siennes; c’est pourquoi il était bien moins empressé de s’instruire
de tout ce qu’il voyait, que son compagnon Touki qui
attachait un grand prix à mériter l’estime de tous ceux qui l’entouraient.
A l’exception des momens qu’il consacrait à gémir
sur l’absence de sa famille et de ses amis, il était joyeux, souvent
facétieux et très-jntelligent.
A l’époque où ils furent enlevés de la Nouvelle-Zélande,
Touki se trouvait en visite chez Oudou ; voici comme ils racontent
cet événement. Le Doedalus parut en vue de l’habitation
d’Oudou *. La curiosité et peut-être l’espoir de se procurer du
fer déterminèrent le chef Pawariki, Touki et Oudou avec
son père, une de ses femmes et le prêtre, à s’approcher du navire.
Quelque temps après, ayant été jointe par d’autres pirogues
, celle qui portait Touki et Oudou se hasarda le long du
bord. Le lieutenant Hanson, dont ils louent beaucoup l’affabilité
, les invita à monter; nonobstant l’avis de leurs amis, ils
se prêtèrent à cette invitation, tant leurs yeux étaient fascinés,
pour sc servir de leur expression, par les choses curieuses
qu’ils virent ; ils eurent même la hardiesse de descendre dans le
navire, où ils mangèrent quelques mets. Cependant le vaisseau
faisait route. L ’un d’eux ayant vu les pirogues derrière, et s’étant
aperçu que le navire les quittait, ils devinrent furieux de dou*
Le Doedalus parut en vue de l’habitation d’Oudou, et se remontra le
lendemain malin, mais à une grande distance de la grande terre, quoiqu’il
fût près de deux iles habitées que Touki, sur sa carte, nomme Molou-Kawa
et Panake. L a curiosité et le désir d’avoir du fer engagèrent le chef Pawariki
, Oudou, son frère, une de ses femmes et le prêtre, à lancer leur pirogue
à la mer. Ils se rendirent sur la plus grande des deux iles, où ils se joignirent
à Tea-Waraki, chef de l’île Motou-Kawa, et beau-père d’Oudou, et au fils
de ce chef qui gouverne la petite île nommée Panake. Ils restèrent quelque
temps près du navire, avant que les pirogues où se trouvaient Touki et Oudou
se hasardassent le long du bord; mais on leur donna des outils en fer
et d’autres articles, etc.
(^Narrative b j lÀddiard Nicholas, etc., t. I I , pag. 355.)
leur et brisèrent les fenêtres de la chambre pour se précipiter à
la mer, mais on les en empêcha. Tant que les pirogues furent à
portée de les entendre, ils avertirent Pawariki de se bâter de
retourner à terre, de peur d’être aussi saisi. Quelque temps encore
après leur arrivée à l’île Norfolk, ils restèrent fort tristes,
évitant de donner aucune espèce de renseignement sur le lin
de phormium ; à cet égard leur opiniâtreté était égale au soin
que nos gens se donnaient pour obtenir ces lumières. Par la
suite on découvrit qu’ils n’agissaient ainsi que dans la crainte
d’être retenus pour être employés à ce travail. Au moyen de
bons traitemens et d’une grande indulgence pour leurs goûts,
on rendit bientôt ces insulaires plus sociables : surtout quand
on leur eut promis qu’aussitôt qu’ils auraient appris à nos
femmes à travailler le lin , mouha hia raiou , ils seraient renvoyés
chez eux. Alors ils se prêtèrent très-volontiers à donner
tous les renseignemens en leur pouvoir; mais en définitif ces
renseignemens se bornèrent à très-peu de chose. Il se trouva
que dans leur pays cette opération était particulièrement du ressort
des femmes : comme Oudou était guerrier et Touki prêtre,
ils firent comprendre au gouverneur que la préparation du lin
n’avait jamais fait partie de leur éducation.
Quand ils commencèrent à se faire entendre , non-seulement
Touki fut très-empressé de faire des questions sur l’Angleterre,
dont il apprit fort bien à connaître la position sur une carte
coloriée, ainsi que celle de la Nouvelle-Zélande, de l’île Norfolk
et de Port-Jackson, mais il devint aussi très-communicatif
touchant son propre pays. Voyant qu’il ne pouvait pas s’expliquer
parfaitement, il traça une esquisse de la Nouvelle-Zélande
avec de la craie sur le plancher d’une chambre qu’on lui
réserva pour cet objet. Le gouverneur, le capitaine King, ayant
comparé cette ébauche avec le plan que le capitaine Cook fit
de ces terres, il reconnut pour l’île septentrionale une ressemblance
suffisante pour faire de cet essai un objet de curiosité :
et l’on persuada à Touki de tracer son plan sur le papier.
Lorsqu’il l’eut terminé au pinceau, il y fit par la suite diverses