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352 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
Un vieux chef, qui avait une très-longue barbe et le
visage entièrement couvert de tatouage, nous avait tenu compagnie
depuis l’endroit où nous avions passé la nuit. Il désirait
ardemment avoir une bacbe : il finit par nous dire
qu’il nous donnerait sa tête en échange. Nul objet n’est
aussi respectable pour les naturels que la tête de leur chef.
Je lui demandai qui jouirait de la bacbe quand j’aurais sa
tête. Il répliqua que je pourrais la donner à son fils. Puis
il ajouta : « Peut-être voudrez-vous bien me la confier pendant
quelque temps, et, à ma mort, vous aurez ma tête. »
Je lui promis qu’il aurait une bacbe, et il me donna deux
nattes pour s’assurer de ma promesse. Lui ayant fait observer
que je n’en avais plus une seule avec moi, et qu’elles étalent
toutes à Rangui-Hou, il dit qu’il enverrait un homme pour
aller la prendre, et il le fit effectivement quand nous quit-
tânies la rivière.
Nous b.îtâraes notre retour autant qu’il nous fut possible,
et nous regagnâmes notre logement sur les six heures du soir,
après avoir parcouru, suivant notre estime, près de quarante
milles par eau. Les pirogues de guerre ont une marche supérieure
quand elles sont bien manoeuvrées. Nous annonçâmes
au cbef Tara-Weka que nous le quitterions le lendemain. Il
nous fit préparer un présent en patates, et nous donna deux
cochons pour les emporter avec nous.
Tradi/ion des naturels. — Conversations.
Le prêtre des pointes de l’embouchure était notre fidèle
compagnon. Comme il était très-instruit sur toutes les matières
relatives à son pays et à sa religion, je voulus savoir de
Im quel avait été le premier homme de la Nouvelle-Zélande,
Il répondit que le premier bomme qui visita la Nouvelle-
Zélande et dont tous les autres étaient descendus, se nommait
Mawi; qu’il avait quitté sa patrie avec ses compagnons, à
cause de troubles publics; qu’il avait ensuite été conduit par
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le dieu du tonnerre, vers Shouraki, ou ce que nous nommons
la rivière Tamise ; et que Tauriki, le dieu du tonnerre, s’était
mis sur l’avant de sa pirogue, et l’avait conduit sain et sauf
au rivage. Son nom est en grande vénération , et il est honoré
comme une divinité.
Dans l’espace de plusieurs milles, sur la rive sud-ouest de
la rivière, la plage est jonchée de pierres arrondies, de diverses
grosseurs, depuis un jusqu’à six pieds de diamètre. Je
demandai au prêtre d’où elles provenaient, n’en ayant jamais
vu de semblables nulle part ailleurs. Il répondit que Mawi les
avait retirées du fond de la rivière quand il en avait creusé le
lit. Les sauvages attribuent à Mawi plusieurs des productions
naturelles de l’île.
Nous conversâmes sur les tremblemens de terre, sur la situation
des autres pays par rapport au leu r , sur le nombre de
lunes qu’il faudrait à un navire pour se rendre en divers
lieux ; quelles contrées produisent le fer, le charbon de terre , .
le blé, le vin, les esprits, le thé, lo sucre, le riz , etc. ; et
quels articles leur propre pays sera susceptible de produire,
quand une fois ils auront les moyens de le cultiver. Tous ces
sujets leur plaisaient beaucoup ; dans le cours de la conversation,
ils faisaient souvent des observations judicieuses, et
qui manifestaient le vif désir qu’ils avaient de pouvoir essayer
ce que leur contrée pouvait produire. Nous terminâmes la
journée en lisant un morceau de l’É criture, en chantant un
hymne et en faisant une prière.
g octobre i8 ig . Au point du jour, ce matin, nous avons
entendu les lamentations de la pauvre veuve , sur le sommet
de la colline, pleurant la perte de ses enfans. Son affliction
était excessive. Elle était entièrement livrée aux sentimens de
la nature, qui semblaient au-dessus de ses forces. Les consolations
de la religion ne pouvaient point répandre le baume
de la joie dans son esprit ulcéré.
Après avoir compati à l’affliction de la pauvre veuve, je
retournai déjeuner. Cela fait, nous nous préparâmes à nous
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