Ri!
Je trouvai le pays montagneux, coupé de nombreuses rivières,
dont il nous fallait souvent côtoyer lesbords pendant
des milles entiers avant de trouver un endroit guéablc; ce qui
alongea de beaucoup notre route. Le lin croît en abondance
sur ces rives ; on y voit de petites pièces de terre cultivées, qui
produisent des cboux, des pommes de terre, des panais, des
carottes, une petite espèce de navet, des melons d’eau et des
pèches. La culture de Toranger y a été introduite avec assez
de succès. Les arbres les plus remarquables sont le kaï-katea
et le koudi ; ils s’élèvent tous les deux à une hauteur prodigieuse
et sans une seule branche; ils seraient excellons pour
faire des mâts de grands vaisseaux. Le kaï-katea se trouve dans
les endroits marécageux et sur le bord des rivières; sa feuille
paraît être persistante et ses baies sont rouges. Le koudi, qui lui
est préféré, croit dans les terrains sablonneux; il a un très-
beau feuillage, et contient beaucoup de résine. Une grande
partie du voyage se fit à travers les sables, ce qui le rendit
très-pénible. Enfin, après avoir marché pendant deux jours
et deux nuits, en évitant avec soin la rencontre des insulaires,
nous arrivâmes auprès de notre bâtiment. Je donnai à mon
guide une couple de tomahauks et un peu de poudre, ce dont
il parut satisfait. Dès que notre capitaine sut que nous avions
trouvé des provisions à Walki-Tanna, il leva l’ancre, et.se
dirigea vers l’établissement devant lequel nous arrivâmes la
nuit suivante. Les babitans parurent joyeux de nous revoir; ils
vinrent à nous dans de grandes barques, nous apportant d’abondantes
provirions de porc que nous leur achetâmes sans
aller jusqu’au mouillage. Ngarara vint à bord, et nous traita
avec une apparente cordialité. Son peuple semblait animé des
mêmes sentimens, et, conformément aux ordres qu’il en avait
reçus, il se tint à distance de notre navire. Nous rangeâmes
nos provisions sur le pont le mieux qu’il nous fut possible, afin
qu’il en tînt davantage ; et, le vent fraîchissant au sud-est, nous
retournâmes dans la baie de Tauranga pour tuer et saler nos
cochons; mais la quantité n’étant pas suffisante, nous mîmes
encore une fois à la voile pour Walki-Tanna, où nous arrivâmes
le dimanche i®'' mars 1829. Le temps étant superbe,
nous jetâmes l’ancre entre l’île de Maltora (ne serait-ce pas
Motou-Hora?) et Tîle principale. A peine étions-nous arrivés
que les insulaires vinrent en grand nombre; nous n’avions
besoin que de vingt porcs, et ce fut tout ce que nous leur
achetâmes.
Le lundi 2 mars, à six beures du matin, la barque fut envoyée
à terre avec un officier et buit hommes , y compris l’interprète
, pour tuer et préparer promptement nos porcs à
une source d’eau chaude qui se trouvait sur la côte à peu de
distance du vaisseau. A une heure après midi, nous les bêlâmes
pour qu’ils vinssent dîner. Comme ils ne nous entendaient
pas, le capitaine alla les trouver, et me laissa, avec trois
hommes, le soin du bâtiment, ne se méfiant nullement des intentions
perfides des Insulaires. Ngarara était alors à bord avec
dix ou douze des siens. Je remarquai plusieurs fois qu’ils parlaient
avec cbaleur du kaï-pouke (le bâtiment), e t , soupçonnant
quelque trahison, je dis au commis aux vivres, qui était
un Taïtien, de sortir les sabres et de surveiller Ngarara^ que
je vis redresser son arme. A ce signal, ses bommes se précipitèrent
sur les haubans du grand mât, ayant cbacun un fusil
qu’ils avaient caché dans leurs canots. Dans ce moment critique
nous n’avions pas de pistolets sur le pont, et je sentais
bien que, si Tun de nous descendait pour les chercher, Ngarara
en profiterait pour commencer l’attaque. Comme nos fusils
avaient été placés dans la hune de misaine, non-seulement
pour qu’ils fussent plus en sûreté, mais aussi crainte de surprise
, j’ordonnai à Tun de mes hommes d’y monter et de tirer
sur Ngarara; mais comme il n’était pas convaincu aussi bien
que moi des mauvais desseins des insulaires, il refusa d’obéir.
11 n’y avait pas cependant un moment à perdre ; je restai moi-
même dans la hune en ordonnant d’avoir Toeil au guet. Malheureusement
mes bommes m’écoutèrent peu, disant que je
méditais la mort d’un innocent, et ils continuèrent à plaisan