H '
|: '• 1
t, 1
| H ' ‘ -
i ; î ’
A - i ■■
( f k
' ■' / '
i ' H Ll' r ■ ' ■;(
. • • ' é
I I
i .• 4’-
; t f
f*’ i '• i
' i '
m U y .
m ■
" i '
'J
t t h
,{ £ i.
t...
Tara formait, à d’autres égards, uu contraste agréable avec
celui des autres cbefs, car il n’était point défiguré par les marques
dégoûtantes du tatouage, et nulle part cet extravagant
usage n’avait gâte les dons de la nature. Son teint n’était
pas plus foncé que celui d’un Espagnol ou d’un Portugais, et
ses traits en général se rapprochaient du caractère européen.
Du reste, quels que fussent ses avantages personnels, j ’étais
encore plus frappé de la noblesse et de l’agrément de scs manières
; en effet elles étaient non-seulement extrêmement décentes
et convenables, mais encore polies, agréables et pleines
d’affabilité; c’est plus qu’on n’eût pu attendre d’un bomme qui
avait vécu si peu de temps avec des êtres civilisés, encore
étaient-ils de la classe la plus grossière, celle de simples matelots.
Doua-Tara, de même que Pierre-le-Grand, s’il était
permis de comparer le chef obscur d’une tribu sauvage avec
le puissant empereur d’une nation formidable, s’occupait avec
un zèle infatigable de toutes sortes de travaux; mais c’était surtout
l’agriculture qu’il désirait introduire chez son peuple ; il
n’épargnait aucune peine pour réussir à leur en enseigner les
principes. Il avait l’avantage de pouvoir parler l’anglais qu’il
avait appris sur les navires où il avait servi, ce qui lui était
fort utile pour l’exécution de ses projets.
Shongui, cbef d’un rang plus élevé et d’un pouvoir plus
considérable que Doua-Tara, dans le voisinage duquel il réside,
s était décidé d’après ses représentations à Paccompagner
a Port-Jackson. Cet homme n’annonçait pas une vigueur égale
a celle de Doua-Tara ; il avait une physionomie plus tranquille
et une figure plus belle, abstraction faite du tatouage qu’il avait
subi; mais cette figure n’avait point ces traits sévères et prononcés
qui donnaient un caractère si décidé à celle de Doua-
Tara. Tandis que l’esprit de ce dernier chef se dirigeait plus
particulièrement vers l’agriculture et les moyens d’en connaître
tous les procédés, le génie de Sbongui montrait une préférence
évidente pour les arts mécaniques, et il donna quelques
preuves extraordinaires de scs talens et de son adresse.
Cet homme avait la réputation d’être un des plus grands guerriers
de son pays. Pourtant ses dispositions naturelles étaient
douces et bienveillantes; et, pour un observateur attentif, il
semblait plutôt né pour des habitudes pacifiques que pour les
hasards de la guerre.
Le troisième chef, qui se nommait Koro-Koro, était tout-
à-fait l’opposé des deux précédcns pour le caractère et les
penchans; son ame semblait avoir été jetée dans un moule tout
différent. Méprisant les arts d’une paisible industrie à laquelle
ses compagnons s’appliquaient avec tant de zèle, la guerre
seule faisait ses délices. C’était vers la guerre que se dirigeaient
tous ses voeux avec une impatience avide et un enthousiasme
sauvage, qui dégénérait quelquefois en une violence sans bornes.
11 ne lui arrivait jamais de raconter les batailles qu’il avait
livrées, les victoires qu’il avait remportées, sans éprouver des
transports d’une joie furieuse. Quand on le priait de faire entendre
le chant de la guerre et de figurer une attaque sur l’ennemi
, scs gestes et ses manières peignaient le dernier degré de la
frénésie; une fureur sauvage s’emparait de tous ses sens; tout
son être frémissait de rage; ses yeux respiraient une horrible
férocité. En un mot, subjugué par une passion effrénée,
Koro-Koro semblait alors le démon hideu-x de l’insatiable vengeance.
Pourtant, quoique son ame fût livrée aux penchans
de la guerre, il n’en faut pas conclure qu’il fût incapable d’é prouver
l’influence d’affections pins douces. Souvent au contraire
les larmes du repentir coulaient de ses yeux quand il
avait offensé quelqu’un dont il avait éprouvé la bienveillance,
et les expressions de sa reconnaissance, ardentes et sincères,
ne laissaient aucun doute sur les vives • émotions dont son
coeur était susceptible. Bien des fois j’ai vu moi-même cc
coeur turbulent céder à de tels sentimens. Quoiqu’il ait été
à peu près impossible de le dissuader de ses projets favoris et
de ramener son imagination à des idées pacifiques, cependant
un reproche qu’il savait mérité pouvait calmer à l’instant la
fougue de ses passions, ot même lui faire éprouver toute l’a