PIÈCES JUSTIFICATIVES. PIÈCES JUSTIFICATIVES. 93
lui-même se trouva bien disposé à accepter l’invitation du
cbef; par là, suivant toutes les apparences, devait s’établir une
liaison qui promettait les plus importans résultats.
Le jeune bomme vécut constamment sous le toit de son bienfaiteur
; quand il connut la langue du pays, le cbef lui donna
sa fille en mariage, et l’Anglais devint son agent et son interprète
près tous les navires qui vinrent mouiller dans la baie.
Tandis que tout marchait ainsi au gré du chef et du jeune
bomme, et suivant les intérêts des deux nations, il survint un
de ces déplorables événemens qui font presque rougir un A n glais
de trouver un compatriote dans le coupable.
Afin de pouvoir rapporter plus exactement, et sans crainte
d’aucune erreur, cette triste aventure, nous allons citer les paroles
mêmes du journal de Calcutta, dans lequel elle se trouve
racontée. ( io mai 1809.)
« Nous allons rapporter en substance, dit l’écrivain, le triste
récit qui va suivre , dont les acteurs sont ; un Anglais nommé
Bruce, une princesse de la Nouvelle-Zélande, fille de Tepabi,
et un capitaine du nom de Dalrymple.
» Georges Bruce, le fils de Jean Bruce, premier commis de
M. W o o d , distillateur à Lime-House , est né à Londres, eu
»779 , dans la paroisse de Ratcliffc-High-Way. En »789, il
embarqua à bord du vaisseau de la compagnie des Indcs-Orien-
tales, le Royal-Admirai, capitaine Bond, en qualité de mousse
du maître d’équipage. Il partit de l’Angleterre pour la Nouvelle
Galles du Sud, et arriva en 1790 à Port-Jackson, où, du
consentement du capitaine Bond, il quitta le vaisseau et resta
en ce pays.
» A Port-Jackson, Bruce entra dans le service de la marine
coloniale; il fut employé pendant plusieurs années sous les
liculenans Robins, Flindcrs et autres, à explorer les cotes, à
reconnaître les ports, caps, rochers, etc. Pendant ce temps.
Bruce eut plusieurs aventures qui n’entrent pas dans le plan
de ce récit. Après avoir été ainsi employé plusieurs années sur
les bâtimens d’exploration, il fut transféré sur le Lady-Nclson,
capitaine Simmons, navire équipé tout exprès pour reconduire
chez lui Tepabi, roi de la Nouvelle-Zélande, qui était venu
faire une visite au gouvernement anglais à Port-Jackson. Le
roi s’embarqua sur ce bâtiment, et le Lady-Nelson fit voile
pour sa destination. Pendant la traversée, Tepabi tomba dangereusement
malade, et Bruce fut désigné pour le soigner; il
sut si bien s’cn acquitter à la grande satisfaction du r o i, que
celui-ci l’honora de sa faveur spéciale. A leur arrivée, le roi
demanda avec instance qu’on permît à Bruce de demeurer avec
lui à la Nouvelle-Zélande; le capitaine Simmons y consentit,
et Bruce fut reçu dans la famille de Tepabl.
» Bruce employa les premiers mois de son séjour dans la
Nouvelle-Zélande à explorer le pays, à apprendre la langue ,
et à prendre connaissance des moeurs et des coutumes du peuple.
Il trouva le pays sain et agréable, plein de sites romantiques,
agréablement entrecoupé de collines et de vallées couvertes
de bois. Les babitans étaient hospitaliers, francs et sincères
; quoique grossiers et ignorans , cependant ils n’adoraient
ni images , ni idoles , ni quoi que ce soit fabriqué par la main
de l’homme ; ils ne reconnaissaient qu’un Etre suprême et tout-
puissant.
» Comme le roi se proposait de placer le jeune Anglais à
la tête de son armée, il était d’abord nécessaire qu’il fût
tatoué ; car, sans avoir subi cette opération, il ne pouvait
être considéré comme guerrier. En conséquence Bruce sc
soumit avec courage à cette opération douloureuse, et sa
figure offre aujourd’hui un véritable chef-d’oeuvre de l'art du
tatouage.
» Cette formalité préliminaire une fois remplie , Bruce fut
reconnu guerrier du premier rang, naturalisé comme Nou-
veau-Zélandais, reçu au sein de la famille royale et honoré
de la main de la princesse Etok i, la plus jeune fille de
Tepabi, âgée de quinze à seize ans. Sa beauté naturelle a
sans doute été très-grande, mais l’art a tellement travaillé à
l’augmenter encore, que tous les charmes de la nature, toute
m
!