Ill, 1'
588 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
M. Nicholas rapporte, ainsi qu’il suit, la catastrophe du
B o y é , sur le récit que lui en fit Georges. ( 7 . 1, pag. 144
et suiv. )
Georges déclara que lui et un autre de ses compatriotes, sc
trouvant ensemble à Port-Jackson, ils convinrent tous les deux
avec le capitaine Thompson de travailler à la manoeuvre pour
gagner leur passage chez eux. Mais il arriva, dit-il, qu’il sc
trouva tellement malade durant le voyage, qu’il lui fut entièrement
impossible de remplir son service. Le capitaine
ne voulant pas ajouter foi à sa maladie, et attribuant l ’inaction
de Georges plutôt à sa paresse qu’à son indisposition,
le menaça, l’insulta et finit par le maltraiter. Georges sc plaignit
d’un traitement aussi rigoureux ; mais il ne fit qu’exaspérer
de plus en plus le capitaine, qui était d’un caractère
violent. Ce fut en vain que l’autre lui fit observer qu’il
était un chef dans son pays et qu’il avait droit à certains égards,
en meme temps qu’il lui représentait sa maladie comme étant
la seule cause qui l’empêchât de travailler. Le capitaine, furieux
, ne fit aucune attention à ces observations; mais traitant
Georges de kouhi (homme du peuple), il le fit garrotter sur le
passe-avant el fouetter cruellement. Ce traitement humiliant
de la part du capitaine fit perdre aux bommes de l’équipage
toute espèce de considération pour Georges ; durant le reste
du voyage il fut en butte aux sarcasmes et aux railleries des
matelots qui le tourmentèrent , assura-t-il, de toutes les manières
possibles.
On imaginera facilement quelle profonde impression un pareil
traitement avait dû produire sur un esprit comme celui de
Georges, et la vengeance qu’il médita fut aussi terrible qii’i-
nèvitable. Quoique je n’aie pu découvrir s’il conçut son infernal
projet durant le voyage même, ou bien s’il ne le forma
qu’après, j’imaginerais presque qu’il l’avait médité avant d’aller
à terre, puisqu’il dit avec beaucoup d’énergie au capitaine,
lorsqu il se moquait de hii de cc qu’il sc donnait pour un ebef,
PIECES JUSTIFICATIVES. 589
qu’il reconnaîtrait la vérité de son assertion en arrivant dans
son pays. Du reste, cela pouvait avoir été dit dans l’intention
simplement d’assurer le capitaine du fait, et c’était une réponse
assez naturelle à son incrédulité et à ses railleries. Mais
il est une circonstance plus forte qui nous conduit à penser
que Georges avait formé son borrible complot tandis qu’il était
encore àbord. En arrivant à la Nouvelle-Zélande,le capitaine,
entraîné probablement parles suggestions de Georges, conduisit
son navire à Wangaroa. Aucun navire européen n était
encore, à ma eonnaissance, entré dans ce b â v r e ; mais comme
il se trouve sur le territoire même du chef (fui avait été si
maltraité, on peut croire que celui-ei le recommanda pour
mieux assurer l’exécution de son projet. Il ne voulait pas convenir
devant nous qu’il eût lui-même recommandé ce havre
au capitaine comme le plus favorable pour compléter sa cargaison
; mais, d’après ses réponses évasives, je suis entièrement
convaincu que ce fut lui qui l’entraîna vers cet endroit.
Une fois le navire mouillé dans sa baie, le capitaine, ajouta
Georges, le renvoya à terre, après l’avoir auparavant dépouillé
de tous les objets anglais qu’il possédait, et même de ses propres
vêtemens ; si b ien, qu’il fut reçu par ses compatriotes dans
un état de nudité presque complet. Sur-le-cbamp il leur ra--
conta toutes ses souffrances et les traitemens inhumains quil
avait essuyés à bord; ces détails les remplirent d’indignation ,
ils se décidèrent unanimement à en tirer vengeance, et 1 idée
seule de massacrer le capitaine et l’équipage et de s’emparer du
navire put satisfaire leur fureur. Georges promit de leur en
faciliter les moyens, et l’oeuvre du carnage se préparait tandis
que les malheureux dévoués à en être les victimes ne soupçonnaient
pas môme cet infernal projet.
La conduite imprudente et téméraire du capitaine Thompson
favorisait les idées de vengeance que sa brutalité avait
excitées contre lu i, et cette conduite ne se manifesta que d une
manière trop évidente. Sans réfléchir un moment sur le earae-
tèrc du sautage, dont la passion dominante est le sentiment
;i
il . 'ii
i ) ; i
«