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à des liomines du peuple en présence et au préjudice des chefs,
ont été souvent des motifs de jalousie et d’indignation pour
ceux-ci ; car ces insulaires sont très-fiers de leur rang et de leurs
prérogatives, et tout attentat contre ces droits serait pour eux
une de ces insultes graves que le sang seul peut payer. Les esclaves
qui n’ont rien à perdre et qui n’ont qu’à gagner en ces circonstances,
sont presque toujours les premiers à se livrer aux
étrangers et à leur montrer des égards et des prévenances qui
leur méritent la reconnaissance de leurs hôtes. C’est donc avec
les esclaves ou avec les gens du peuple que les Européens forment
d’ordinaire leurs premières relations, ce qui manque rarement
d’indisposer les chefs. L a même chose à peu près aurait
lieu chez nous si des personnes d’un rang élevé , allant visiter
un palais ou un château, faisaient beaucoup d’amitiés aux do -
mestiques et les comblaient de présens, sans avoir égard ni
faire attention aux maîtres de la maison. C ’est un inconvénient
d autant plus difficile à éviter pour les navigateurs, que souvent
les esclaves ne sont distingués des chefs par aucune marque
extérieure; mais il donne l’explication de procédés qui
ont souvent paru surprenans et bizarres de la part des chefs
des nations sauvages.
L a conduite des hommes de l’équipage est encore souvent
un grand sujet de discorde entre les navigateurs et les tribus
sauvages; quelque surveillés qu’ils soient, quelque recommandation
qu’on leur fasse, ces hommes sont persuadés que
les sauvages sont faits pour obéir à toutes leurs vo lon tés, pour
céder à tous leurs caprices , et le plus souvent ils agissent con-
lormément à cette opinion. C ’est un fait que je n’ai eu que
trop d’occasions de remarquer, et qu’il est encore très-difficile
de prévenir, si les officiers n’ont pas constamment les yeux sur
les actions des matelots; car cette classe, sans être cependant
ni méchante ni c ru e lle , est généralement peu disposée à
eeouter la voix de la raison et des sentimens. Dans ce cas , le
mieux estde diminuer, autant que possible, lesrapporls des m.a-
tclots avec les sauvages des îles où l’on se trouve en relâche.
Pour remplacer les matelots morts ou déserteurs, ou pour se
procurer un renfort de bras utile à leurs opérations, les baleiniers
anglais ou américains ont souvent pris sur leurs navires
des sauvages de la Nouvelle-Zélande. En général, ces naturels
ont été durement tra ités, et les blancs les regardent à
peu près comme des esclaves dont ils deviennent maîtres absolus.
E n fin , quand ils en ont tiré toutes sortes de services,
ils les abandonnent au premier endroit v en u , sans ressources
et sans aucune sorte d’indemnité pour leurs longs services.
Chez ces peuples essentiellement guerriers, il est indispensable
que le chef puisse mener lul-même ses combattans au
cbamp de bataille. Ainsi dans la tribu de K a b o u -W e ra, près
de laquelle nous étions mouillés, Koro-Koro n’ayant laissé
qu’un fils à peine sorti de Tadolescenee, son frère Touai
avait occupé depuis sa mort le rang suprême. Toua i avait
pourtant un frère plus âgé que lui ; mais comme ce frère
était d’une santé chancelante, 11 avait lui-même renoncé
aux privilèges du commandement. Toua i nous répétait souvent
qu’il allait partir pour la g u e r r e , autrement scs concitoyens
cesseraient d’avoir pour lui aucune espèce de considération
, malgré les droits de sa naissance. Touai paraissait
lui-même disposé à remettre l’autorité suprême au fils de Koro-
Koro , dès que Tâge de c e lu i-c i le lui permettrait.
A u sommet du pâ de K a b o u -W e ra , dans une petite case
destinée à cet usage, lorsque Toua i était absent, .se tenait
constamment un guerrier de confiance, un rangatira cbargé
de surveiller tous les mouvemens qui se passaient aux environs.
Toua i m’assura qu’en temps de guerre il ne pouvait guère s en
écarter lui -même, et que c’était là son p o s te , comme autrefois
c’était celui du grand K o ro -K o ro . Quand j’allai avec lu i visiter
son p â ,T a r ik iT o u a o , son cousin, était de garde à la porte;
il vint nous reconnaître avec sa lance à la main , escorté de
deux guerriers, et demanda de loin qui nous étions. Le chef
To ua i lui répondit que c’clait le rangatira para-parao du
vaisseau français. Ce mot para-parao veut dire qui commande ;
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