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i j Esprit de vengeance des naturels.
Sur notre route, nous rencontrâmes une très-grande pirogue
de guerre. Je demandai combien elle portait d’bommes;
on me dit soixante guerriers avec leurs provisions, quand
ils se mettent en route pour la rivière Tamise ou le cap Est,
et quatre-vingts bommes dans une eau tranquille.
En examinant cette pirogue, je remarquai sur son arrière
la tête d’un cbef; les traits du visage semblaient encore vivans,
et c était une des plus belles figures que j’eusse jamais vues.
Ce chef devait avoir environ trente ans. Ses cheveux étaient
longs, disposés en tresses bien peignées et ramenées au sommet
de la tête, pour y être réunies par un noeud, et ornées de
plumes suivant la coutume des cbefs, quand ils sont en grand
costume. La chevelure comme la figure brillaient encore de
l’huile dont elles venaient d’être enduites. A en juger par la
beauté du tatouage, ce cbef devait être d’un rang élevé. Je
demandai à qui cette tête avait appartenu, on me dit que
c’était celle d’un cbef qui avait été tué par Shongui au-delà
de la rivière Tamise.
Il est possible que la mort de ce chef soit uu jour vengée
par les enfans de ses enfans, si la tribu à laquelle il appartenait
devient jamais assez forte pour se mesurer avec celle de
Sbongui ou avec ses descendans. De là , pour plusieurs générations,
la source continuelle de nouveaux actes de cruauté
et de barbarie, puisque le souvenir des outrages reçus semble
à jamais gravé dans l’ame de ces naturels.
Je vais mentionner ici un de ces actes de vengeance, dont
quelques circonstances sont venues à ma connaissance :
Il y a quinze ou seize ans environ, un navire appartenant
à Campbell et C‘® de Port-Jackson, nommé le Hénus,
fut enlevé par des convicts au port Dalrymple. Quand les pirates
eurent fait le coup , ils firent voile vers la Nouvelle-
Zélande, et touchèrent à la baie des Iles : là ils enlevèrent la
soeur d’un cbef nommé Temarangai, et allèrent ensuite la vendre
pour quelques nattes, sur une île près le cap Est. Elle
devint la cause d’une querelle entre deux naturels, et par suite
elle fut tuée.
Quelque temps après, il arriva des naturels du cap Est à la
baie des Iles, qui apportèrent la nouvelle du triste sort de la
soeur de Temarangai. Son père était encore vivant, et avant
de mourir il fit jurer à Temarangai qu’il vengerait un jour
la mort de sa soeur.
En 1819, Temarangai m’accompagna à Parramatta; deux
ans après son retour, il fil prendre les armes à sa tribu et
appareilla pour le cap Est, afin d’accomplir le serment
qu’il avait fait à son père. Il tua le chef de l’île où sa soeur
avait été massacrée, emmena sa femme prisonnière, et la donna
à son frère avec qui elle vit maintenant.
M. Kendall m’assura que les cbefs ont toujours quelque
motif direct ou éloigné pour faire la guerre; que ce n’est point
dans le simple but de piller ou de verser du sang, mais bien
pour obtenir satisfaction de quelque injure commise envers
eux ou leur tribu.
Détails sur Houra-Touhi, l'un des officiers de Koro-Koro.
' Dans la pirogue dont je viens de parler, je trouvai Houra-
Touki, ses deux frères et son oncle, qui tous étaient officiers
sous les ordres de Koro-Koro. Houra-Touki était le premier
Nouveau-Zélandais qui eiit connu les avantages de la vie civilisée.
Il avait été transporté, il y a vingt-cinq ans environ,
avec un autre de ses compatriotes, sur l’île Norfolk, par un
navire qui avait touché à la Nouvelle-Zélande. Le feu gouverneur
King commandait alors sur cette île. Il traita les deux
étrangers avec une grande bonté; ils vécurent à sa table et
éprouvèrent toute sorte d’attentions de sa part. Il y avait déjà
long-temps qu’ils habitaient chez le gouverneur , quand le
navire baleinier le Britannia toucha à l’île Norfolk ; le maître