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tant qu’à la Nouvelle-Zélande à la fidélité, à la chasteté de
leurs femmes. Ces créatures que les premiers voyageurs recevaient
à bord de leurs navires, ou qu’on leur présentait dans
leurs promenades à terre, n’étaient le plus souvent que des esclaves
qui prodiguaient leurs faveurs pour obtenir quelques
cadeaux des étrangers, et le fruit de ces avances ne reste pas
même à ces malheureuses filles, tout appartient à leurs maîtres.
C’est ainsi que Touai et sa femme Ehidi ne manquaient jamais
d’appeler et de visiter chaque soir leurs esclaves pour s’emparer
du produit de leur journée. Il était curieux de voir ces
filles, échos fidèles de leurs patrons, demander sans cesse poudra
(de la poudre). En général, elles étaient mieux que les
femmes mariées. Quant à celles-ci, il était rare qu’elles montassent
à bord, et elles ne quittaient pas un instant leurs parens
et leurs maris. Une fille libre peut cependant accorder
ses faveurs à qui lui plaît, pourvu que l’objet de son choix
soit digne de son rang, autrement elle dérogerait. Pour la
femme mariée, la mort est la punition de l’adultère. Cependant
, quand elle appartient à une famille puissante que le
mari craint d’offenser, quelquefois il se contente de la renvoyer
cbez ses parens, et de ce moment elle redevient libre
de sa personne. Quand des Français adressaient à des femmes
de chefs des propositions galantes, elles étaient constamment
repoussées avec mépris, et même avec une espèce d’horreur
par les mots : Wahine ano, tapou — femme mariée, défendu.
Le village de Paroa ou Kabou-Wera, situé sur un monticule
au bord de la mer, se trouvait dans une position très-forte,
sur la pointe avancée d’une péninsule, et Ton ne pouvait y pénétrer
que par l’arête d’un coteau qu’il était très-facile de
défendre. Partout ailleurs ce pâ dominait des rochers escarpés;
sur les points les moins inaccessibles il se trouvait en outre défendu
par une tranchée assez profonde et de fortes palissades
de douze ou quinze pieds de hauteur. Il me parut contenir en
1824 environ deux cents cabanes petites, basses, et munies
chacune d’une porte de deux pieds à peine en carré, tellement
qu’on ne pouvait pénétrer à l’intérieur qu’en rampant
sur les pieds et les mains. Une grande partie des guerriers de
ce pâ se trouvait, à cette époque, à la guerre sous les ordres
de Pomare, et Touai m’assura que leur nombre s’élevait à deux
cents environ, ce qui était sans doute exagéré. Kahou-Wera sc
compose des deux mots Itahou natte, et wera brûlé; Paroa,
des mots pâ fort, et roa grand. C’élait en effet le plus grand
village de ces cantons.
Le Pihe estl’ode solennelle que chantent en choeur les guerriers,
tantôt avant, tantôt après le combat, toujours auprès du
feu qui consume le repas de Dieu , Kaï-Atoua, et dans les cérémonies
funéraires. On peut dire que c’est le chant patriotique
et religieux des Zélandais; il paraît renfermer la base de
toutes leurs croyances mystiques. Touai était passionné pour
ce chant et ne le récitait jamais qu’avec une expression de physionomie
et des transports qu’il serait impossible de décrire :
il était facile de voir que tout son être était vivement affecté;
et j’ai remarqué cet effet sur un grand nombre d’autres naturels.
C’en était assez pour exciter ma curiosité , et je puis assurer
que je ne négligeai rien pour obtenir l’interprétation du mystérieux
Pihe. Mes efforts furent constamment inutiles ; la première
fois je pris Touai dans ma chambre et le gardai au moins
trois heures pour le questionner. Quelques passages isolés
m’offrirent bien un certain sens; mais le tout ensemble était
décousu, incoherent et parfaitement inintelligible. Convaincu
que Touai seul ne pouvait satisfaire mes désirs, je voulus profiter
peu de jours après d’une visite de M. Kendall pour réussir
dans mon projet; car Touai convenait lui-meme que ce
missionnaire entendait et parlait très-bien le zélandais. Je le.s
réunis donc tous les deux dans ma chambre, et M. Kendall
déploya toute la complaisance imaginable. Toutefois mon attente
fut encore frustrée, et je ne pus obtenir la traduction du
chant sacre.
M. Kendall paraissait ne pas bien comprendre lesexplica