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614 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
même m’expliqua le sens de ces expressions; et les épitbètea
qui lui furent adressées annonçaient toute l’indignation do
l'autre, et l’horreur qu’il avait de Ware à cause du crime qu’il
avait commis. Cependant Temarangai, me voyant disposé à
converser familièrement avec W are , adoucit peu à peu son
ton. M’ayant demandé si Ware était maîtaï (bon), je répondis
qu’il avait mal a g i, mais que j’espérais qu’à l’avenir il se
comporterait mieux ; sur quoi il se réconcilia sincèrement
avec W are , et pour preuve il appliqua même son nez contre
celui de Ware. Comme je conversais avec ces deux
cbefs, je fus accosté par un homme, nommé Reko, qui
avait été à l’île Norfolk et à Port-Jackson : il me demanda
avec empressement des nouvelles du gouverneur King et des
capitaines Piper et Brabyn qu’il se rappelait parfaitement,
et il voulut savoir si ces personnes étaient encore dans la
colonie.
La quantité de feux allumés par les cuisiniers, qni déployaient
toute leur activité, produisit une fumée si suffocante
que, pour en éviter l’incommodité , je m’empressai de quitter
au plus vile le camp. Ayant traversé de nouveau la rivière, je
rejoignis W iwia et ceux de son parti. Je les trouvai occupés
à sc régaler des patates qui avaient été distribuées dans des
corbeilles aux différens groupes étendus sur le sol, et qui dévoraient
leur kaï haï avec leur appétit ordinaire. J’offris au
chef un peu de biscuit; mais il ne put y toueber, car il sc
trouvait en ce moment sons l’influence du tabou, et il lui était
interdit de prendre lui-même ses vivres. Du reste, il chargea
quelqu’un de ses gens de le lui réserver pour l’époque où il
serait délivré de cette quarantaine mystique, et il se proposait
alors de gratifier son palais de cette rare friandise. Un des
guerriers, homme d’une stature imposante et d’ un maintien
plein d’expression, était singulièrement costumé. A sa ceinture
était attachée une natte doublée en plumes d’oiseau de
diverses couleurs et réunies en un tissu épais ; une autre natte
pendait librement et avec grâce sur son épaule droite, et parPIÈCES
JUSTIEICATIVES. 615
dessus .tout se trouvait une pièce d’indienne rouge, tandis
qu’un morceau de cette même étoffe lui ceignait le front; .sa
chevelure était ornée de longues plumes blanches comme la
neige placées en tout sens, et d’une manière si extraordinaire,
q u ’ e l l e s produisaient l’effet le plus bizarre et le plus comique;
ses joues étaient peintes en rouge, et il portait à la main une
énorme pique de fer, avec un long patou-patou suspendu a
sa ceinture. Ainsi équipé, il marcbait eà et là d’un grand air
d’importance, tenant sa tête aussi roide que le grenadier le
mieux discipliné, et réglant tous scs mouvemens d après une
sorte de cadence militaire qu’il modifiait au gré de la circonstance,
car elle devenait grave, véhémente ou précipitée, suivant
que le cas l’exigeait. Comme j’allais lui toucher la maiii,
je voulus flatter sa vanité, et je lui dis qu’il était nouï nom
maimf (très-beau). Il reçut cc compliment comme un Iribiu
dû à sa baute importance, et mè regardant avec beaucoup de
bienveillance, il me dit à son tour que j’étais nom nom maitai
Youropi (un très-bon Européen).
Les chefs se distinguaient principalement des guerriers subalternes
par leurs manteaux en peau de chien; les poils,
diversement colorés, présentaient un aspect très-eurieiix par
les dessins étranges que formait leur réunion. Quelques-unes
de ces peaux étalent coupées par morceaux carrés blancs
comme de la neige, d’autres en longues bandes taeLetecs,
et leur mélange formait toutes sortes de dessins qui d.üe-
raient pour la forme, 1a couleur et la dimension : cependant il
était évident que, dans tous ces vêtemens, j " / ' “
d’ègard au faste et à l’éclat qu’au goût et à l’uniformité. Peut-
être une peau de panthère donne-t-elle l’idée la plus juste
de ces costumes, encore „ ’offrirait-elle qu’une image imparfaite
de leur variété grotesque. Effectivement j’observai dans
cette journée, cbez les naturels, un plus grand étalage de
toilette et de décoration que je n’avais encore vu ; c’était aussi
la plus grande réunion de guerriers que j’eusse jamais remarquée,
car elle était au moins double de celle des guerriers de
ii.t