m
'.» Í
le bruit courut aussi que quelques-uns de ceux qui en faisaient
partie avaient exprimé le dessein de piller notre habitation
; nous conçûmes déjà quelques craintes, e t , s.ans ajouter
foi a tout ce qu’on nous disait, nous ne pûmes nous empêcher
de sentir que notre situation devenait inquiétante.
Le jeudi soir, 4 janvier 1827, tandis que nous assistions à
l’office divin avec les naturels attachés à notre service, nous
fumes troublés par la nouvelle si long-temps redoutée qui
annonçait l’arrivée de Sbongui dans le bâvre. Ce fut le père
d’un jeune garçon au service de la Mission qui apporta ces
nouvelles, et qui venait avertir son fds de ebercber avec lui
sou salut dans la fuite. Tout fut alors sens dessus dessous, et
l’anxiété fut très-grande, car les véritables intentions de Shongui
étaient encore enveloppées d’un voile mystérieux. La nuit
suivante tout l’établissement retentit dos cris des naturels. Tepouhi,
de concert avec son frère et plusieurs des principaux
personnages, accompagnés de leurs esclaves, s’enfuirent à
Sbouki-Anga, place distante de quarante milles environ.
Le dimanche malin, la fille de Sbongui et la femme de
Tarcba , l’un de ses principaux alliés, avec plusieurs de leurs
partisans, remontèrent la rivière. Elles venaient nous apprendre
que Sbongui n’avait point le projet de visiter notre village,
bien qu’il fût irrité contre Tepoubi pour avoirpris la fuite;
elles demandaient en même temps que quelques-uns de nos
guerriers allassent assister Shongui dans l’attaque qu’il se proposait
de tenter le jour même contre les Ngate-Po. Pour mieux
les déterminer, on leur rappelait l’obligation de tirer vengeance
de cette tribu, pour avoir massacré quelques-uns de
leurs amis peu d’années auparavant. Les hommes de Ngate-
Oudou se prêtèrent volontiers à cette requête; sur-lc-cbamp
ils descendirent la rivière, charmés de voir que l’orage qui
semblait les menacer allait éclater sur la tête de leurs voisins.
Le lundi nous .apprîmes qu’une escarmouche où deux ou
trois hommes avaient été tués, avait eu lieu entre le parti de
Sbongui et celui dos Ngate-Po ; que lo premier avait été repoussé
du pâ ou forteresse situó sur le sommet d’uiic colline
ôlcvce et presque iiiacecssible, où les Ngate-Po avaient pris
position, et qu’un engagement général et plus sérieux était
remis au lendemain.
Nos guerriers revinrent dans ce jour du cbamp de bataille,
pour ebercber leurs femmes et leurs enfans. Pour raison de
celle démarche, iis prétendirent que si quelques-uns de leurs
ennemis apprenaient que leurs femmes et leurs enfans étaient
deincui’és sans défense, ils viendraient les faire périr, et qu’ils
avaient des sujets de soupçonner d’un projet semblable la
tribu de Rarawa, pour leur demander outou ou satisfaction
de leurs hostilités contre les Ngate-Po. En conséquence, dans
la soirée, tous les naturels s’embarquèrent dans leurs pirogues,
emportant avec eux tous leurs effets, et ils descendirent la
rivière pour aller rejoindre l’armée dans le havre. Ils nous
quittèrent avec toutes les marques d’une amitié apparente el
d’un intérêt réel pour notre salut : ils nous déclarèrent que
nous devions nous attendre à être pillés, mais qu’ils espéraient
que nos vies seraient respectées.
Abandonnés désormais à nous-mêmes et tout-îi-fait à la
merci des maraudeurs de chaque parti qui voudraient abuser
de notre position , le mardi malin nous nous décidâmes a instruire
nos amis de la baie des Iles de l’état de nos affaires,
et à réclamer leur assistance. Mais vers midi, comme nous
étions occupés à leur écrire, dix ou douze bommes armés
appartenant aux Nga-Pouis, qui forment la tribu de Shongui,
débarquèrent d’une pirogue, dans laquelle ils étaient venus
du bâvre, et, après avoir franchi notre palissade, ils s’avancèrent
vers la maison. Nous marchâmes au-devant d’eux, et
leur demandâmes ce qu’ils désiraient. Ils répondirent : « Nous
sommes venus pour emporter vos effets et brûler vos maisons ;
car votre place est abandonnée, et vous êtes un peuple brisé. »
Heureusement pour nous, plusieurs des hommes de cette
bande étaient connus de miss Davis, jeune dame de la mission
de l’Église, qui se trouvait alors en visite chez nous.
Í