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c’était principalement à sa bravoure personnelle que son fils
avait dû sa puissance et son influence sur toutes les tribus du
nord d’Ika -Na -Mawi. A ses fonctions de premier eb ef il avait
d’ailleurs uni celles de prêtre et de prophète, et cela avait
achevé de lui concilier la considération publique. Il avait
même fait un pèlerinage à la Caverne-Sacrée, près du cap
Reinga, et à son retour il avait, dit-on, institué des cérémonies
jusqu’alors inconnues à ces peuples.
Néanmoins T o u a i, en parlant de lu i , ne manquait jamais
de rappeler que la famille de Shongui était moins ancienne
que la sienne, et il reprochait en outre à son rival quelques
petites faiblesses, surtout celle de ne marcber aux combats
qu’avec la cotte de mailles et le bouclier donnés par le roi
Georges à S hongui, tandis qu’un brave guerrier ne doit avoir
d’autre bouclier que sa lance.
Sbongui ne voulut jamais se rendre aux efforts des missionnaires
pour l ’engager à adopter le christianisme. I l méprisait
une religion dont l’esprit et les dogmes contrastaient
d’une manière si extraordinaire avec les idées qu’il avait
nourries depuis son enfance toucbant la gloire et les honneurs
dont l’esprit de l’homme était susceptible dans ce monde
comme dans l ’autre. I l ne tolérait ces étrangers que pour les
services qu’ils pouvaient lu i rendre dans les arts mécaniques;
depuis long-temps surtout il avait témoigné le désira M . Marsden
d’avoir un armurier pour réparer ses mousquets et les entretenir
en bon état. M. Clarke , que nous transportions en
1824 avec sa famille à la baie des I le s , avait été annoncé à
Sbongui à ce titre. En effet, le premier métier de M. Clarke
avait été celui d’armurier et de serrurier; mais, dans sa n ou velle
condition de missionnaire, il avait pris un ton et des
prétentions bien au-dessus de celles d’un simple o u v r ie r , et je
vis bien qu’il ne se ravalerait jamais à ses premières fonctions.
Sbongui qui se faisait une fête de le recevoir eut lui-même
assez de jugement pour en tirer la même induction la première
fois qu’il le vit, et le chagrin qu’il éprouva de voir encore une
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fois ses espérances renversées rendit un peu froid Taccucil qu’il
fit à M. Clarke. « C’était un bon ouvrier que je voulais , dit
» Sbongui, et non pas un ariki de plus; j’en avais déjà trop. »
Plus raisonnable que ses co llègue s, M. Kendall s’élait concilié
l’affection de Sbongui et de tous les Zélandais en vivant
au milieu d’eux sans défiance, et en remettant à leur disposition
tous les outils qui pouvaient leur être utiles. En outre,
il me parut avoir, à l’égard de leur conversion, des idées bien
plus saines que ses collègues. Il soutenait que le temps n’était
pas encore venu d’en faire des chrétiens ; que toutes
les importunités des missionnaires ne servaient qu’à ennuyer
les insulaires, et qu’on devait pour le moment se borner
à gagner leur confiance, à apprendre leur langue, et à leur
faire vo ir peu à peu le ridicule et l’abus de leurs coutumes.
Enfin M. Kendall était le seul jusqu’alors qui se fût occupé de
recueillir des documens sur ce peuple extraordinaire; sous
cc rapport on doit regretter qu’il n’ait pas pu prolonger son
séjour dans ces contrées.
M. Kendall était lui-même fort attaché à S hongui, dont il
faisait constdtnment l’é lo g e , en affirmant que hors du cbamp
de bataille c’était le meilleur homme du monde. Un jour que
nous parlions ensemble du caractère de ce rangatira célèbre,
eomme j’étais peu disposé à croire tout le bien que m’en disait
M. K en d a ll, pour preuve de la férocité naturelle et réfléchie
de Shongui, je citai Taffrcux trait de barbarie rapporté
par les missionnaires même de K id i-K id i. M. Kendall répliqua
que cet événement avait été raconté d’une manière peu
exacte : Sbongui n’avait jamais eu le dessein de sacrifier ces
malheureux captifs; mais sa b e lle - fille , dont l’époux avait
péri dans le com ba t, après avoir accablé son beau-père de reproches
, lui demanda le sang des prisonniers. Sur son refus,
eette femme impitoyable, assistée d’un ou deux de ses parens ,
alla elle-même mettre les prisonniers à mort durant la nuit.
M. Kendall ajoutait que Shongui fut très-contrarié de cet événement.
Ce missionnaire me répétait souvent que cc chef était