des habitudes de la vie civilisée, ne montrait plus que de.s
dispositions douces et affectciiscs. Le barbare, qui dans les
combats avait tant de fois .semé la mort autour de lu i, était
devenu le compagnon de jeu des enfans et le disciple complaisant
des coutumes les plus paisibles. Personne n’eût montré
des dispositions plus naturelles pour tous les avantages de
la civilisation. Sa reconnaissance de tous les petits services
qu on pouvait lui rendre était toujours exprimée avec une
cbaleur et d’une manière qui prouvait qu’elle venait du coeur.
Lorsqu il quitta Liverpool, il fut profondément ému on prenant
congé du docteur Traill : d’abord il lui baisa les mains;
ensuite , oubliant ou dédaignant les nouvelles formes qu’il
avait contractées depuis son arrivée en Europe, pour revenir
à celles que son coeur jugeait sans doute beaucoup plus expressives,
il frotta son nez contre celui de son ami, d’après la
coutume de son pays, avec une cordialité passionnée. En
même temps Toupe assura le digne médecin que, s’il venait
jamais dans son pays, il aurait des vivres en abondance, et
pourrait remporter avec lui autant de cbanvre et d’espars qu’il
en désirerait.
Le docteur Traill était sincèrement pénétré des avantages
que l’on pouvait retirer de la visite de Toupe en Angleterre,
visite qui nous avait prouvé l’amitié d’un chef aussi puissant,
et qui avait donné une preuve si extraordinaire de son caractère
énergique et entreprenant, en même temps qu’elle avait
démontré ses dispositions à cultiver ses relations avec les Anglais
; et il s arrangea de manière à présenter un mémoire sur
eette matière au gouvernement. D’après le récit de Toupe, on
ne pouvait douter que son territoire ne produisît en abondance
du bois de koudi et du lin; et II était très-probable qu’on
pourrait se procurer ces deux productions dans le district de
Toupe, avec plus de facilité et do meilleure qualité que dans
toute autre partie de la Nouvelle-Zélande. Nous avons déjà
fait observer que la plus belle espèce de lin croît seulement
sur la partie méridionale de l’île. La difficulté de sc procurer
le bois de koudi dans les autres parties de Tîle, où Ton s’cst
déjà dirigé pour cet objet, provient de ce que cet arbre croît
trop loin dans l’intérieur pour être transporté jusqu’à la mer,
ou seulement sur le bord de rivières que les navires d’un fort
tonnage ne peuvent remonter. Mais Toupe représentait les
deux détroits, qui conduisent du détroit de Cook jusqu’au centre
de son territoire, comme assez profonds et assez spacieux
Tun et l’autre pour recevoir les plus grands navires, et comme
couverts de bois jusqu’au bord de Teau. La formation d’un
établissement de commerce, pour échanger ces objets contre
les armes à feu des Européens, était un des projets favoris de
Toupe, et ses idées à cet égard étaient certainement assez raisonnables.
Le capitaine Reynolds, disait-il, achèterait un navire
et le conduirait à la Nouvelle-Zélande, où Toupe le cbar-
gerait de lin. Le capitaine Reynolds irait vendre ce lin en
Europe, et du produit achèterait des fusils, des objets de coutellerie,
etc.; et, quand II serait de retour avec ces articles,
Toupe lui donnerait une autre cargaison de lin pour sa
peine.
On a sujet de croire aussi que, si nous ne le faisons point,
, d’autres nations ne sont pas éloignées de tenter d’ouvrir un
commerce régulier avec les Nouvcaux-Zélandais. Lorsque le
capitaine Reynolds revenait en Europe, il rencontra un navire
américain dont le capitaine vint à bord de l ’ Urania. Après
avoir entendu l’histoire deToupe, il offrit à Reynolds mille
dollars s’il voulait faire passer le cbef de la Nouvellc-Zélaude
sur son bâtiment.
Par suite de la requête du docteur Traill, un ordre du
trésor fut sur-le-cbamp transmis au capitaine Reynolds pour
l’autoriser à recevoir chaque semaine une indemnité pour
l’entretien deToupe, et Ton fit connaître à celui-ci qu’il serait
reconduit chez lui aux frais du gouvernement. Du reste il fut
arrêté qu’on ne lui fournirait point d’armes à feu, et cela pour
des motifs que comprendront suffisamment tous ceu.x qui sont
instruits des suites fatales qui ont résulté durant ces demie