REMARQUES GENERALES SUR LES SAUVAGES DE LA NOUVELLE-
ZELANDE.
« Je remarquai avec étonnement, parmi les sauvages qui vinrent
à bord du vaisseau dès les premiers jours, trois espèces
d’hommes, dont les uns, qui paraissent les vrais indigènes, sont
d’un blanc tirant sur le jaune : ceux-ci sont les plus grands,
et leur taille ordinaire est de cinq pieds neuf à dix pouces;
leurs cheveux noirs sont lisses et plats ; des hommes plus basanés
et un peu moins grands , les cheveux un peu crépus; enfin
de véritables nègres h têtes cotonnécs, et moins grands que les
autres, mais en général plus larges de poitrine. Les premiers
ont très-peu de barbe et les nègres en ont beaucoup.
» Il y a toute apparence que les blancs sont les indigènes. La
couleur de ceux-ci est en général comme celle des peuples méridionaux
de la France. J’en ai vu trois ou quatre qui avaient
les cheveux rouges. Il y en avait parmi eux qui étaient aussi
blancs que nos matelots; et nous avons vu souvent «ur nos
vaisseaux un grand jeune homme bien fait, de cinq pieds onze
pouces, qui eût pu passer pour un Européen , par sa couleur
et par ses traits. J’ai vu une fille de quinze ou seize ans auss*
blanche que nos Françaises.
» En général ces trois espèces d’hommes sont beaux et bien
faits , la tête d’une belle forme , de grands yeux, tous des nez
aquilins de belle proportion , ainsi que la bouche; les dents
belles et très-blanches, le corps bien musclé , les bras nerveux,
les mains fortes, la poitrine large , la voix extrêmement haute,
pou de ventre , presque imberbes , les jambes bien proportionnées,
un peu grosses, les pieds larges, les doigts bien
écartés.
» Les femmes ne sont pas si bien à beaucoup près ; elles sont
en général plus mal de figure, courtes , la taille fort épaisse, les
mamelles volumineuses, les cuisses et les jambes grosses , d’un
teinpéramont qui paraît fort amoureux, au lieu que les hommes
paraissent en général avoir une grande indifférence pour
elles ; ils leur font faire tous les travaux domestiques et pénibles.
Ce sont elles qui vont chercher dans les champs les paquets
de racines de fougères arrachées parles hommes; elles
portent l’eau du bas des montagnes au haut des villages; elles
ramassent seules les moules et autres coquillages au bord de la
mer ; elles seules se mêlent de la cuisine , font cuire les mets et
les servent aux hommes , sans en manger avec eux ; enfin elles
sont, dans cet état d’avilissement, les servantes plutôt que les
compagnes de leurs maris.
» Ce sont sans doute ces travaux pénibles auxquels elles sont
assujetties, qui les rendent épaisses et difformes. J’en ai vu
néanmoins quelques-unes très-jeunes qui étaient jolies ; elles
paraissent de bonnes mères, et témoignent de la tendresse pour
leurs enfans. Je les ai vues souvent jouer avec eux , les caresser,
mâcher de la racine de fougère, la dépouiller de ses fila-
mens, et la tirer ensuite de la bouche pour la mettre dans
celle de leur nourrisson.
» Les hommes même m’ont paru avoir de l’amitié et de la
complaisance pour leurs enfans. Le chef Takouri amenait
quelquefois sur nos vaisseaux son fils âgé d’environ quatorze
ans, d’une jolie figure, qu’il paraissait aimer beaucoup.
« Je n’ai pas vu un grand nombre d’enfaiis parmi ces sauvages.
A voir ces hommes tous grands , robustes et bien faits, on
pourrait soupçonner qu’ils ne conservent pas les enfans qui
viennent au monde faibles ou difformes.
» J’ai remarqué que les hommes et les femmes parviennent à
une grande vieillesse ; qu’ils conservent, dans l’âge le plus
avancé, tous leurs cheveux qui blanchissent peu , <ft leurs
dents qui s’usent plus qu’elles ne sc gâtent. Nous n’avons
trouvé aucune apparence qu’ils fussent sujets à la petite-
vérole et au mai vénérien ; ils sont en général malpropres
et se lavent peu, mais on ne leur voit aucune tache,
aucune marque ou cicatrice sur la peau. Il y avait clans notre