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Nouvelle-Zélande. Le récit suivant d’un officier du brick le
Hawes fera voir combien les insulaires de la Nouvelle-Zélande
sont encore barbares. Cette barbarie contraste avec l’aptitude
aux arts de la civilisation , manifestée par les insulaires
des Sandwicb, de Taïti, et de quelques autres groupes d’îles
de la Polynésie.
Le 17 novembre 1828, je partis de Sydney comme second
du brick le Hawes, de cent dix tonneaux et de quatorze bommes
d'équipage; ce brick était commandé par le capitaine
Jobn James, qui avait aussi avec lui douze matelots que nous
devions débarquer, soit aux îles des Antipodes, soit à celles de
Bounty. Après avoir laissé dix de ces matelots aux Antipodes
et deux à Bounty, nous fîmes voile pour la Nouvelle-Zélande,
but de notre voyage entrepris dans des vues commerciales.
Nous toucbâmes à la baie des îles au mois de décembre, pour
faire du bois et de l’eau, et nous nous dirigeâmes vers le cap
de lE s t , éloigné environ de cinq cents milles. Dès que les
indigènes nous aperçurent, ils vinrent en foulé dans de larges
canots. Nous avions pris à noire bord, dans la baie des lies,
un Anglais qui nous servait d’interprète : ce fut en vain qu’il
ebercba h leur persuader de faire des échanges. Nous fûmes
très-surpris de ce refus; car ces peuples sont très-avides de
tout ce qui vient d’Europe. Mais le mystère fut bientôt éclairci :
notre interprète nous dit qu’ils commençaient leur chant de
guerre, et se préparaient à attaquer le navire.
Déterminés à faire une vigoureuse résistance, nous courûmes
aussitôt aux armes, et nous découvrîmes notre pièce
de canon. Mais n’espérant réussir qu’autant qu’ils surprennent
leurs victimes, les insulaires s’enfuirent avec la plus
grande précipitation dès qu’ils s’aperçurent que leurs intentions
nous étaient connues. L ’objet de notre voyage ne pouvant
êfre atteint sur ce point, nous levâmes l’ancre, e t, longeant
la côte, nous allâmes à quelques milles plus loin à la
baie de Plenty. Les insulaires y sont en grand nombre; ils sont
belliqueux, voleurs et perfides. Notre capitaine permit à qiicl-
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ques-uns des principaux cbefs de venir à bord : il eut pour
eux beaucoup d’égards, espérant ainsi les disposer à trafiquer
avec nous. Sa conduite adroite lui réussit ; nous obtînmes en
deux jours autant de lin que nous en désirions.
Nous fûmes continuellement sur nos gardes pendant ces
deux jours, car les insulaires firent plusieurs tentatives pour
surprendre le navire ; mais notre vigilance , excitée par l’avis
que notre interprète nous avait donné si à propos, déjoua leurs
projets. Nous retournâmes dans la baife des lies arrimer nos
marchandises, et faire de la place pour nos provisions. Lorsque
nous eûmes achevé le tonnelage de nos barils, nous allâmes
à quelques milles de là à un endroit nommé Tauranga,
situé à l’entrée delà baie de Plentj'.Tauranga offre un bon port
pour les petits bâtimens ; k marée basse, il y a trois brasses
d’eau. Le pays est montagneux, coupé par des bouquets de
bois si agréablement jetés çà et là , qu’il ressemble à un parc
dessiné par une main habile. Les montagnes sont couvertes de
verdure; chaque vallon est arrosé par un ruisseau qui tantôt
serpente paisiblement dans un silence délicieux , et tantôt, arrêté
par des débris de rocbers ou par des arbres, semble s’irriter
de ces obstacles, se gonfle et s’échappe en cascades successives.
Nous apprîmes qu’on trouvait dans cc lieu beaucoup
de cochons sauvages : leur chasse devant nous retenir assez
long-temps, nous jetâmes l’ancre. Nos entrevues avec les insulaires
confirmèrent, du moins en apparence, ce qu’on nous
avait dit de leurs dispositions amicales, et, pendant quelques
jours, nous obtînmes des vivres en suffisante quantité; mais
cela dura peu, car au bout de sept semaines nous n’avions
encore que sept tonneaux de pommes de terre et trois de viande
préparée.
Notre interprète recommanda au capitaine d’envoyer une
barque à Walki-Tanna ( qu’il faut peut-être écrire Wariki-
Tana), établissement situé à environ cinquante milles de Tauranga
où nous étions, l’assurant qu’il y trouverait des vivres
en abondance.
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