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n’avait pas acquis une connaissance suffisante de la langue
pour pouvoir s’exprimer, même pour les besoins les plus ordinaires;
et le capitaine Reynolds, qui conversait avec lui dans
sa langue maternelle, lui était en conséquence essentiellement
nécessaire comme interprète.
Quand le docteur Traill fut appelé près de Toupe, il le
trouva, comme nous l’avons déjà d it, attaqué de la rougeole
et assisté d’un cbirurgien qui l’avait vacciné quelques jours
auparavant. Des saignées et des vésicatoires appliqués à propos
firent céder heureusement la maladie, et le malade fut
bientôt complètement rétabli. Toupe resta à Liverpool quelques
semaines après son rétablissement, et pendant ce temps
il faisait de fréquentes visites au docteur Traill ; ainsi ce gentleman
eut les occasions les plus favorables d’observer son caractère
et ses manières, et d’obtenir de très- précieux renseignemens
touchant ses compatriotes.
Toupe-Koupa semblait être encore dans la fleur de l’âge,
bien qu’au moment où il entreprit son aventureuse expédition
il eût laissé son fils aîné, disait-il, à la tête de sa tribu pendant
son absence. Sa figure élait agréable et annonçait de l’intelligence,
quoiqu’elle fût si bien tatouée qu’à peine y restait-il le
moindre espace qui eût conservé sa couleur primitive. Qui plus
est, toutes les parties de son corps étaient couvertes de ces
dessins; ses bras nerveux et bien conformés étaient surtout
sillonnés par un grand nombre de simples lignes noires, et
ces lignes, disait-il, indiquaient le nombre des blessures qu’il
avait reçues dans le combat. Son caractère était généralement
doux et facile, mais il lui échappait parfois des boutades qui
rappelaient l’humeur capricieuse et irritable du sauvage. Une
fois, tandis qu’il se trouvait à bord, un matelot vigoureux l’insulta
avec intention; aussitôt il s’élança sur cet bomme, le
saisit par le col et parlaceinture, etaprèsl’avoirtenu quelques
momens suspendu sur sa tête, il Téteiidit sur le pont avec une
grande violence. Du reste, de pareils cmportcmens de sa part
semblaient fort rares. En société ses manières étaient tout-ûfait
exemptes de gêne, et dénotaient cette aisance naturelle
à un homme accoutumé à inspirer de la considération. Toutefois,
pénétré de l’idée qu’il devait se conformer aux coutumes
du pays où il se trouvait, il était constamment sur ses gardes
pour observer la conduite de ceux qui l’environnaient, et généralement
sa manière de les imiter était admirablement
prompte et exempte de toute gaucherie. En prenant sa leçon,
pour ainsi dire, son habitude était de tenir les yeux sur celui
qu’il considérait comme la principale personne de la compagnie.
A table, bien qu’il fût ordinairement servi le premier,
à titre d’étranger, il ne commençait jamais à manger, surtout
si le plat était nouveau pour lu i , à moins qu’il ne vît les
autres se servir de leur cuiller, ou de leur couteau et de leur
fourchette. Il comprit bientôt l’usage des verres à laver les
doigts et des serviettes; une fois il avala cependant l’eau des
premiers, mais il ne retomba jamais dans la même erreur.
Le motif pour lequel Toupe avait entrepris le voyage extraordinaire,
où il débuta d’une manière si déterminée, était
le même qui dans ces dernières années attira en Angleterre
plusieurs autres de scs compatriotes. Il venait, comme il en
est convenu lui-même, pour se procurer une provision d’armes
à feu. Aucun chef de la Nouvelle Zélande, parmi ceux
dont il a été question jusqu’àcejour,nesauraitlui être comparé
sous le rapport du pouvoir et de l’importance, si nous devons
en croire les détails qu’il a donnés sur l’étendue de ses domaines.
Quand on lui montra son pays natal sur une carte, il
le reconnut tout de suite ; quand on lui demanda où élait le
terrain où il résidait, il représenta ses États comme embrassant
toute la partie méridionale de l’île Nord, qui en serait détachée
par une ligne tirée depuis la pointe de Sugar-Loaf, sur
la côte de l’Ouest, jusqu’au cap Turn-Again sur la côte orientale
; et cette étendue ne formerait guère moins du quart de
l’île entière. Il déclarait que sa principale résidence était
Tîle Entry, située à peu de distance de la côte, sur la rive septentrionale
du détroit de Cook, et presque on face de l’entrée
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