presque pousse le canot sur trois cadavres étendus l’un contre
l’autre au bord de l’eau , au travers de quelques broussailles.
Ces malbeureux avaient été massacrés dans la matinée ou la
veille au soir. Près de ces corps était un gros paquet de liois,
ctuu endroit préparé pour les faire cuire; une pirogue était
mouillée à peu de distance, et portait des marques sanglantes,
mais nous ne vîmes point de naturels. Quand nous arrivâmes
à Kidi-Kidi, les babitans nous dirent que ces cadavres étaient
ceux de trois esclaves qui avaient été sacrifiés pour avoir exercé
le makoutou sur un cbef, c’est-:i-dirc pour avoir pratiqué un
soitilége, ou avoir fait de mauvaises prières qui avaient causé
sa mort. C’est ainsi que plusieurs de leurs prisonniers de guerre
perdent la vie par suite de leurs idées superstitieuses. »
La scène suivante, suscitée en 1826 aux missionnaires
de Pallia par l’ariki Toï-Tapou et naïvement racontée par
M'"‘ Williams, donne un exemple des inconvéniens que les
Européens avaient souvent à essuyer parmi les sauvages
turbulens de la Nouvelle-Zélande :
Un chef très-importun , nommé Toï-Tapou , qui réside à
deux milles environ'd’i c i , a tout mis en désordre dans l’habitation.
Au lieu de frapper à la porte, comme d’ordinaire,
poiu être introduit, il a sauté par-dessus la palissade faite en
taihcpa, ou en petits pieux de bois. M. Eairburn lui a dit
qu il était un tangata kino, un méchant homme ; qu’il était
venu comme un tangata taehae, un voleur, et non pas comme
un rangatira, uu gentleman, en escaladant la palissade. Sur-
le-champ le cbef se mit à trépigncretà gambader comme uu fou,
en attirant autour de lui les voisins par les cris et le vacarme
qu’il faisait. Il agitait sou mere ( instrument de guerre en
pierre verte que cbacun d’eux porte cacbé sous sa natte), cl
brandissait sa lance en sautant comme un chat, et la dirigeant
avec fureur contre M. Eairburn. M. Williams lui dit qu’il se
comportait fort mal, et refusa de lui toueber la main ; le sauvage,
cartel il paraissait vraiment alors, sc dépoudla pour
combattre, ne gardant sur lui qu’une simple natte, semblable
à celle que portent les jeunes filles. MM. Williams et Fairburn
le regardèrent avec une indifférence marquée ; quand ils s’cn
allèrent, il s’assit pour reprendre haleine, et comme ces deux
messieurs se dirigeaient vers la plage, il sortit du jardin.
Quand M. Williams revint, il vit quelques nattes étendues
par terre, qu’il jugea appartenir à Toï : il les jeta dehors,
ferma la porte et alla au fond de la maison. Peu après, cet
homme furieux accourut du rivage, et arrachant une longue
perche, il en frappa contre la porte. Voyant qu’elle résistait
à ses efforts, il sauta de nouveau par-dessus la palissade, il
recommença scs gestes sauvages, et quand M. Williams parut,
il dirigea sa lance contre lui. Sans y prendre garde, M. W illiams
s’avança vers lui ; mais , bien que tremblant de rage, le
sauvage n’envoya point sa lance. Il dit qu’il s’était blessé au
pied en sautant sur la palissade , et demanda un nutou, ou un
paiement pour sa blessure. Comme on lui répondit qu il n en
aurait point, il se dirigea vers le magasin, et s’empara d’un
vieux pot de fer en guise à’outou. 11 voulut sauter par-dessus
la palissade , mais le poids du vase l’cn empccba , et il se diri-
o-ea vers la porte : alors M. Williams s’élança sur lu i, il bu
Lracba le pot des mains, et s’appuya le dos contre la porte
pour l’cmpêcbcr de s’enfuir; il appela aussi quelqu’un pour
emporter le pot que Toï tenta plusieurs fois de reprendre. En
même temps celui-ci agitait son mere et sa lance avec des
gestes furieux, tandis que M. Williams tenait scs bras croisés
en le regardant d’un air qui annonçait une résistance froide
et déterminée. Comme je guettai? p^ar la fenêtre avec un vif
sentiment de crainte, cette scène me rappela celle d’un homme
qui, attaqué par un taureau sauvage et furieux, fixa hardiment
ses yeux sur cette bête féroce, et la tint ainsi en ccbcc.
Notre forgeron étant survenu et s’étant emparé du p o t, poussa
Toï par les épaules; tout en cédant, celui-ci continua scs