Wangaro.a, au milieu desquels nous avions passé la première
nuit lors de notre arrivée.
Quand les deux partis sc furent suffisamment régalés, comme
une formalité nécessaire à la réconciliation qui allait avoir
lieu , ils sc préparèrent à exécuter leurs évolutions militaires.
Hinou rassembla tous ses gens et les forma sur deux divisions;
1 avant-garde, armée de lances d’une immense longueur, se
précipita sur les palissades en poussant de grands cris commode
coutume, et fut suivie de près par l’autre division. Après avoir
fait balte, les guerriers se rassemblèrent en une phalange compacte
, et les chefs prirent place suivant leur rang et le nombre
des hommes qu’ils commandaient respectivement. Ils déployaient
leur impétuosité accoutumée, et poussaient d’épouvantables
mugissemens, comme dans les représentations de
ce genre auxquelles nous avions déjà assisté. Mais il était vraiment
effrayant de voir avec quelle fureur ils feignaient de charger
leurs ennemis supposés : les chefs se montraient toujours
aux premiers rangs et à l’endroit le plus périlleux, et par leur
exemple excitaient Tardeur de leurs guerriers ; leurs passions
étaient poussées à un point tel que la scène, sans être ensanglantée
, semblait respirer le carnage, et que ce spectacle qui
n’était qu’un simulacre de combat offrait presque tout l’effet
de la réalité. Deux fois ils firent cette charge épouvantable,
puis ils se mirent à danser et à chanter l’ode guerrière; enfin
l’exaltation de cette troupe fut adoucie par trois femmes,
qui, venant sc joindre à Ja danse, aux applaudissemeiis de
cette assemblée, firent cesser bientôt l’horrible désordre, et par
leurs gracieux mouvemens fixèrent toute l’attention des guerriers.
Quand elles eurent terminé leur danse, la troupe ainsi
calmée alla s’asseoir au milieu de l’enclos. Comme c’était le
tour de Wiwia de figurer dans une semblable représentation
guerrière, il rangea tous ses bommes en ordre de bataille,
les conduisit au bord de l’eau comme avait,fait son adversaire,
et leur fit exécuter, autant que possible, des évolutions
semblables à celles qui avaient eu lieu du côté opposé.
Celle représentation furieuse des forces respectives des doux
partis étant désormais terminée de chaque côté, les orateurs se
levèrent de nouveau et réclamèrent l’attention de l’assemblée.
Le premier fut le vétéran , qui sc représenta avec une nouvelle
véhémence, soit que les évolutions guerrières qui venaient d’avoir
lieu eussent excité toute son ardeur, soit qu’il trouvât que
ses compatriotes s’étaient montrés trop pusillanimes, en bornant
leur énergie militaire à un combat simulé ; c’est ce que je
ne puis décider : ce qu’il y a de certain , c’est que de véhément
seulement qu’il était au début de sa harangue, il devint tout-à-
fait insultant à mesure qu’il parlait, et qu’il finit par bondir
sur le cbamp de bataille, écumant de rage et de fureur. Wiwia
lui répondit par un discours d’une certaine étendue, ainsi que
deux autres orateurs qui lui succédèrent. A la fin le chef qui
avait été outragé, Hinou, s’étant levé de son siège avec une gravité
vénérable, prononça un discours avec beaucoup de douceur;
c’était probablement une leçon touchante qu’il donnait à
son rival, sans accompagnement d’aucuns symptômes de reproche
ou d’indignation. Wiwia lui répondit avec une douceur
égale; puis ses trois femmes jugèrent à propos d’interposer les
effets de leur éloquence, comme médiatrices entre les deux partis,
bien qu’ il n’y eût déjà plus d’inimitié entre eux. Elles parlèrent
d’un ton fort animé , et les guerriers les écoutèrent tour
à tour avec un silence attentif; elles employèrent un ton très-
résolu , qu’elles accompagnaient de gestes expressifs ou de rc-
gardseourroucés contre Hinou, et qui ne semblaient guère justifiés
par l’indulgence dont celui-ci venait de donner la preuve.
Les harangues, ou plutôt les plaintes (je suppose plutôt ces
dernières) de ces insolentes femmes terminèrent les cérémonies
de cette singulière conférence; la réconciliation ainsi consommée
, les parties ne gardèrent plus vis-à-vis Tune de 1 autre
que les sentimens d’une amitié réciproque. Il serait heureux
pour les habitans de ce pays que tous leurs différends pussent
ainsi s’arranger à Tamiable. Quelque grands que soient leurs
penchans pour la guerre, pourtant je suis disposé a croire
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