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une préférence marquée aux plantes à lin de l’île Norfolk, tant
pour la qualité que pour la quantité du chanvre.
. Ces naturels , ajoute le gouverneur K in g , nous donnèrent
encore bien d’autres renseignemens ; mais dans la crainte de
commettre quelque erreur, je me dispense de les rapporter. Il
est vrai que nous nous communiquions assez bien nos idées,
en mélangeant ce qu’ils savaient d’anglais avec ce que nous
avions appris de leur langage, et par ce moyen ils pouvaient se
faire entendre suffisamment pour les choses ordinaires. Mais je
ne pourrais répondre de l’exactitude des détails qui exigeaient
un plus grand développement. »
On sait que le gouverneur King accompagna lui-mcme
Oudou e t T o u k i à la Nouvelle-Zélande. Voici ses observations
durant ce voyage ;
,, Après avoir doublé le cap Nord de la Nouvelle-Zélande ,
le 12 novembre 1793 , quatre jours après notre départ de Norfolk,
nous vîmes plusieurs maisons et un petit pd sur une île
située près du cap Nord, que Touki nomma Moudl-Motou.
Bientôt après, nous découvrîmes un pd ou forteresse très-considérable
, sur une colline élevée et arrondie, précisément en
face de la baie. Il en sortit six grandes pirogues qui se dirigèrent
vers le navire. Aussitôt qu’elles se trouvèrent à portée de la
v o ix ,T o u k l fu t r c c o n n u p a r ceuxquilesmontaient; blentôtnous
comptâmes sept pirogues montées par vingt hommes chacune.
Ces pirogues s’approchèrent sans hésiter, et les naturels qui
montèrent à bord furent enchantés de retrouver Touki, dont
les premières et les plus vives questions eurent pour objet sa
famille et son chef. A cet égard, il reçut les détails les plus
satisfaisans d’une femme qui était parente de sa mère. Son père
et le chef étaient encore Inconsolables de la perte de Touki. On
• remarquera que, encore qu’il y eût plus de cent insulaires,
tant à bord que le long du navire, Touki borna scs caresses et
sa conversation à la parente de sa mère et à un ou deux chefs.
Ceux-ci se distinguaient par les dessins de leur visage, moko,
aussi bien que par les respects que leur témoignaient les mokaïs
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ou serviteurs qui pagaient dans les pirogues, et que leurs chefs
battent quelquefois sans pitié. Je donnai des ciseaux, des
hachettes et autres objets aussi agréables à ceux que Touki
me désigna comme des chefs subalternes, et qui étaient de sa
connaissance. Bientôt le commerce s’établit. Des morceaux
de vieux fer furent donnés pour une quantité de lin travaillé,
de nattes, patous-patous, lances, ornemens de jade, pagaies,
hameçons et lignes. A sept heures du soir les naturels nous
quittèrent, et nous fîmes route pour la baie des Iles, où
nous avions compris qu’était la résidence de Touki, et dont
nous étions éloignés de vingt-quatre lieues. Vers les neuf
heures, une pirogue montée par quatre hommes arriva près de
nous, et ils sautèrent à bord sans aucune crainte. Après souper,
Touki et Oudou demandèrent aux étrangers quelles étaient les
nouvelles du pays, depuis qu’ils avaient été enlevés. Pour satisfaire
à ce désir, les quatre étrangers commencèrent un chant,
dans lequel chacun d’eux prit part, tantôt employant des
gestes fiers et sauvages, tantôt baissant la voix suivant la nature
des événemens qu’ils avaient à raconter. Oudou, qui prêtait
la plus grande attention au sujet de leur chant, fondit tout-
à-coup en larmes, au récit d’une irruption que la tribu de
Shouraki avait faite sur le territoire de T e ra -W iti, district de
Oudou, et dans laquelle le fils du chef et trente guerriers
avaient été tués. Il sc trouva trop ému pour en entendre davantage
; il se retira dans un coin de la chambre afin de se livrer
à toute sa douleur, ne s’interrompant quelquefois que
pour proférer des menaces de vengeance.
» Attendu le calme, on fit peu de cbemin durant la nuit. Le
i 3 , au point du jour, on aperçut une quantité de pirogues qui
venaient du pâ. Dans la plus grande se trouvaient trente-six
hommes et le chef, qui debout faisait des signaux avec empressement.
Quand la pirogue se fut approchée, Touki reconnut
ce chef pour être Ko -T ek o k e, c’est-à-dire le tiki-tiki, ou
chef principal du pâ. Le vieux chef qui semblait avoir environ
soixante-dix ans, n’avait pas un seul trait du visage qui ne fut
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