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qu’ils ne sont pas insensibles aux ebarmcs de la paix, et que
souvent, eomme dans cette circonstance, ils terminent leurs
querelles par un pardon mutuel. Cette disposition à soumettre
à la force de la raison la fougue de leur ressentiment,
même au dernier degré de rage, et lorsque leurs passions
semblent trop furieuses pour se calmer, est une forte preuve
en faveur du grand caractère intellectuel de ces peuples. Peut-
être est-ce l’argument le plus puissant pour établir la supériorité
de l’esprit bumain sur l’instinct de la brute, que de voir
le sauvage susceptible de cette transition inattendue.
Hinou et ses compagnons quittèrent le cbamp de bataille et
s’en allèrent cbacun cbez soi. Certes il fut beureux pour
Wiwia que ses ennemis eussent renoncé à l’attaquer, car l’a vantage,
quant au nombre, était évidemment de leur côté. Dès
qu’ils furent partis, nos guerriers se dispersèrent aussi. Cbarmé
du spectacle auquel je venais d’assister, je rassemblai mes gens
et j’entrai dans la pirogue avec Toupe, qui désirait m’accompagner
à bord du navire. Comme nous descendions la rivière,
le soleil se coucbait derrière des montagnes éloignées, et à la
lueur de ses derniers rayons je pouvais distinguer les guerriers
de la Nouvelle-Zélande qui défilaient sur les coteaux en sens
divers. Joint aux détails romantiques de la scène et aux circonstances
qui s’y rattacbaient, ce spectacle était si imposant et si
bizarre, qu’il excita toute mon admiration tant qu’il fut sous
mes yeux : aujourd’bui même je ne puis le rappeler à mon
imagination sans éprouver les mêmes sentimens.
( Tome I I , pages l ig et suiv.) Désirant acheter le peigne
que Wiwia portait le jour de sa conférence avec Hinou, je
lui dis, en revenant de Waï-Kadi, de l’apporter à bord du navire
, et que je lui en donnerais toute sa valeur. Il le lit, et
bien queje lui eusse donné la veille un croc en échange, dont
il .avait été content, il voulut attendre jusqu’au lendemain
pour me livrer le peigne. La cause de ce délai était tout à la
fois sérieuse et solennelle. Cc ebef, à ce qu’il paraît, attachait
a ce peigne une importance sacrée d’une nature peu communc
; craignant de se rendre coupable du crime de prola-
nation en s’cn dessaisissant avec la même prècipitation que de
tout autre objet moins important, il jugea à propos d’attendre
un certain temps, et de ne le remettre entre mes mains qu’avec
les cérémonies convenables. Lorsque le moment fut arrivé,
Wiwia, suivi de trois chefs qui devaient l’assister dans cette
formalité, me pria de descendre dans la chambre pour recevoir
le peigne suivant nos conventions. Il est nécessaire que je
fasse observer ici que Wiwia était reconnu par ses compatriotes
sous le double titre de prêtre et de cbef, ce qui lui ètatt
commun avec Tara et quelques autres. Comme il allait agir
sous le premier de ces caractères, il prit un maintien plus
grave que de coutume, et se prépara d’un air très-séncux a
ses fonctions mystiques. Il commença la cérémonie par me
prier de tenir les paumes des mains ouvertes devant lu i, puis
il les joignit; et saisissant l’un de mes doigts d’une main, il
trempa l’autrfe dans un bassin d’eau, et croisa ma main droite
sur e lle , en répétant pendant tout ce temps, d’un ton de voix
précipité et avec une volubilité extraordinaire, certaines paroles
que je supposai être des prières. A mesure qu’il les récitait,
ses facultés semblaient de plus en plus maîtrisées par un
vif enthousiasme, el jamais le génie de la superstition ne
trouva un sujet plus dévoué ni plus ardent. Ensuite il déposa
de la salive sur ses doigts et croisa les paumes de mes mains ,
en continuant de parler avec rapidité et en apparence absorbé
. dans les rites Importans qu’il célébrait. Cela fait, il prit un
morceau de poisson sec , et l’ayant légèrement applique a mes
mains, il le porta sur-le-champ à la boucbe des trois chefs qui
l’assistaient; chacun d’eux en mangea un petit morceau, et
cette portion de la cérémonie fut répétée par trois fois. Alors
on en vint .à la conclusion qui était de me mettre en possession
du trésor vénéré; un des chefs s’approchant de Wiwia dun
pas solennel, prit le peigne sur sa tête et me le remit sans pro-
férer'une parole. Ainsi finit cette singulière cérémonie, sans
laquelle il m’eût été impossible d’obtenir le peigne , attendu
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