Le |)lu.s léger cx.nnen des vocabulaires des langues sauvages,
lels qu’ils ont été reeucillis par les voyageurs et les navigateurs,
prouvera faeilement l’imperfection avee laquelle l’oreille
saisit les sons auxquels elle n’est point babituce , et démontrera
les erreurs auxquelles on est exposé en essayant de
représenter les mots d’un langage que l’on ne comprend point,
d’apres la simple prononciation des naturels.
Malgré la répugnance qu’éprouvait le capitaine à donner
dans cette baie, par suite de son ignorance de la côte et de scs
soupçons sur les dispositions des babitans, l’équipage se détermina
enfin à y relâcher, attendu l’extrême besoin d’eau où Ton se
trouvait, joint h ce qu’on ne savait point si le vent permettrait
de gagner la baie des Iles. En conséquence on mit à l’ancre,
au large d’une pointe de récifs située précisément au-dessous
d’une terre élevée qui formait un des côtés de la baie. Aussitôt
qu’on eut laissé tomber l’ancre, le navire fut environné par un
grand nombre de pirogues qui arrivaient de tous les points de
la baie, et dont chacune était montée et manoeuvrée par une
trentaine de femmes. Très-peu d’bommes se montrèrent dans
la journée ; mais bon nombre de femmes restèrent à bord toute
la n u it, occupées principalement à voler tout ce qui leur tombait
sous la main. Leur conduite alarma vivement le capitaine,
et toute la nuit on fit une bonne garde. Le lendemain matin
un cbe f, que Ton dit se nommer Emai, arriva à bord, dans
une grande pirogue de guerre de soixante pieds de long environ
et portant plus de cent naturels. Ils étaient approvision -
nés d’une quantité de nattes et de lignes de pêcbe fabriquées
en lin blanc et fort du pays, qu’ils paraissaient empressés de
vendre aux hommes de l’équipage.
Quand ce cbef eut été quelque temps à bord, il fut convenu
qu’il retournerait à terre avec quelques hommes de sa tribu ,
dans le canot du navire, pour sc procurer une provision d’eau.
Le capitaine tenait beaucoup à faire cet arrangement, car il
répugnait à envoyer aucun de scs hommes 5 terre, désirant les
garder tous à bord pour la défense du navire. An bout du
temps nécessaire, le canot revint cbargé d’eau, qui fut sur-le-
champ embarquée ; puis le chef et ses hommes furent expédiés
de nouveau pour le même objet. Pendant ce temps, le reste
des naturels continuait d’apporter des cochons à bord en très-
grande quantité. A la fin du jour, environ deux cents de ces
animaux avaient été achetés, avec une provision de racine de
fougère pour les nourrir. Jiisqu’.à ce moment, aucune intention
hostile n’avait été manifestée par les sauvages, et leurs
relations avec le navire portaient l’empreinte de Tamitié et de
la cordialité, si toutefois on met de côté leur penchant à dérober
un certain nombre des objets précieux et tentans que
leur montraient leurs bôtes civilisés. Sous ec rapport leur conduite
semblerait presque prouver qu’ils n’avaient encore formé
aucun projet pour attaquer le navire, attendu qu’en pareil cas
11 n’est guère probable qu’ils se fussent donné la peine de voler
de faibles portions de ce dont ils auraient espéré se rendre
maîtres en totalité. D’un autre côté , une pareille infraction
aux lois de l’hospitalité ne se serait guère accordée avec ce système
d’honnêteté perfide qu’ils ont coutume d’employer pour
endormir les soupçons de ceux qu’ils sont à la veille d’égorgcr.
Au reste, durant la nuit les vols se renouvelèrent et devinrent
plus inquiétans; car on s’aperçut dans la matinée que
quelques-uns des naturels avaient non-seulement dérobé le
plomb sur Tarrière du navire, mais qu’ils avaient coupé plusieurs
cordages et les avaient emportés dans leurs pirogues. Cc
ne fut aussi qu’au point du jour qne le chef revint avec sa seconde
cargaison d’eau ; et Ton s’aperçut alors que le canot du
navire, qu’il avait emmené avec lui, faisait beaucoup d’eau.
Le charpentier l’examina, et reconnut qu’une grande partie
des clous qui tenaient scs bordages avaient été arrachés. Dans
le même temps. Rutherford surprit un des naturels occtqié .à
voler le plomb de soude. « Comme je le lui arrachais des
mains, dit Rutherford dans son récit, le sauvage grinça des
dents et me menaça de son tomahawk. Alors le capitaine paya
lo ebef pour Teau qu’il avait apportée, en lui donnant deux