je préférai m’y transporter moi-même, si je pouvais obtenir la
permission du gouverneur, en menant avec moi MM. Hall cl
Kendall. Comme je connaissais plusieurs des naturels, j ’avais
lieu de présumer que j’aurais assez de crédit sur eux , pour mettre
mes projets à exécution , si je pouvais y aller ; car, dans ee
cas, je pourrais expliquer parfaitement à Doua-Tara et aux
autres cbefs, le grand objet que la Société avait en vue en envoyant
des Européens habiter parmi eux. Quand j ’eus acheté
le navire, je me rendis chez S. E. le gouverneur M acquarie,
et je lui fis part de mon projet, en lui expliquant que la Société
désirait former un établisssement dans la Nouvelle-Zélande
; puis je lui demandai la permission de visiter ce pays.
Le gouverneur ne jugea pas qu’il fût prudent de m’accorder
cette permi.ssion pour cette fois ; mais il me dit que si je voulais
y envoyer VActive et qu’il revînt sans accident, il rne
donnerait la permission d’accompagner les colons et leurs familles
quand le bâtiment y retournerait une seconde fois, et
qu’alors je pourrais les voir convenablement établis. Cette réponse
me satisfit, car je ne doutais pas que l ’Active ne revînt
en sûreté , eu égard aux motifs de son voyage dans cette contrée.
C’est pourquoi je donnai l’ordre au navire de se préparer
à partir, et à MM. Hall et Kendall, de se rendre à la baie des
Iles, où résidaient les naturels que je connaissais. Quand VActive
appareilla , j’expédiai un message à Doua-Tara, pour lui
expliquer dans quel but j ’avais envoyé MM. Kendall et Hall
cbez lu i, et je l’invitai en même temps à revenir avec eux à
Port-Jackson, et à amener deux ou trois cbefs. Je lui envoyais
un moulin d’acier pour moudre son grain, un tamis
et du blé pour semer, avec quelques autres présens. A l’arrivée
à e lA c tiv e , les colons furent accueillis avec la plus grande
bienveillance par Doua-Tara et tous les autres chefs, et l’on
ne cessa d’avoir pour eux les plus grands égards durant les
six semaines qu’ils passèrent à la Nouvelle-Zélande. Doua-
Tara fut ravi de recevoir le moulin d’acier. Il se mit aussitôt
en besogne, pour moudre du blé devant ses compatriotes,
qui dansèrent et poussèrent des cris de joie eu voyant la
farine. Il me dit qu’il en avait fait un gâteau, el l’avait fait
cuire dans une poêle à frire, puis il le donna à manger à ses
compatriotes, qui restèrent ainsi convaincus de la vérité de ce
qu’il leur avait dit jadis, en affirmant que le blé pouvait faire
du pain. Les chefs réclamèrent le grain qu’ils semèrent, et nul
doute qu’ils ne sachent bientôt apprécier la valeur du blé. En
janvier dernier, j’en ai vu qui était très-fort et très-beau : le
grain , à sa maturité, était nourri et brillant, ce qui me porta
À croire que le climat et le sol de la Nouvelle-Zélande seront
très-favorables à la culture du blé. Avant l’arrivée de VActive,
Doua-Tara avait résolu de visiter Port-Jackson par le premier
navire qui ferait voile de la Nouvelle-Zélande pour cette colonie
, afin de se procurer un moulin, des piocbes, et quelques
autres objets dont il avait besoin. Il fut enchanté quand VActive
entra dans la baie, espérant qu’il pourrait y trouver un
passage ; mais en recevant le moulin que je lui envoyais
avec le blé pour semer et les autres articles, il changea d’avis,
et déclara qu’il allait s’appliquer à l’agriculture durant deux
années de suite, maintenant qu’il avait les moyens de cultiver
la terre et de moudre son grain. Son oncle Shongui avait alors
un grand désir de visiter Port-Jackson. Comme c’est un chef
très-puissant, et qu’il n’avait point d’ami à Sydney qui pût lui
servir d’interprète, Doua-Tara se décida à l’accompagner. Il
me raconta que ses femmes, ses amis et son peuple l’avaient
vivement sollicité de rester avec eux. Il s’efforça de leur persuader
qu’il serait de retour dans quatre mois; mais ils ne voulaient
point le croire, pénétrés qu’ils étaient de l’idée que
VActive ne reviendrait plus. Le prêtre lui signifia que sa principale
femme, s’il la quittait, mourrait avant que le navire
revînt. C’est cette même femme qui se pendit le lendemain du
jour où Doua-Tara mourut, à cause du tendre attachement
qu’elle lui portait. Il répondit au prêtre qu’il était déjà revenu
plusieurs fois, et qu’il reviendrait encore celle-ci. En conséquence,
il prit congé de ses gens; avec son oncle et un petit