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Il n’y a point d’eau douce sur l’île , et les pêcheurs n’avaient
d’autre aliment que la chair des phoques ou des oiseaux de
mer. Doua-Tara parlait souvent des souffrances excessives que
la faim et la soif lui avaient fait éprouver ainsi qu’à ses compagnons;
ils ne pouvaient se procurer de l’eau que quand il
venait à tomber quelque grain de pluie. Deux Européens et un
Taïtien avaient succombé à ces maux. Peu de semaines après
1 arrivée du King-George, le Santa-Anna fut de retour ; pendant
son absence, les pêcheurs s’étalent procuré huit mille
peanx. Après avoir embarqué ces peaux, le navire fil voile
pour l’Angleterre : Doua-Tara ayant depuis long-temps le plus
vif désir de voir le roi Georges, s’embarqua comme simple matelot,
dans l’espoir de contenter son envie. Le Santa- Anna
arriva dans la Tamise vers le mois de juillet 1809. Alors Doua-
Tara supplia le capitaine de lui faire voir le ro i, attendu que
c était la le seul motif qui l’eût déterminé à quitter son pays
natal. Quand il s’informait de quelle manière il fallait s’y prendre
pour voir le ro i, quelquefois on lui disait qu’il ne pourrait
pas trouver sa maison; d’autres fois, qu’il n’était permis à
personne de voir le roi Georges. Cela l’affligea considérablement,
et il ne vit que très-peu de chose dans Londres, car on
lui permettait rarement d’aller à terre. Il me dit que dans l’espace
de quinze jours le navire eut débarqué sa cargaison, et
le capitaine lui annonça alors qu’il allait le mettre à bord de
VAnn, que le gouvernement avait frété pour transporter des
convicts à la Nouvelle-Galles du Sud. L ’Ann était déjà à Gra-
vesend ^ Doua-Tara demanda au maître du Santa-Anna quelques
gages et des bardes; le maître refusa de rien lui donner,
ajoutant que les armateurs, à son arrivée à Port-Jackson,
paieraient ses services avec des mousquets; mais il ne les
reçut jamais. Vers ce temps, Doua-Tara tomba dangereusement
malade, tant des suites de ses souffrances, que du chagrin
de voir scs espérances frustrées. Ainsi, pauvre, malade et
sans amis , il fut envoyé à Gravescnd, et mis à bord de l ’Ann.
Il y avait alors quinze jours qu’il sc trouvait dans la rivière,
depuis l’arrivée An Santa-Anna, et on ne lui avait jamais permis
de passer une nuit à terre. Le maître de l ’A n n , M. Charles
Clark, m’informa par la suite qu’au moment où Doua-Tara fut
amené à bord de l ’Ann, il était si misérable et si dépouillé,
qu’il refusa de le recevoir dans son navire, avant que le maître
du Santa-Anna lui eût fourni une culotte, ajoutant qu’en
outre ce naturel était très-malade. Je me trouvais alors à Londres,
mais j’ignorais que Doua-Tara fût arrivé sur le Santa-
Anna. Peu après qu’il se fut embarqué à Gravescnd , VAnn fit
voile pour Portsmoutb. J’avais reçu du gouvernement l’ordre
de retourner à la Nouvelle-Galles du Sud par ce navire, et je
le rejoignis quelques jours après son arrivée à Spltbead. Quand
j’embarquai, Doua-Tara était malade en bas, de manière que
je ne le vis point, et que je fus même quelque temps sans savoir
qu’il était à bord. La première fois que je l’aperçus, il était sur
le gaillard d’avant, enveloppé dans un large et vieux manteau,
très-faible et très-malade ; il souffrait d’une toux violente, et
rendait beaucoup de sang par la bouche. Il était très-abattu,
et semblait n’avoir plus que quelquesjours à vivre. Je demandai
au maître où il l’avait rencontré, et à Doua-Tara, qui l’avait
amené en Angleterre, et l’avait réduit à un état si misérable.
Il me répondit que les souffrances et les misères qu’il avait
éprouvées à bord du Santa-Anna avaient été excessives, et que
les marins anglais l’avaient cruellement battu, que c’était là la
cause de son crachement de sang ; que le maître l’avait frustré
de tous ses gages, et l’avait empêché de voir le roi. J’eusse bien
désiré, si cela eût été possible, sommer le maître du Santa-
Anna de rendre compte de sa conduite, mais il était trop tard.
Je tâchai de consoler Doua-Tara, et je lui promis qu’il serait
protégé contre toute sorte d’outrage, et qu’on fournirait à ses
besoins.
Grâces à l’honnêteté du chirurgien et du maître, et aux
vivres convenables qui furent administrés à Doua-Tara, il reprit
bien vite des forces et du courage ; il se trouva tout-à-
fait bien quelque temps avant notre arrivée à Rio-Janciro. II