quitter le navire. Ce village est situé sur les bords d’une rivière
d’eau douce, nommée Waï-Kadi, à douze milles environ
de l ’endroit où nous étions mouillés , au fond d’une des baies.
Le village pi-end son nom de la rivière.
Ayant complété notre cargaison, j’informai Wiwia que je
l’accompagnerais pour visiter son peuple. Le matin suivant,
sa pirogue fut prête, et nous fîmes route pour Waï-Kadi.
Nous fûmes joints par une autre pirogue dans laquelle se
trouvaient un coq et une poule. Je fus surpris de voir ces volailles
: ayant demandé d’où elles provenaient, on m’apprit
qu’elles appartenaient au premier cbef. Tara, qui les
avait envoyés dans ce pays pour la raison suivante. Tara avait
bâti une cabane neuve qu’il avait tabouée pour un emploi sacré.
Il avait défendu au coq de monter sur le to it , mais ce fut en
vain; aucun des moyens qu’il imagina ne put prévenir cet
accident : c’est pourquoi il avait renvoyé les deux volatiles
pour avoir profané son édifice sacré! Ces animaux avaient été
donnés à Tara quand l ’Active vint pour la première fois à la
Nouvelle-Zélande. Tandis que nous étions à Kawa-Kawa,
Tara et sa femme avaient parlé de ce coq et de cette poule , et
m’apprirent que la poule avait fait plusieurs oeufs ; elle les
avait couvés quelque temps, puis le coq et elle avaient brisé
les oeufs et les avaient tous gâtés. Les naturels ajoutèrent qu’ils
allaient chaque jour visiter les oeufs, tandis quelapoule couvait,
et ils voulurent connaître la raison pour laquelle ces animaux les
avaient détruits. Je leur dis que la poule ayant taboué les oeufs,
avait été très-irritée de ce qu’on y eût touché ; c’était pour
cela que le coq et elle, dans leur rage, les avaient détruits. Ils
parurent très-étonncs, et eurent un-long entretien à ce sujet;
ils firent aussi de nombreuses questions toucbant la manière
d’élever des poulets. Je leur dis qu’ils ne devaient désormais
toucher en aucune manière aux oeufs, parce que, s’ils le
faisaient, ils seraient encore détruits. Je ne doute pas qu’ils
ne se conforment scrupuleusement à mon avis.
Les deux pirogues marchèrent de compagnie pendant trois
milles environ, puis nous entrâmes dans un petit village sur
la partie orientale du bâvre, pour voir quelques amis de W i wia.
Tandis que nous étions là , il vint à pleuvoir très-fort.
Après nous être arrêtés deux heures environ , durant lesquelles
on prépara plusieurs corbeilles de patates, nous partîmes pour
Waï-Kadi. La pluie tombait à flots; je fus bientôt trempé,
malgré mon manteau et mes autres vêtemens. Le vent et la
marée étaient contre nous, et l ’eau de la rivière s’était gonflée
par l’effet des dernières pluies, si bien que nous ne faisions
que peu de progrès. Quand nous eûmes encore fait quatre
milles, nous arrivâmes à un autre petit village sur le côté occidental
du bâvre. Le chef vint nous inviter à descendre à
terre ; mais je m’y refusai, car j’étais aussi mouillé que si j ’avais
été plongé dans la rivière. Le cbef, malgré la violence de
la p luie, s’approcha de notre pirogue dans l’eau, car il désirait
savoir ce que nous allions faire , et Wiwia avait à lui annoncer
beaucoup de nouvelles qu’il avait recueillies à bord de VActive.
Il nous pressa beaucoup de prendre quelques rafraîchissemens
chez lu i, mais j ’avais trop froid, et j ’étais trop mouillé pour
quitter la pirogue. En lui disant adieu , Wiwia me dit : Ce cbef
est un grand roi ; donnez-lui un clou. Je satisfis à cette demande
, et lui donnai quelques clous ; alors il s’en retourna au
rivage, enchanté de ce présent.
Nous continuâmes notre route pour Waï-Kadi ; mais plus
nous remontâmes la rivière, plus le courant nous devint contraire
, si bien qu’à la fin les bommes ne purent même l’ètaler
avec leurs pagaies. Alors ils furent obligés d’approcher la côte,
de sortir de la pirogue et de la traîner. Malgré tous leurs
efforts, ils ne purent atteindre le village. Un peu après que la
nuit fut venue, n’étant plus qu’à un mille du village et la pluie
continuant toujours, nous débarquâmes pour marcher. Nous
avions à traverser quelques terrains bas et marécageux, submergés
en plusieurs endroits. Je suirais mes guides, quelquefois
enfoncé dans la vase jusqu’aux genoux , et quelquefois
trébuchant dans des trous profonds et remplis d’eau. A la fin ,
TOME nr. j3