PIECES JUSTIFICATIVES. PIECES JUSTIFICATIVES. 311
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considération parmi ses compatriotes , aussi bien que dans
l’esprit des colons.
On n’a pas le dessein de demander satisfaction à Sbongui
pour l’attaque qu’il s’est permise contre le village ; les babitans
ont eu les premiers torts en profanant le sépulcre de
son beau-père, comme on l’a déjà rapporté.
Manière dont s'opère le tatouage.
En me promenant ce matin au travers du village de Rangui-
Hou , j’ai observé Tawi qui tatouait le fils de feu Tepabi sur
la fesse et sur la partie supérieure de la cuisse. Cette opération
était très-pénible; elle s’effectuait au moyen d’un petit ciseau fait
avec l’os de l’aile d’un pigeon ou d’une poule sauvage. Ce ciseau
avait environ trois lignes de large , et était fixé dans un mancbe
de quatre pouces de lo n g , de manière à former un angle aigu
et à figurer une espèce de petit pic à une seule pointe. Avec
le ciseau, l’opérateur traçait toutes les lignes droites et spirales
, en frappant sur la tête avec un morceau de bois d’un pied
de long, à peu près comme un marécbal ouvre la veine d’un
cbeval avec la flamme. Un des bouts du bâton était taillé
à plat en forme de couteau, pour enlever le sang à mesure
qu’il dégouttait des plaies. Le ciseau paraissait à chaque
coup traverser la peau et l’entailler comme un graveur taille
une pièce de bois. Le ciseau était sans cesse plongé dans un
liquide extrait d’un arbre particulier et ensuite mêlé avec de
l’eau ; c’est ce qui communique la couleur noire, ou , comme
ils disent, le Moko. J’observai une cbair baveuse qui s’élevait
dans quelques endroits qui avaient été taillés presque un mois
auparavant. L ’opération est si douloureuse que tout le tatouage
ne peut être supporté en une seule fois, et il paraît qu’il faut
plusieurs années avant que les cbefs soient parfaitement tatoués.
Têtes de quelques chefs plantées sur des pieux à Rangui-Hou.
A mon retour dans le village , accompagné de M. Kendall,
j’observai les tètes de quatre cbefs plantées sur quatre pieux,
près d’une cabane. Je priai M. Kendall de m’accompagner
dans la cabane, pour connaître la cause de la mort de ces
quatre cbefs et l’endroit d’où ces têtes avaient été apportées.
Aux questions que nous adressâmes aux naturels, voici la réponse
qui fut faite :
Il y a quelques années, un navire de Port-Jackson,
nommé le Vénus, toucha à la baie des Iles : l’équipage y
enleva une femme appartenant à la tribu de Sbongui, et la
débarqua ensuite aux environs du cap Est, sur la grande
terre.
Lorsque Temarangai eut appris le sort de sa soeur, qui
avait été enlevée dans le même temps, il envoya des espions
vers le cap Est pour s’assurer des circonstances de ce fa it, et
reconnaître la situation du peuple qui l’avait fait périr. Les
espions de Temarangai voyageaient comme des commerçans
tout le long de la route ; quand ils revinrent, ils apportèrent
la nouveUc de ce qui était arrivé à ces deux femmes : l'une
avait été tuée et mangée dans une î le , et l’autre sur le continent
à une plus grande distance.
Temarangai se mit en route pour venger la mort de sa
soeur, comme on l’a déjà dit, et Sbongui le suivit quand il
fut prêt. Ils revinrent tous les deux sans s’être rencontrés, et
après avoir, chacun de son côté, tiré vengeance des peuples
qui avaient commis ces meurtres. Les têtes que nous vîmes a
Rangui-Hou étaient celles de quatre cbefs que Sbongui avait
tués dans le combat. Il avait ramené avec lui deux cbefs comme
prisonniers et rapporté beaucoup d’autres têtes. M. Kendall
me dit que Sbongui avait mis onze mois à ce voyage, et qu’il
était revenu il y avait buit mois, avec beaucoup de provisions
de guerre, qui furent partagées entre lui et les cbefs qui lui
étaient subordonnés.
Je ne pouvais m’empêcher de réfléchir, avec une douleur
mêlée de honte, aux forfaits de mes compatriotes, q u i, par
ces atrocités, sèment, la guerre, la misère et la mort parmi de