36 PIÈCES JUSTIEICATIVES. PIÈCES JUSTIEICATIVES. 37
R-'S
avec un détachement de soldats. Nous parcourûmes d’abord
une partie de la baie, où nous comptâmes vingt village.s composes
d’un nombre suffisant de maisons pour loger quatre
cents personnes; les plus petites pouvaient en contenir deu.x
cents.
» Nous abordâmes à plusieurs de ces villages. Dès que nous
mettions pied h terre, les sauvages venaient au-devant de nous
sans armes , avec leurs femmes et leurs enfans. Nous nous
fîmes des amitiés réciproques ; nous leur offrîmes de petits
présens auxquels ils parurent très-sensibles. Des chefs de quelques
uns de ces villages nous faisaient des instances très-pressantes
pour nous engager à monter avec eux. Nous les suivîmes.
» Peu de jours après notre arrivée dans le port des Iles ,
M. Marion fit diverses courses le long des côtes et même dans
l’intérieur du pays, pour chercher des arbres propres à faire
des mâts pour le vaisseau le Castries. Les sauvages l’accompagnaient
partout. Le 23 de mai, M. Marion trouva une forêt
de cèdres magnifiques, à deux lieues dans l’intérieur des terres
et à portée d’une baie éloignée d’environ une lieue et demie de
nos vaisseaux.
„ Nous fîmes aussitôt un établissement en cet endroit; nous
y envoyâmes les deux tiers de nos équipages , avec les haches,
les outils et tous les appareils nécessaires, non-seulement pour
abattre les arbres et faire les mâts , mais encore pour aplanir
les chemins sur trois petites montagnes et un marais qu’il fallait
traverser pour amener les mâts au bord de la mer.
» Nous établîmes des barraques de correspondance et de
communication sur le rivage le plus voisin de l’endroit où
était notre atelier ; c’était à ce poste que nos vaisseaux envoyaient
tous les jours leurs chaloupes, avec les pirovisions
pour les travailleurs qui étaient cabanés à deux lieues de l’intérieur
du pays.
« Par ce moyen, nous avions trois postes à terre, l’un sur
l’île Motou-Aro, au milieu du port où étaient nos malades
sous des tentes, notre forge oû l’on forgeait les cercles oe fer
destinés à la nouvelle mâture du vaisseau le Cas mes, enfin
toutes nos futailles vides avec nos tonneliers; car c’était sur
cette île que nous faisions notre eau. Ce poste était gardé par
un officier avec dix hommes armes et les chirurgiens destinés
au service des malades. Un second poste était sur la grande
terre , au bord de la mer, à une lieue et demie des vaisseaux ,
pour servir d’entrepôt et de point de communication avec
notre atelier de charpentiers, établi à deux lieues plus loin
dans le milieu des bois. Ces deux derniers postes étaient également
commandés par des officiers, ayant sous eux des hommes
armés pour la garde de nos effets.
» Les sauvages étaient toujours parmi nous dans ces différens
postes et sur nos deux vaisseaux; ils nous fournissaient, en
échange de clous , du poisson, des cailles, des pigeons ramiers
et des canards sauvages; ils mangeaient avec nos matelots, ils
les aidaient dans leurs travaux : et toutes les lois qu ils mettaient
la main à l’oenvre, on .s’en apercevait bien , car ils sont
généralement forts, et leur aide soulageait beaucoup nos équipages.
„ Nos jeunes gens, attirés par les caresses des sauvages et par
la facilité de leurs filles, parcouraient tous les jours les villages,
faisaient même des courses dans les terres pour aller à la
chasse des canards, en menant avec eux des sauvages qui les
portaient, dans les marais et au passage des rivières, avec la
même facilité qu’un homme fort porterait un enfant. Il leur
est arrivé quelquefois de s’écarter fort loin , de parvenir chez
des sauvages d’un autre canton, d’y trouver des villages beaucoup
plus considérables que ceux qui étaient dans notre port.
Ils y ont trouvé des hommes plus blancs qui les ont bien reçus,
et sont revenus pendant la nuit au travers des forets, accompagnés
d’une troupe de sauvages qui les portaient lorsqu’ils
étaient fatigués.
:> Malgré ces preuves d’amitié de la part des sauvages, nous
étions toujours un peu sur nos gardes, etnos bateaux n’allaient