aussi chaude qu’un four, car il n’y avait pas d’autre issue pour
la fumée que la porte qui était très-petite, si petite, même que
je fus obligé de quitter mon habit pour y entrer. Je priai
qu on enlevât le feu, car nous ne pouvions pas en supporter la
chaleur ; ce qui fut fait. Quand tout fut prêt, nous nous glissâmes
dans la cabane, avec King-George, sa femme et son
neveu, qui est un très-beau jeune homme nommé Rakou , et
qui doit succéder à son oncle. Bien que le feu eût été enlevé,
nous transpirâmes en abondance quand nous fûmes couchés;
je demandai que la porte restât ouverte pour avoir un peu
d’air; car la cabane, par sa construction, était naturellement
aussi chaude qu’une ruche.
2 septembre 1819. Quand nous nous éveillâmes , nous vîmes
la veuve de T ara , assise près de la porte en dehors, qui attendait
que nous nous levassions. Quand le jour parut, nous
quittâmes volontiers notre gîte pour respirer l’air du matin.
Nous chargeâmes Titari de nous préparer à déjeuner. Tandis
qu’il s’en occupait, ba veuve de T a ra , qui était assise sur un
tronc d’arbre avec deux ou trois femmes, me pria de me placer
près d’elles, ce que je fis. La conversation roula sur Tara et
sur mon premier voyage au pays. Une jeune et belle fille
était assise près de nous tandis que nous causions. Elle versait
en silence un torrent de larmes qui coulaient, le long
de ses joues, sur sa natte. Elle resta, ainsi baignée dans
ses pleurs, sans parler, car elle était trop affligée. J’appelai
M. Butler pour le rendre témoin de cette scène, qui l’affecta
tellement qu il ne put s’empêcher de répandre des larmes.
Alors nous nous tournâmes vers King-George qui était assis
avec sa femme, Rakou et la mère de Rakou. M. Butler leur
demanda s’ils connaissaient Mawi, ignorant alors qu’il parlait
aux parens mêmes de ce jeune homme. La jeune fille était
cousine de Mawi, et sa mère était la soeur de la mère de Mawi.
Quand elle entendit prononcer son nom, elle éprouva un
trouble extrême, elle pleura amèrement ainsi que ses parens,
et me dit que sa mère venait de mourir. M. Butler leur apprit
que Mawi avait demeuré cbez lu i, ce qui parut leur
causer une grande satisfaction, et ils ne savaient comment exprimer
à M. Butler toute leur reconnaissance.
Rakou est un des jeunes gens les plus beaux, les plus grands
et les plus agréables qu’on puisse voir dans son pays. Son
extérieur prévient en sa faveur, il est plein de noblesse , de
franchise et de douceur. Je dis à King-George qu’il ne fallait
pas tatouer Rakou ; que cela lui ferait tort et lui gâterait la
figure. Mais il rit de mon conseil, et déclara que son neveu
devait être tatoué, pour avoir un aspect noble, mâle et guerrier
; qu’il ne serait pas propre à être son successeur avec un
visage uni ; et que les Zélandais ne le regarderaient que comme
une femme, s’il n’était pas tatoué. Le pauvre Rakou a beaucoup
à souffrir avant que sa figure soit gravée comme celle
de son oncle.
Quand nous eûmes déjeuné avec les provisions que nous
avions apportées, nous nous préparâmes à rendre visite à un
autre cbef nommé Te Koke, sur la côte opposée de la baie, à
cinq milles de distance environ, ne sachant pas alors que King-
George nous avait fait préparer quelque chose pour manger.
Lorsque nous lui apprîmes que nous allions le quitter,
il nous fit observer que scs cuisiniers étaient allés chercher
pour nous quelques patates douces, et que nous ne pouvions
pas partir avant leur retour. Nous le priâmes de ne pas nous
arrêter ; mais il persista à ne pas vouloir nous laisser partir
que nous n’eussions participé à son hospitalité. Nous eûmes des
motifs de croire que, durant la nuit, il avait envoyé un messager
à Pomare, pour demander à ce cbef quelques patates douces
pour nous traiter; car deux des filles de Pomare arrivèrent de
bonne beure, et peu après nous vîmes les serviteurs de King-
George qui allumaient un feu à quelque distance. Au bout
d’une demi-beure environ, six cuisiniers se présentèrent avec
une quantité de corbeilles remplies de patates douces toutes
prêtes, pour nous et pour nos gens. King-George exigea que
nous prissions le tout, et que nous emportassions dans la piro