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ricain , commandé par le capitaine Jackson, employé à commercer
au travers des îles de la mer du Sud et destiné en cc
moment pour la cote de la Californie, je montai sur-le-champ
à bord et me présentai au capitaine qui, en me voyant, s’écria
aussitôt : «Voilà un Nouveau-Zélandais blanc. » Je lui dis que
je n’étais point un Nouveau-Zélandais, mais un Ang-lais; alors
il m’invita à descendre dans sa cbambrc où je lui fis le récit
de mes aventures et de toutes mes infortunes. Je l’instruisis du
danger auquel son navire serait exposé s’il mouillait dans cette
partie de l’île ; et je l’engageai à reprendre le large le plus
promptement possible , en le priant de m’emmener avec lu i,
attendu que c’était la seule chance que j’eusse jamais rencontrée
de pouvoir m’échapper. Pendant ce temps, le fils du chef
ayant commencé ses vols sur le navire, les bommes de l’équipage
l’avaient attaché, l’avaient fouetté avec les araignées d’un
de leurs hamacs , puis l’avaient renvoyé dans sa pirogue. Ils
auraient aussi fouetté les autres, si je n’eusse intercédé pour
eux, réfléchissant qu’il y avait peut-être encore quelques-uns
de mes infortunés compagnons vivans, à terre, sur lesquels les
naturels auraient pu se venger. Le capitaine consentit à me
prendre à son bord, et la pirogue ayant été laissée en dérive ,
nous reprîmes le large. Pendant les seize premiers mois de
mon séjour à la Nouvelle-Zélande, j’avais compté les jours au
moyen de cocbes sur un bâton ; mais ensuite j ’y avais renoncé.
Je sus cependant que le jour que je fus emmené de l’île était
le 9 janvier 182G ; ainsi j’étais resté prisonnier cbez ces sauvages
dix ans entiers moins deux mois.»
Le capitaine Jackson donna ensuite à Rulberford tous les
vêtemens dont il avait besoin, et celui-ci, en retour, lui lit
présent de son costume national et de sa bacbe d’armes. Le
navire se dirigea vers les îles de la Société, et mouilla à Taïti
le 10 février. Là Rulberford entra au service du consul anglais,
qui l’employa à scier du bois. Le 26 mars il fut marié à
une femme de distinction qui se nommait, dit-il, Nowaï-Roua,
par JM- Pritcbard, l’un des missionnaires anglais. Tandis qu’il
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résidait dans cette île, il fut aussi employé comme interprète
par le capitaine Peachy (lisez Beechey), du sloop de guerre
le Blossom, alors employé à l’exploration de ces îles. Du reste,
brûlant du désir de revoir son pays natal, il embarqua le
6 janvier 1827 à bord du brick Macquarie, commandé parle
capitaine Hunter, et destiné pour Port-Jackson. En prenant
congé de sa femme et de ses amis, il leur fit la promesse de
revenir dans Tîle sous deux ans; « promesse que j’ai l’intention
détenir, dit-il, si cela est en mon pouvoir, et je désire y terminer
mes jours. » Le Macquarie atteignit Port-Jackson le 19 février,
et Rutherford raconte qu’il y rencontra une jeune femme
qui avait été sauvée du massacre du Boyd, et qui lui fit lo
récit de cette catastrophe. C’était probablement la fille de la
femme que M. Berry transporta à Lima. Il trouva aussi à Port-
Jackson deux navires prêts à opérer leur retour en Angleterre,
avec une réunion de personnes qui avaient tenté de former
un établissement h la Nouvelle-Zélande, mais qui avaient été
contraintes de renoncer à ce projet, à ce qu’il comprit, par la
conduite perfide des naturels. Il s’embarqua à bord du Sydney-
Packet, commandé par le capitaine Taylor, qui loucha d’abord
à Hobart-Town, sur la terre de Van-Diémen, et, après
un séjour de quinze jours environ , fit voile pour Rio-Janeiro.
A son arrivée dans cette ville, il entra au service d’un M. Harris,
Hollandais. M. Harris, ayant appris son bistoire, le présenta
à l’empereur Don Pédro , qui lui fit plusieurs questions
par un interprète, et lui fit présent de quatre-vingts dollars.
Il lui offrit aussi de l’emploi dans sa marine; mais Rutherford
refusa, préférant retourner en Angleterre sur la frégate Blanche,
alors sur le point de mettre à la voile, et sur laquelle il
obtint un passage à la recommandation du consul anglais. A
l’arrivée du navire à Spitbead, il le quitta sur-le-cbamp, et
se rendit à Manchester, sa ville natale, qu’il n’avait pas revue
depuis la première fois qu’il s’était embarqué en Tannée 180G.
Depuis son retour en Angleterre, Rutherford gagnait parfois
son entretien en accompagnant une caravane ambulante