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qu’ils portassent leurs provisions pour tout le voyage. La femme
d’un clief nous suivit pendant toute la route, et je pense que
sa charge ne montait pas à moins de cent livres. Plusieurs
portaient des fardeaux encore plus lourds. Il nous fallut cheminer
sur les bords du Haut-Shouki-Anga. Patou-One méprit
dans sa pirogue, ainsi que MM. Kendall et Puckey, et nous
fit remonter la rivière, l’espace de quelques milles, jusqu’à
ce que nous fussions arrivés à une cascade. Puis nous mîmes
pied à terre dans un bois, vers le milieu du jour. Nous estimions
la distance de ce lieu à l’cmboucbure de la rivière de
quarante à cinquante milles, ou davantage. Le gros de notre
troupe avait pris les devans.
Il nous fallut ensuite marcber au travcr.s d’un bois très-
épais sur les bords de la rivière, et en certains endroits la
traverser à gué. Quelques beaux jeunes gens marchaient devant
nous, et nous frayaient la route de leur mieux, eu foulant
aux pieds et brisant les broussailles et les branches d’arbres.
Il était fort pénible de cheminer dans ce bois, et une
pluie abondante, tombée dans la matinéfc, l’avait rendu triste
et humide.
Le soir, à la brune, nous arrivâmes à la dernière station,
sur les bords du Shouki-Anga. Nous trouvâmes sous un
petit bangar un abri contre le vent et la pluie, et notre
escorte en fit un autre pour son usage. La nuit fut froide,
et nous eûmes à souffrir de la fatigue et de l’humidité. Nos
serviteurs allumèrent quelques feux, et firent cuire pour notre
dîner du porc et des patates. Les cbefs nous avaient approvisionnés
de neuf cochons et de plusieurs quintaux de patates.
Un cocbon fut tué et préparé pour la soirée.
Tous ceux qui n’avaient pas l’intention de nous accompagner
jusqu’au terme de notre voyage, étaient retournés chez
eux; néanmoins nous comptâmes encore dans notre petit
camp de cinquante à soixante personnes.
C était une station fort solitaire, sur les bords d’une rivière,
dans une vallée très-profonde, entourée d’arbres magnifiques
de diverses espèces, et à une journée de distance de tout
village, de toute habitation. Nos uniques compagnons étaient
des hommes à l’état de nature, dont quelques-uns n’avaient
jamais vu un vaisseau, ou visité l’établissement des Missionnaires.
Retour à Kidi-Kidi.
11 octobre 1819. De bon matin , après une nuit très-froide
et désagréable, nous nous sommes levés pour continuer notre
voyage, dans l’espoir d’atteindre Kidi-Kidi dans la soirée. Nous
estimions à vingt-six milles sa distance de notre station.
Nous avions encore à traverser une partie très-difficile du
bois: après avoir marché près de deux heures, nous atteignîmes
un terrain découvert, près duquel se trouve un tronc
énorme, dernier reste d’un pin que le grand Tepahi coupa
pour en faire une pirogue. Les copeaux sont encore épars sur
le sol, autour de l’endroit où il la construisit. J’allai m’asseoir
sur ce tronc, et je me mis à réfléchir sur la conversation
que j’avais eue quatorze ans auparavant avec Tepahi, et aux
événemens qui s’étaient passés depuis ce moment touchant son
pays. Quelle joie n’eùt-il pas éprouvée, s’il eût encore vécu,
en contemplant l’avenir flatteur qui se préparait pour le bonheur
de sa patrie ! Ici je ne puis m’cmpecher de remarquer qu’il
ne fit que planter le gland, et qu’il mourut avant que le chêne
robuste poussât sa tige hors de terre. Quand Tepahi eut terminé
sa pirogue, il fut encore obligé de la traîner par terre,
à force de bras, l’espace de plus de vingt milles.
Quand nous eûmes quitté ce bois, nous eûmes devant nous
une belle campagne découverte que notre route traversait dans
une étendue de plus de vingt milles. Quelques parties offrent
de bonne terre, d’autres sont graveleuses et d’autres marécageuses.
Il y a, parmi celles que nous passâmes, des marais
qu’on pourrait facilement assécher, car le sol a assez de pente
pour cela. Excepté dans les marais, cette route était fort
bonne et généralement unie. Nous la trouvâmes commode