nombre d’amis, il s’embarqua pour la Nouvelle-Galles du Sud,
et arriva encore une fois à bon port, au bout d’un mois, à
Parramatta. Pendant son séjour cbez moi, je le vis souvent
absorbé dans ses pensées, et je lui demandai quelle était la
cause de son inquiétude. Il répondit : « Je crains que ma première
femme ne soit morte ou très-malade. » Ce que le prêtre
lui avait dit relativement à la mort de sa femme , durant son
absence, avait évidemment fait une forte impression sur son
esprit, bien (ju’il eut auparavant passé près de trois ans dans
ma famille , que pendant tout ce temps il se fût toujours montre
fort raisonnable, et qu’en toutes les occasions il eût été
disposé à recevoir des instructions religieuses. Néanmoins,
les notions superstitieuses qu’il avait reçues dès son enfance
h la Nouvelle-Zélande, avaient jeté de profondes racines
dans son coeur : il avait une grande confiance dans ce que
le prêtre lui avait dît, comme dans l’effet de ses prières. Je
renvoie à ma lettre officielle , pour le compte des attentions
que Doua-Tara me témoigna à mon arrivée sur l ’Active et à
la baie des Iles ; comme à la lettre de M. Kendall, jointe à ce
récit, toucbant ce qiii eut lieu au moment où Doua-Tara mou-
l’ut, et ce qui se passa ensuite. Sa mort a été pour moi un sujet
1 érilable de peine et de regret, et on doit la regarder comme
une mystérieuse disposition de la Providence. Durant les dix
dernières années de sa v ie , Doua-Tara avait enduré toutes les
sortes de dangers, de privations et de misères qu’il est possible
à l’bomme d’éprouver. Lorsque j’arrivai à ta Nouvelle-Zélande,
avec lui et le reste des colons, il semblait avoir atteint ce
grand but de toutes ses fatigues qui avait été le sujet constant
de ses entretiens, savoir : le moyen de civiliser ses compatriotes.
Joyeux et triomphant, il me disait alors : « Maintenant
je viens d’introduire la culture du blé à la Nouvelle - Zélande ;
en deux ans de temps, la Nouvelle-Zélande deviendra une
contrée importante, je pourrai exporter du blé à Port-Jackson
pour l’échanger contre des piocbes, desbacbes, des bêches,
du thé, du sucre, etc. » Pénétré de cette idée, il faisait des
arrangemcns avec son peuple pour des cultures très-étendues;
il avait aussi dressé un plan pour construire üne nouvelle
ville avec des rues régulières, à l’européenne , dans une belle
situation qui dominait sur l’entrée de la baie et les campagnes
adjacentes. Je l’accompagnai sur ce point : nous examinâmes
le site désigné pour la v ille , le lieu où devait se trouver
l’église ; et ses rues devaient toutes être tracées avant que VActive
fit route pour Port-Jackson. Ce fut au moment même où il
devait mettre à exécution tous scs projets, qu’il fut jeté sur son
lit de mort. Je ne pouvais donc me défendre d’un sentiment
de surprise et d’étonnement en le voyant courbé sous le poids
de sa maladie, et j’avais peine à croire que la bonté divine
voulût enlever de ce monde un bomme dont l’existence semblait
d’une si haute importance pour son pays qui sortait à
peine de la barbarie et des ténèbres de la superstition la plus
grossière. Sans doute il avait terminé sa tâche, et rempli la
carrière qui lui était assignée, quoique je crusse fermement
qu’il ne faisait que la commencer! C’était un bomme doué
d’une intelligence rapide, d’un discernement sû r, d’un solide
jugement et d’un caractère exempt de craintes, en même temps
qu’il était doux, affable et gracieux dans ses manières. Son
physique était fort et vigoureux, et promettait une vie longue
et bien employée. A l’époque de sa mort, Doua-Tara était dans
la fleur et dans la vigueur de l’â ge, et extrêmement actif et
industrieux. Je pense qu’il pouvait avoir vingt-huit ans. Quatre
jours environ avant sa mort, ii fut saisi de douleurs d’entrailles
et de poitrine, accompagnées de difficulté dans la respiration
et d’une forte fièvre. En réfléchissant sur cet événement
mystérieux et funeste , je suis conduit à m’écrier comme
l’apétre des Gentils : « Combien la sagesse et la connaissance
de Dieu sont élevées et profondes, combien ses jugemens
sont incompréhensibles, et combien ses voies dépassent toute
intelligence ! „
Je viens. Monsieur, de vous raconter les événemens et les
vicissitudes de la vie de Doua-Tara, qui sont arrivés à ma con