PIÈCES JUSTIFICATIVES.
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Quantité de naturels travaillaient sur cette seconde île. Je fus
curieux de la visiter; et quand nous nous trouvâmes vis-à-vis,
Touai, M. Butler et moi, nous entrâmes dans une pirogue,
et passâmes de l’autre côté. Nous fûmes reçus avec beaucoup
de joie par les naturels.
Nous trouvâmes la première femme de Ko ro-Ko ro, ou la
Reine, travaillant ardemment, avec une petite piocbe en bois,
à bêcber la terre pour recevoir les patates ; la femme de Te
Rangui y était aussi avec plusieurs autres bommes et femmes.
Elles furent très-contentes de la visite que nous leur faisions.
La vieille Reine me pria instamment de lui donner une piocbe,
et tâcba de me faire comprendre combien il lui était pénible
de remuer la terre avec un bâton. Je promis de lui accorder
l’objet de sa demande. Après avoir passé une beure à peu près
avec elles, nous nous en retournâmes , emportant une quantité
de poissons qu’elles nous avaient donnés.
La terre sur cette île était fertile; une partie avait été semée
en navets, et une autre partie était déjà plantée en patates.
Les femmes retournaient la terre aves des bâtons de deux pieds
de long environ , et de l’épaisseur d’un mancbe à balai. Elles
travaillaient avec zèle, mais faisaient peu de besogne , par le
défaut d’outils convenables.
Rencontre touchante de Touai avec sa soeur.
^ Quand nous eûmes atteint le rivage, Touai me prévint de
l’arrivée d’une de ses soeurs qu’il n’avait pas encore vue depuis
son retour, et il me pria instamment de rentrer dans la
pirogue avant qu’elle arrivât, ne se souciant pas d’avoir
IC I sa première entrevue avec elle. La voyant descendre en
bate de la colline, je priai Touai de l’attendre et de ne pas
faire attention à moi : mais il ne m’écouta point et sauta dans
la pirogue, en me pressant de le suivre. Je différai jusqu’à ce
qu’elle eut gagné le rivage, et alors j’embarquai. Touai fit
pousser au large ; mais, au même instant, sa soeur s’élança
dans |la pirogue en pleurant, et passa à coté de moi. Elle
tomba à genoux et s’accrocba à Touai : celui-ei lui donna le
salut; alors elle laissa un libre cours à ses sentlmens, en versant
des larmes et poussant de profondes lamentations , ce qui
dura près d’une beure. Quand nous arrivâmes à Motou-Doua,
elle resta assise et pleura encore long-temps. Touai se comporta
avec beaucoup de décence : il supprima toutes les démonstrations
sauvages d’une ame sans éducation, et montra
cependant à sa soeur tous les sentimens d’une affection tendre
et sincère. Je ne pus qu’admirer sa conduite ; et je lui dis de
se livrer à toute son affection fraternelle , sans s’inquiéter de
ma présence. Je voyais qu’il craignait que la vivacité des sentimens
de sa soeur et les témoignages qu’elle en donnait ne
vinssent à ébranler son courage et ne l’amenassent à imiter son
exemple, comme il avait fait jadis, dans une autre occasion,
quand je visitai pour la première fois la Nouvelle-Zélande.
Quand nous eûmes débarqué, nous trouvâmes Koro-Koro et
plusieurs de ses gens qui nous reçurent avec politesse. Je lui
dis que j’étais venu pour faire éclaircir le terrain à Manawa-
Oura, et donner mes instructions pour bâtir le logement nécessaire
aux Européens qui devaient y venir. Il reçut ces nouvelles
avec beaucoup de joie,et déclara qu’ilvoulaitm’accom-
pagner lui-même le lendemain matin, et qu’il allait donner à son
peuple les ordres nécessaires pour qu’il me prêtât son assistance.
Quand il vit les pioches pour remuer la terre, il fut
très-content. Après avoir conversé sur divers sujets , nous
soupâmes, nous chantâmes un hymne, et nous étant recommandés
à l’ange de l’Eternel Covenant, nous nous couchâmes
pour dormir. Une foule de naturels étaient couchés à l’entour
de la butte et quelques-uns dedans. Comme j’étais fatigué de
marcber, je dormis d’un bon sommeil jusqu’au jour.
27 août i8 ig . Nous déjeunâmes, puis nous partîmes pour
Manawa-Oura, situé sur la côte opposée et distant de quelques
milles.