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„ L ’industrie de ces peuples sauvages se réduit, à peu de chose
près, à quatre objets : à se procurer une nourriture frugale ,
un logement simple contre les injures du temps , un habillement
de nécessité dans un climat plus froid que ne semble le
comporter la position de leurs îles; enfin à se palissader et se
garantir des invasions de leurs semblables, même à les attaquer
et à les détruire.
„ J’ai dit que la base de leur nourriture était de la racine de
fougère. Cette racine s’enfonce naturellement très-profondément
en terre ; pour l’arracher, les sauvages ont imaginé une
espèce de bêche pointue, semblable à un levier aiguisé par une
extrémité, auquel ils appliquent et lient fortement avec une
corde un morceau de bois qui leur sert à appuyer du pied sur
le levier, en même temps que les bras agissent dessus pour l’enfoncer
profondément et lever de grosses mottes.
„ Ce levier ne pouvant avoir une certaine largeur à l’extrémité
qui s’enfonce dans la terre , deux hommes se réunissent
avec chacun leur instrument, et s’accordent dans leur travail
pour lever ensemble une même motte. Cette espèce de bêche
ressemble assez à une ccbasse, dont le sous-pied serait placé à
la hauteur de deux pieds et demi environ.
» Ces peuples ont un commencement d’agriculture; ils cultivent
quelques petits champs de patates semblables à celles des
deux Indes ; ils cultivent aussi des calebasses qu’ils mangent
lorsqu’elles sont petites et tendres; et, lorsqu’elles sont mûres,
ils les vident et les font sécher , et s’en servent pour porter et
conserver de l’eau ; ils ont de ces calebasses qui contiennent
jusqu’à dix ou douze pots d’eau.
» Ils cultivent aussi des aloès-pites et une espèce de roseau qui
étant parvenu en maturité , leur donne, par le rouissage qu’ils
emploient, une filasse propre à faire leurs tissus, et des cordes
pour différens usages; ils se servent dans ces cultures du même
instrument dont je viens de parler, et de quelques morceaux
de bois aiguisés et taillés assez proprement en forme de plantoirs.
Il m’a paru que toute l’agriculture sc réduisait à ces deux
ou trois objets; ils ne connaissent aucune espèce de graines.
Hors quelques champs très-petits plantés en patates, calebasses,
aloès et roseaux très-petits , tout le pays m’a paru en friche , et
ne présente que des productions naturelles et agrestes. Je n’ai
rien vu qui eût l’air d’un verger; je n’ai même pu entrevoir le
moindre fruit cultivé ou sauvage.
» Le poisson étant, après la racine de fougère, la principale
nourriture des sauvages, c’est particulièrement sur la pêche
que leur industrie s’est exercée. Sans fer et sans aucun autre
métal, ils font, avec des nacres et divers autres coquillages, des
hameçons de toute grandeur, et travaillés avec beaucoup d’adresse.
Leurs lignes de pêche, leurs filets de toute espèce , sont
noués avec le même art que ceux des plus habiles pêcheurs de
nos ports de mer; ils fabriquent des seines de cinq cents pieds
de longueur ; ils suppléent au défaut de liège pour la partie supérieure
du filet, par des morceaux de bois blanc très-léger, et
au plomb pour la partie inférieure qui doit traîner sur le fond,
par des cailloux roulés très-pesans, renfermés dans une gaine
à jour dont ils garnissent le bas du filet.
» Ils fabriquent des seines avec du jonc , et d’autres avec un fil
bien tordu, et teint en rouge à l’huile de poisson. Les noeuds
de ces seines sont exactement semblables à ceux de tous nos
filets.
„ Tous les villages situés dans l’intérieur du port des Iles où
nous étions mouillés, possédaient une quantité con.sidérable
de pirogues. Ces bateaux qui ne sont qu’un tronc d’arbre
creusé, nous parurent généralement bien faits, d’une coupe
avantageuse pour la marche, bien travaillés, et la plupart
chargés de sculptures. Le plus grand nombre de ces pirogues
porte vingt à vingt-cinq pieds de longueur sur deux pieds et
demi à trois pieds de largeur. Leur usage principal est pour la
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