Quand ils la virent, ils furent visiblement intimidés ; car ils
craignirent, s’ils commettaient quelque violence contre nous,
que quelques-uns de leurs cbefs ne prissent notre parti et
ne les punissent, d’autant plus que le cbef de leur troupe
n’était qu’un prisonnier, et qu’en conséquence il n’avait aucun
droit pour se hasarder à une entreprise de ce genre. Du
reste, ils se montrèrent fort importuns, et nous dérobèrent
plusieurs .cochons. Voyant qu’ils ne pouvaient pas tromper
notre vigilance , ils se dirigèrent vers les plantations des naturels,
où ils trouvèrent quantité de patates douces qu’ils enlevèrent.
A leur retour, ils nous firent une seconde visite, et
furent encore plus importuns qu’auparavant; ils enfoncèrent
une de nos maisons et essayèrent de piller tout ce qui leur
tomba sous les mains. Avant de nous quitter, ils nous signifièrent
que nous pouvions nous attendre à un pillage général
pour le lendemain. Un jeune naturel, qui était resté avec
nous, leur entendit dire que leur troupe était trop faible pour
nous voler; que s’ils le faisaient, ils se feraient remarquer, et
courraient le risque d’être tués; mais que s’ils étaient en plus
grand nombre , ils partageraient le blâme comme le butin, et
pourraient alors nous dépouiller de toutes nos propriétés sans
retard.
A dix heures du soir, M. Stack partit pour Kidi-Kidi, portant
à nos frères de l’établissement de l’Eglise une lettre, pour
les instruire de ces événemens et demander leur assistance.
Vers onze heures, comme nous allions nous coucher, deux
des femmes attachées à notre service, qui, la veille, avaient été
emmenées par leurs parens, se présentèrent à notre porte.
Elles venaient d’arriver du bâvre ; elles nous apprirent que les
Ngate-Po avalent abandonné le p â, et qu’une division de
l’armée de Shongui était à la poursuite des fugitifs. Dans le pâ,
on avait trouvé deux vieilles femmes qui avaient été sur-le-
cbamp massacrées ; le corps d’une jeune esclave qui avait péri
dans le même temps avait été rôti et mangé.
Le mercredi matin, lo janvier, au point du jour, Luc Wade,
notre domestique européen, aperçut un petit nombre de
naturels qui venaient de notre côté. Il nous en donna aussitôt
avis ; durant le temps nécessaire pour mettre nos habits et sortir
de la maison, une vingtaine de sauvages armés de mousquets,
de lances et de bacbes, entrèrent sur le terrain de la
Mission , et se précipitèrent vers l’habitation. Leur ayant demandé
quel était leur dessein , ils dirent : « Nous venons
pour combattre. - Mais pourquoi cela? - Votre chef s’est
cnful et tous vos bommes ont quitté l’endroit, avant midi
vous allez être dépouillés de ce que vous possédez et on va commencer
tout de suite. » Oro, le cbef qui nous fit cette déclaration
et dont la résidence est à W aï-Ma te , commanda en même
temps au reste de la bande d’enfoncer une petite case qui
était occupée par Luc Wade. Cet ordre fut promptement exécuté
; en un quart-d’heure , ils eurent, non-seulement enfoncé
ce petit bâtiment, mais encore le magasin des patates et des
instrumens , la cuisine, le grenier et l’atelier du cbarpentier ,
et ils emportèrent tout ce qu’ils trouvèrent. Aussitôt que ce
pillage eut commencé, il y eut plusieurs coups de feu de tirés ;
il paraît que c’était un signal convenu, car en quelques minutes
une foule de naturels vint se joindre à cette bande de
voleurs.
Convaincus de l’impossibilité de réprimer leurs violences,
nous nous renfermâmes dans la maison principale et nous
nous préparâmes à quitter la place, attendu que cette démarche
allait devenir indispensable. Dans cette circonstance, plusieurs
jeunes garçons, qui avalent été sous nos soins, vinrent nous
témoigner le regret qu’ils éprouvaient en voyant ce qui nous
arrivait, et s’offrirent à nous accompagner. Nous acceptâmes
avec joie cette proposition, considérant que leur secours nous
serait très-utile pour le transport des enfans. Nous prîmes a la
hâte quelques rafraîcbissemens et nous tînmes quelques effets
tout prêts pour notre voyage, résolus toutefois à ne quitter
l’établissement qu’au moment où nous serions réduitsjà la dernière
extrémité.
IHf