avec le sien , et cette idée l’entiaînait dans des réflexions mélancoliques.
II disait alors : Nouï nouï Voiiroupi, iti iti Niou-
Ziland.
Nous arrivâmes à mon logement, où Maounga retrouva
mon domestique, qui avait été son compagnon durant la traversée,
et il parut complètement satisfait.
Peu après mon arrivée , je présentai Maounga au comte
Fitz-William. Je lui dis que sa seigneurie était un chef, et
Maounga entra dans sa maison avec le respect convenable.
L ’ameublement et les tableaux lui plurent beaucoup, mais il
fut tout-ù-fait enchanté de l’affabilité du comte et de la comtesse
Fitz-William. Lord Milton et quelques nobles parens
de Fitz-William étaient présens, et tous eurent part à
l’approbation de Maounga. Il était grand physionomiste et fort
disposé à contracter une opinion bonne ou mauvaise des personnes
au premier abord. Les traits delà figure de sa seigneurie
lui plurent davantage que ceux de tous les bommes sur lesquels
il m’avait jusqu’alors exprimé son opinion.Un buste en marbre
qui représentait sa seigneurie attira toute son attention durant
plusieurs minutes; il alla se placer en face dans une chaise, et
en contempla les traits avec une grande admiration. Il dit qu’à
son retour à la Nouvelle-Zélande il s’efforcerait de graver une
figure semblable à ce buste. Toutes les fois que lord Fitz-William
me tournait le dos, il me disait à Toreille ; «Paï ana Tepahi—
C’est un bon cbef; « et il fut aussi satisfait de la comtesse
et de sa compagnie.
Les objets d’ornement dans l’ameublement ne faisaient point
sur lui autant d’impression qu’on aurait pu l’imaginer : à l’occasion
des glaces et autres ornemens splendides, il disait simplement
: « Maïtaï— c’estbien; » et tandis queje pensais qu’il
admirait des objets plus remarquables , je trouvai qu’il comptait
les chaises. Il s’était procuré un petit morceau de bois,
qu’il avait rompu par morceaux pour aider sa mémoire. Il fit
cette remarque : « Nouï, nouï tangata Tepahi — Beaucoup
d’bommes assis chez le chef. »
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 791
Maounga s’cn alla très-satisfait de sa visite; il me pria souvent
de la renouveler, et s’informait fréquemment de la santé
du chef el de sa famille.
Il était très-incommode de conduire Maounga à des spectacles
publics, ou même de se promener avec lui dans les rues,
a cause de la curiosité de Jobn Bull : c’est pourquoi je ne le
faisais pas sortir aussi souvent que je l’eusse fait sans cet inconvénient.
Je le menai à la cathédrale de Saint-Paul; les vastes
dimensions de cette masse de bâtimens parurent l’étonner. Il
contempla avec beaucoup de satisfaction l’intérieur du dôme
mais il s’attacha avec un plaisir infini à considérer les monu-
mensde nos grands hommes.
Une grande source de divertissemens pour Mouanga était
d observer les passans, en faisant une foule de remarques sur
leur figure et leur personne, et souvent il riait de tout son
coeur à leurs dépens.
Les jambes de bois l’amusaient beaucoup. Un jour il vit un
Komme qui en avait deux ; il m’appela en hâte pour voir ce
pauvre malheureux, en disant : „ Tangata kadoua pouna
pouna rakou — Un bomme avec deux jambes de bois. »
Il détestait le bruit et les criailleries; aussi le tumulte des
cris de Londres lui déplaisait fort. Dans ces occasions, il exprimait
son déplaisir en disant : . Kaï ore tangata ou kaï ore
wahine, nouï nouï moummoum moum — Uanyaishomme, ou
mauvaise femme, fait beaucoup de tapage. »
Nos marchés lui causaient beaucoup de satisfaction, en lui
taisant connaître que nous étions abondamment pourvus de
vivres. Du reste, l’aspect de plusieurs des passans eût sufH
pour le délivrer de semblables craintes, à supposer qu’il eût
pu d’abord en concevoir. Toutes les fois qu’il voyait passer
près de lui un homme opulent, il disait : „ Tangata nouï nouï
kai kai — Cet homme a beaucoup à manger.» Comme il ne
voyait aucune apparence de bestiaux ni de terres cultivées, ce
fut d’abord un mystère pour lui que d’expliquer comment pouvait
vivre une population si prodigieuse, mais l’arrivée de quel