humaines, bien reconnues telles par un de
nos chirurgiens, lesdites entrailles nettoyées et cuites. On réduisit
en cendres ce village.
« En descendant, pour se rembarquer, nos gens poussèrent
à l’eau deux pirogues de guerre, les mirent à la traîne derrière
la chaloupe, et les emmenèrent à bord du vaisseau. Nous en
tirâmes les planches et les bois qui pouvaient nous être utiles.
Le corps de ces pirogues étant d’environ soixante pieds de longueur,
ne put être embarqué : on les brûla. »
Le 14 juillet 1772, les vaisseaux le Castries et le Mascarin,
commandés par MM, Duclesraeur et Crozet, quittèrent la
Nouvelle-Zélande pour continuer leur voyage dans la mer du
Sud.
(^Nouoeau Voyage à la Mer du Auî/, etc., lySJ,
pag. 43 et suia. )