son peuple de pareilles aclioris; lui-iuême , disait-il, ne mangerait
plus de cbair crue, ni ne tuerait personne que dans le
combat, car il voulait essayer de vivre à tous égards comme
les blancs. Nonobstant les coutumes sauvages dans lesquelles
il avait été élevé, il est certain que Toupe donnait souvent
des preuves d’un caractère naturellement b umain et susceptible
d’affection. Il était en outre doué de tant de sagacité et d’in -
telligencc, que l’on ne pouvait douter que la connaissance
qu’il avait acquise de la vie civilisée ne lui fît vivement sentir
toute la dégradation des babitans de son pays ; mais il est douteux
qu’il ait assez d’autorité ou d’énergie dans le caractère
pour introduire, à son retour, aucunes réformes salutaires parmi
ses compatriotes, réduit comme il le sera à ses propres moyens
et au milieu de circonstances aussi peu favorables à ses vues.
Cependant, durant son séjour en Angleterre, il s’informait
attentivement de tous les objets qui pourraient être le plus
utiles à son pays. Plusieurs fois le docteur Traill lui fit faire
de courtes excursions dans son cabriolet, au travers de la campagne
des environs de Liverpool, et dans ces occasions, Toupe'
lui adressa plusieurs questions qu’il posait avec beaucoup d’intelligence.
Tout ce qui se rapportait à l’agriculture et à l’art
du forgeron l’intéressait particulièrement. Il fut très-surpris
de voir comment le blé croissait et se changeait ensuite en farine.
Il fut impossible de faire comprendre à Toupe le mécanisme
de quelques-uns des moulins les plus compliqués qu’on
lui fit voir; l’unique moyen de communication dont on pouvait
user en ces circonstances était trop borné pour permettre
à ses amis de lui donner les explications nécessaires, quand
bien même il eût été en état de les comprendre ; mais lorsqu’on
lui montra un moulin à eau pour moudre le grain, il saisit
facilement comment la chute de Teau faisait mouvoir la grande
roue, et il semblait concevoir aussi de quelle manière ce mouvement
se communiquait .à. la pierre supérieure. Une autre
machine, si toutefois on peut l’appeler ainsi, d’une nature
bien différente , et tout-à-fait à la portée de son intelligence,
ne lui causa pas moins de plaisir et d’étonnement : c’était un
arc, car, ce qui est assez étrange, cette arme est tout-à-falt inconnue
aux Nouvcaux-Zélandais, malgré leur passion pour
les combats, et quoique Tare soit par sa simplicité Tarme naturelle
des peuples primitifs. Il essaya de s’en servir à plusieurs
reprises, et il témoigna un vif plaisir en voyant avec
quelle force la flèche pénétrait dans le but. Il ramassa avec
soin quelques arcs et flèches dont ses amis de Liverpool lui
firent cadeau, et il en faisait un grand cas; quoiqu’il sentît
bien que cet instrument fût loin de valoir le fusil, il voyait
cependant qu’il pouvait en tenir lieu jusqu’à un certain point.
Sa surprise fut extrême la première fois qu’il vit un bomme
à cbeval. Il demanda un jour quel animal c’était, et il parut
stupéfait quand il vit le cavalier descendre à son gré et se promener
seul. Il aimait à rappeler combien sa surprise avait été
grande en ce moment. Quand ce phénomène lui fut devenu
plus familier, il témoigna le désir de monter lul-même à chev
al, on le satisfit à cet égard; il fut d’abord enchanté de voir
marcher Tanimal avec lu i, mais il lui arriva de lâcher la bride,
le cbeval décampa, et le pauvre Toupe fut jeté par terre avec
quelque violence, catastrophe à laquelle il ne s’était nullement
préparé.
Le docteur Traill le conduisit un jour voir la revue d’un
régiment de dragons, spectacle tout-à-fait de son goût. La
belle apparence des troupes, leurs évolutions en exécutant une
charge, les commandemens avec lesquels s’exécutaient les
divers exercices, tout cela arrachait à Toupe les plus vives
expressions de surprise et de joie. Ayant demandé à qui ces
hommes appartenaient, on lui dit que c’était au roi Georges;
alors il voulut savoir si le roi avait beaucoup d’autres guerriers
semblables à ceux-ci ; quand il eut appris- qu’il en avait un
grand nombre d’autres, il s’écria sur-le-cbamp : « En ce cas,
pourquoi ne donne-t-il pas à Toupe des mousquets et des sabres?
» ajoutant qu’il paierait généreusement ces objets avec
des espars et du lin. Il appelait le lin ariki-lcài, terme que nous