qu’il avait aussi refusé de le débarquer au cap Nord, quand ils
avaient passé près de cette terre, et qu’il allait maintenant l’abandonner
avec ses compagnons à l’ile Norfolk, dénué de
toute espèce de ressources et loin de ses amis, malgré tous les
secours que lui et ses camarades lui avaient prêtés pour se procurer
sa cargaison. Tout ce qu’il put dire ne produisit aucun
effet sur l’esprit de ce maître, qui s’en retourna sur son vaisseau
, en les abandonnant à eux-mèmes. Doua-Tar» déclara
en outre que le maître revint ensuite .à terre, et qu’il entraîna
de force à bord le fds de Tepabi, qui pleurait et le
suppliait de le laisser avec Doua-Tara. On n’a plus eu de
nouvelles de ce jeune bomme depuis son départ de l’île Norfolk
; le Frederick fit voile pour l’Angleterre, et fut pris dans
sa traversée par un Américain, après un engagement meurtrier
dans lequel le maître fut blessé mortellement et le second
tué. Quelque temps après que le Frederick eut appareillé de
l’île Norfolk, le baleinier VAnn, commandé par M. Gwynn,
y toucha pour prendre des rafraîchissemens, puis il continua
sa route vers Port-Jaekson. Doua-Tara s’adressa au maître
pour obtenir le passage, et M. Gwynn se prêta à sa requête
avec beaucoup d’bumanité.
A l’arrivée de VAnn à Port-Jackson, le maître m’informa
qu’il avait trouvé Doua-Tara à Norfolk, dans un grand état de
misère et presque n u , le maître du Frederick l’ayant laissé, lui
et ses compagnons, sans habits ni provisions. M. Gwynn déclara
en outre que la part de Doua-Tara, comme celle de ses compagnons,
pour l’huile que le Frederick s’était procurée, eût
bien monté à loo pounds pour chacun, s’ils eussent suivi le
navire jusqu’en Angleterre, et s’il y fût arrivé à bon port ;
qu’en conséquence le maître leur avait fait un tort considérable.
M. Gwynn eut beaucoup de bontés pour Doua-Tara, et lui
fournit les bardes et les objets nécessaires, ce dont celui-ci fut
très-reconnaissant. Doua-Tara fut enchanté de se retrouver à
Parramatta, et il me fit un récit très-touchant de l’affliction
qu’il avait ressentie tandis qu’il était en vue de son pays natal,
lorsqu’on ne voulut point lui permettre de revoir sa femme et
ses amis, dont il était depuis si long-temps éloigné; il me raconta
aussi le cbagriu qu’il éprouva au moment où le Frederick
quitta définitivement l’île Norfolk, en le laissant sur cette île,
presque sans espoir de retourner dans sa patrie. Avant de partir
de Port-Jackson, il avait été pourvu de blé pour semer, d’instrumens
d’agriculture, et de divers autres articles utiles. Mais il
en avait été dépouillé sur le Frederick, e l, à son retour dans la
colonie, il n’avait plus rien de ce qu’il avait reçu. Il demeura
avec moi à Parramatta, jusqu’à ce que le baleinier l ’Ann, appartenant
a la maison d’Alexandre Burnie de Londres, arriva
d’Angleterre. Comme ce navire se rendait sur la cote de la
Nouvelle-Zelande, mon bote me pria de lui procurer un passage
pour tenter encore une fois de revoir ses amis; je m’adressai
en conséquence au maître qui consentit à le prendre, à condition
que Doua-Tara resterait à bord, et y ferait le service de
matelot tant que l ’Ann serait sur la côte. Doua-Tara en fit volontiers
la promesse; et quand l ’Ann quitta Port-Jackson , il
s’embarqua dessus, emportant une seconde fois du blé pour
semer et des instrumens d’agriculture. Le navire resta cinq
mois sur la côte, puis Doua-Tara débarqua à son inexprimable
joie et à celle de ses amis. Pendant le temps qu’il passa avec
moi, il ne cessa de travaillera acquérir des connaissances utiles,
surtout en agriculture. Sous le point de vue national, il
comprenait parfiiiteraent les avantages de l’agriculture, et il
était un excellent juge pour la qualité de la terre; il désirait
vivement que son pays pût profiter des avantages naturels
qu’il lui connaissait de ce côté , et il était pleinement convaincu
que la richesse et la prospérité d’une nation dépendent
beaucoup des produits de son territoire. Quand il fut
débarqué de l ’A n n, il prit avec lui le blé qu’on lui avait
donné à Parramatta pour semer, et il instruisit sur-le-ebamp
ses amis et les cbefs du voisinage de la valeur de ce grain,
en leur expliquant que c’était avec ce grain que les Européens
faisaient le biscuit qu’ils avaient vu et mangé à bord