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tre à l’ancre. Je fis une nouvelle visite sur les Cavalles, et là
j’appris que les chefs et tous les principaux guerriers étaient
venus assister aux funérailles d’un homme de distinction mort
quelques jours auparavant, et qu’ils étaient en ce moment
campés du côté opposé à l’endroit où nous étions mouillés. A
cet avis, je retournai en hâte à hord, et me consultai avec Doua-
Tara. Je lui dis combien j ’étais désireux d’élabllr la paix,
maintenant que les Européens devaient demeurer avec eux :
que ce serait à la fois assurer le salut des Européens et
contribuer au bien général du pays. Je lui témoignai le désir
de visiter le camp de W angaroa, et d’entendre ce que les chefs
auraient à dire à ce sujet. Comme 11 n’avait plus revu ces gens,
depuis le désastre du Boyd, que sur le champ de bataille, il
fut quelque temps indécis. Je Ils tout ce que je pus pour l ’engager
à tenter l’événement. Ce n’était pas pour lui qu’il craignait,
mais il avait peur de ce qui pourrait m’arriver, ou à
quelqu’un de mes compagnons. A la fin il consentit à descendre
à la côte avec moi. Sbongui et Koro-Koro voulurent bien
nous accompagner. MM. Nicholas, Kendall, King et Hanson
s’offrirent à en faire autant. Nous prîmes avec nous dans le
canot plusieurs mousqueis chargés. Le rivage où nous allions
débarquer appartenait à Shongui et était occupé par ses
bommes.
Quand nous approchâmes de terre, nous vîmes les cbefs de
Wangaroa, avec leurs guerriers, campés sur une éminence
élevée à notre gauche, et leurs bannières flottantes. Le pied de
cette colline était baigné par la mer. Aussitôt qu’ils nous virent
débarquer, et nous n’en étions alors éloignés que d’un demi-
mille environ, ils saisirent leurs lances, plantèrent leurs pavillons
et coururent de toute leur force. Doua-Tara prit une
paire de grands pistolets et me dit de le suivre lentement, car
il allait s’approcher d’eux assez près pour leur adresser la parole;
et ils n avaient pas de moyen de l’éviter, puisqu’il n’y
avalt pas d’autre chemin pour s’esquiver, à cause de la mer.
Nous marchâmes tous ensemble derrière Doua-Tara, envi-
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ronnés d’une foule immense d’hommes, de femmes et d’en-
faris de la suite de Sbongui. Quelques-uns des principaux chefs
couraient en divers sens, pour dégager le cbemin et empêcher
la foule de nous presser. Bientôt Doua-Tara revint vers nous
et me dit de marcher en avant. En conséquence, je doublai
le pas, et nous fûmes promptement en présence de ceux de
Wangaroa qui s’étalent arrêtés pour nous recevoir. Ils se formèrent
sur deux rangs, et nous marchâmes au milieu d’eux.
Une vieille femme que je pris pour une prêtresse , faisait un
très-grand bruit, et secouait un pavillon à mesure que nous
avancions. Suivant leur coutume, tous les chefs étaient assis
parterre, et les guerriers debout avec leurs lances droites;
celles-ci étaient longues de quinze à vingt pieds et au-delà.
Ils étaient aussi armés de leurs bâtons. Doua-Tara s’arrêta à
quelque distance des chefs qui étaient assis, avec un pistolet à
la main. Quand je fus arivé près des chefs , Doua-Tara déchargea
son pistolet, puis il donna ordre à ceux de notre parti de
décharger leurs armes, ce qui fut fait. Ceux de Wangaroa
déchargèrent aussi leurs mousquets, et je regardai ce prélude
comme d’un augure favorable pour mon projet.
Vraie cause de la destruction du Boyd.
L ’un des principaux chefs qui ont détruit le Boyd avait été
à Parramatta et me connaissait. Il était resté long-temps à bord
des baleiniers, et parlait assez l’anglais pour se faire comprendre.
11 est connu des Européens sous le nom de Georges. Je fis
quelques présens aux chefs ; après avoir causé sur divers sujets,
et particulièrement sur le but de ma visite à la Nouvelle-
Zélande, je leur demandai ce qui les avait porté à détruire le
Boyd et à massacrer son équipage. Deux d’entre eux rapportèrent
qu’ils se trouvaient à Port-Jaekson quand le Boyd y
toucha, et qu’ils y furent embarqués par M. Lord pour revenir
chez eux : que le premier cbef, Georges, était tombé malade
a bord, ce qui l’avait mis hors d’état de faire son service de