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PIÈCE S JUSTIFICATIVES.
Après dîner, nous quittâmes ce village pour en visiter un
autre nommé Pouka-Nouï, distant de quatre milles environ,
et situé au pied d’une très-haute montagne. Durant notre promenade,
nous traversâmes quelques morceaux de la terre la
plus riche que j ’eusse vue dans l ’ile ; elle était dégagée de hois,
et Ires-propre a toutes les cultures possibles.
Nous arrivâmes vers le coucher du soleil ; alors un vieux et
vénérable cbef, droit comme une colonne, et dont les dents
étaient aussi blanches que l’ivoire, s’avança avec une longue
lance à la main , et s’arrêta à une certaine distance ; puis, suivant
une coutume des Nouveaux-Zélandais lorsqu’ils reçoivent
des étrangers , il récita un discours et une prière : il nous
souhaita la bien-venue, et supplia ses dieux, c’est-à-dire les
mânes de ses ancêtres, d’être propices à notre entrevue. Il invoqua
les cieux sur sa tête, et la terre sous ses pieds, pour
rendre notre visite avantageuse à son peuple et agréable pour
nous, et pour qu’aucun accident ne nous arrivât, à nous qu’il
regardait comme les dieux d’un autre pays. Nous écoutâmes
ces adorations profanes avec un regret silencieux ; nous ne
pûmes que désirer avec ardeur que la lumière de la vérité divine
vint répandre sa lueur sur un esprit si superstitieux et si
grossier.
Dans-le courant de la soirée, M. Kendall eut une longue
conversation avec le chef Toubou, avec Temarangai et Waï-
Tarou, par suite de ce que ces deux derniers avaient dit à
Toubou sur les divers sujets qui avaient été discutés la veille
au soir. Quand ils eurent raconté à Toubou ce que nous avions
dit au sujet de la chaleur qui brûlait leur corps, et ce qu’ils
devaient faire en pareil cas, le chef dit que nous étions des
dieux. Entre autres choses , dans leur ignorance, ils s’étaient
figures que j’avais le droit de commander aux Européens d’aller
vivre avec eux : mais M. Kendall leur expliqua clairement
qu’il n’en était pas ainsi; que mo i, M. Kendall et mes collègues,
nous étions tout simplement les membres d’une Société
générale dont les chefs résidaient en Angleterre; que le nombre
de ses membres s’élevait à quelques milliers de personnes.
Ces personnes étaient animées par des sentlmens de reconnaissance
envers Dieu , pour les bénédictions qu’il leur avait accordées
, ainsi qu’à ses ancêtres qui vivaient dans un état semblable
à celui des Nouveaux-Zélandals; et leur but était de
procurer aux naturels la connaissance de ce même Dieu, qui
devient pour tous les hommes une source infinie de bonheur
tant dans ce monde que dans l’autre.
M. Kendall leur expliqua en outre que la Société , en A n -
quelle
des hommes de jugement et capables d’instruction, et je priai
vivement la Société d’envoyer quelques-uns de ses missionnaires
pour les instruire. Sur mes instances, la Société fit faire
une enquête, et l’on demanda des sujets pour aller instruire
les babitans de cette région lointaine.
M. Kendall rappela en outre qu’il s’éleva parmi les membres
de la Société, le doute que des Européens pussent vivre
avec quelque sécurité au sein d’un peuple qui était dans 1 habitude
de manger la cbair humaine, et qu’il en résulta une
crainte et une inquiétude générale. A la fin, MM. Hall et King
offrirent volontairement leurs services, car personne n’avait
été contraint à venir malgré lui à la Nouvelle-Zélande. En conséquence,
ils m’accompagnèrent à Port-Jackson ; arrivés la, ils
furent bien découragés en apprenant le désastre du Boyd, et
ils attendirent quatre ans jusqu’à l’arrivée de M. Kendall.
Alors j’achetai l ’Active, et j’envoyai MM. Kendall et Hall en
reconnaissance, pour voir s’ils oseraient ou non se hasarder à
vivre parmi les naturels. Après que MM. Kendall et Hall eurent
fait leur visite, ils se décidèrent à résider à la Nouvelle-
Zélande avec leurs familles, résolus à courir le risque dètre