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sois disposé à vous donner, sera de vous tuer, de vous rôtir et
de vous manger vous-même. » Temarangai trouva ce langage
le plus grossier et le plus insultant du monde ; il en fut très-
offensé, et répliqua que puisque telle était la résolution de
Warou, leur dispute serait vidée par un appel aux armes.
Warou répondit qu’il était prêt à combattre ce jour-là même.
Temarangai remarqua qu’il ne voulait pas combattre ce jour
même, mais que le lendemain il irait au-devant de lui. W a rou
y consentit, et Temarangai me montra du doigt le terrain
qu’ils avaient cboisi pour leur rencontre. C’était un espace
u n i, vis-à-vis l’endroit où mouilla jadis le capitaine Cook. Le
jour suivant, les doux partis sc trouvèrent au lieu et à l’beure
fixés. Quand ils eurent déployé leurs forces , Temarangai donna
ordre à ses hommes do ne faire feu qu’au moment où il en donnerait
le signal. Il avait trente-cinq mousquets, tandis que W a rou
ne comptait que sur ses lances et scs palous. Warou fit sa
première charge avec une volée de lances, et Temarangai eut
un officier blessé. Alors il ordonna aux siens de faire feu ; vingt
des bommes de Warou tombèrent roides morts à la première
décharge, et parmi eux étalent deux cbefs, l’uii nommé Nou-
kou-Panga, père de W arou, et l’autre Hopo-Nikou. Au moment
où ces deux cbefs tombèrent, les hommes de Warou sc
débandèrent, et s’enfuirent du cha'mp de bataille. Temarangai
commanda aussitôt à scs bommes de faire balte, et de ne pas
poursuivre l’ennemi qui s’enfuyait. Il était content du sacrifice
qui avait eu Heu, attendu que deux chefs avaient été tués; et il
ne voulut pas verser plus de sang. Les alliés furent mécon-
tcns de sa douceur; un conseil de guerre fut convoqué par les
cbefs, et ils censurèrent la conduite de Temarangai, pour n’avoir
pas profité de l’avantage qu’il avait remporté. Ils prétendaient
que si Temarangai se contentait de la mort des deux
cbefs pour la mort de sa nièce, néanmoins Warou devait être
châtié pour le langage insolent qu’il avait tenu à leur première
entrevue , quand il avait dit qu’il voulait tuer, rôtir et manger
Temarangai ; langage te l, qu’un chef ne doit jamais l’employer
en parlant à un autre cbef ; et ils demandèrent que l’attaque
fût immédiatement renouvelée. Temarangai désira d’abord
connaître les dispositions de W arou ; son père ayant été tué, il
pensait qu’il en viendrait facilement à des conditions de paix.
C’est pourquoi il sortit du camp , pour aller à la recherche de
Warou qui s’était enfui avec ses guerriers. Temarangai tomba
sur la femme cl les enfans de Warou et sur quelques-uns
de ses amis , au nombre de trente ; il les conduisit dans
son camp , sous l’assurance de leur sûreté personnelle. Il demanda
où étaient leurs provisions de patates ; et la femme de
Warou les lui ayant indiquées, il s’y rendit avec scs bommes
pour s’en procurer. Temarangai voulut savoir de la femme
et des amis de Warou s’il était disposé à faire la paix ; on lui
répondit qu’il ne l’était pas. Le jour suivant, tandis que les
cbefs étaient occupés à délibérer eifsemblc dans le camp, ils
s’aperçurent que Warou avait rallié ses forces, et descendait à
leur rencontre. Aussitôt ils coururent à leurs armes ; en très-
peu de temps ils tuèrent un grand nombre d’ennemis avec leurs
mousquets, les mirent en déroute, et les poursuivirent dans
leur fuite. Plusieurs se précipitèrent à la mer et y périrent;
quatre cents environ restèrent morts sur le champ de bataille,
et deux cent soixante furent faits prisonniers ; deux cents
échurent en partage aux chefs de la baie des Iles, et nous les
vîmes débarquer à Rangui-Hou le 2 mars ; soixante demeurèrent
au pouvoir des chefs de Bream-Head. Warou fut alors
complètement vaincu, et s’en alla dans les bois avec le peu
d’hommes qu’il avait sauvés. Quand la bataille fut terminée,
Temarangai alla à la recbercbe de Warou , et l’ayant à la fin
trouvé , la conversation s’engagea entre eux. Temarangai lui
demanda s’il voulait se soumettre, et lui rappela le langage insolent
qu’il avait tenu à leur première entrevue. Warou reconnut
qu’il était vaincu ; il dit qu’il n’avait pas d’idée que les
mousquets pussent produire de pareils effets, et qu’il les avait
jusqu’à présent méprisés comme instrumens de guerre ; mais il
avoua qu’il lui était impossible de leur résister, et qu’en consé