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poftés en avant du rouleau & du village de Sénef,
dans une efpèce de fourré ou de bois taillis. Les
dragons occupèrent le village , & les hauteurs qui
étoient en avant , vis-à-vis des poftes avancés de
l ’armée françoife ; ils étoient foutenus par quelque
infanterie. La cavalerie fut mife^en bataille derrière
le village , dans une plaine peu étendue, fa droite
à des marais, fa gauche à un bois , fix efcadrons
furent placés en avant, à la pointe du même bois,
pour couvrir la colonne des bagages.
Condé , avant de commencer l’attaque , ap-
perçut à fa droite un petit bois , par lequel il auroit
pu être chargé en flanc, s’il eût été occupé. Il y
alla fe u l, en laiffant le bois deux ou trois cents
pas l'ur fa gauche , le dépaffè ; & , voyant qu’il
n’y avoit aucune troupe, revint très v ite , en di-
fant , il n’y a qu’à le s charger pour les battre ; enfuite
i l acheva de donner fes ordres , & l’attaque com-
•mença.
Le marquis de Rannes , à -la tête des dragons,
de la brigade de Tilladet , 'cavalerie , marcha
.aux dragons ennemis qui occupoient les hauteurs
en avant de Senef. Navarre , la Reine , & la Fere
fuivoient, aux ordres du comte de Montai, & du
.marquis de-Mouffy , avec le canon. La cavalerie
•ennemie fut poufïée fans peine : l’infanterie qui
la foutenoit, repaffa le ruiffeau , avant que d’être
attaquée, ainfi que les dragons ; & ces deux troupes
vinrent fe joindre à celles qui occupoient les premières
maifons, & les débouchés du village.
L infanterie hollandoifè en gardoit l’églife & le
château. Le comte de Montai attaqua le village
avec les dragons & fon infanterie, tandis que le
chevalier de Fourilles, à la tête de la cavalerie qui
avoit pouffé les dragons ennemis, paffoitle ruiffeau
de Sénef au-deffus du village , & marchoit aux fix
efcadrons portés à la pointe du bois , pour couvrir
fa colonne des bagages. En même-temps , Condé
prenant le refte de la cavalerie , paffoit au-deffous
de Sénef, pour fe mettre entre, lé village & la
.cavalerie ennemie formée dans la plaine, couper
la retraite à l’infanterie qui occupoit le village , &
charger enfuite. Les fix pièces de* canon furent
placées fur le flanc de l’attaque pour la féconder,
&. prendre en flanc la cavalerie.
Le village fut emporté en peu de temps; deux ou
trois cents hommes du régiment de Naffau, faits pri-
ionniers dans l’églife ; quelques efcadrons qui voulurent
charger la cavalerie françoife au paffage du
ruiffeau , repouffés vers le gros de leur troupe.
Condé fe déploya dans la petite plaine ; fa droite
au bois, où l’ennemi avoit fa gauche ; la gauche vers
Je village , dont fon infanterie s’étoit emparée. L’ar-
tHlerie prenoit en flanc la cavalerie ennemie. Celle-
ci étoit fupérieure en nombre ; mais le défavantage
du terrein rétabliffoit l’égalité : elle y étoit fur trois
lignes, & Condé la chargeoit à front égal.
La première ligne, réfifta quelque-temps ; mais
elle fut pliée fur la fécondé ; celles-ci fur la troi-
? &. Je tput pouffé demi-lieue jufqu’à SaiptÂ
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! Nicolas-aux-Bois , laiffant un grand nombre de
morts , de bleffés, de prifonniers , d’étendarts &
de drapeaux ; tandis que les fix efcadrons, atta-
: ffués par le chevalier de Fourilles , craignant
: d’être coupés , prenoient la fuite ,* & fe jettoient
r en défordrefur la colonfie des équipages qu’ils de-
i voient protéger. Le chevalier pou voit en enlever
une partie ; mais il craignit d’expofer fes troupes
en s’éloignant trop de l’armée , & jugea qu’il étoit
■ plus fûr Ôt plus utile de les ramener au prince..
Les troupes de l’empire , qui avoient la tête des
colonnes , étoient déjà fur les hauteurs voifines
de la Haifne , où elles dévoient camper. Ce fut là
feulement que le comte de Souches apprit l’attaque
de Varrière-garde. Les inftances réitérées du prince
d Orange , qui le preffoit de ramener fes troupes,
furent long-temps fans effet. Celui-ci, voyant la
défaite de fon arrière-garde, avoit pofté la cavalerie
& l’infanterie qu’il avoir avec lui , dans les
marais, les vergers , les.bois qui entour-oient le
hameau de Saint-Nicolas-aux-Bois. Touts les militaires
penfent que Condé , fatisfait de fon avan-
tage , devoit s’arrêter ici. Son ardeur l’emporta ; il
voulut pourfuivre , & engagea une aâion fanglante,
dont nous parlerons ailleurs.
Une autre attaque d’arrière-garde, qui ne mérite
pas moins l’attention des militaires que la précédente,
eft celle du maréchal de Luxembourg auprès
de Leufe , le 18 feptembre 1691. Ce général
, apprenant que les ennemis marchoient à
Leufe , s’avança de Renai à Hérinnes, & fe porta
fous Tournai, avec fon aile droite de cavalerie.
Inftruit que le prince d’Orange devoit quitter fon
camp de Leufe le lendemain , il fe mit en marche
avec fa cavalerie , au nombre de foixante-dix’ efcadrons
, dans 1 efpoir de joindre l ’ a r r iè r e -g a rd e de
l’armée ennemie. Il avoit détaché M. de Marfigli,
enfeigne des gardes-du-corps, avec quatre cents
chevaux , dont une partie étoit de la maifon du
roi, & l’autre dê cavalerie légère , pour avoir des
nouvelles de l’ennemi. M. de Villars, qu’il avoit
envoyé à ce corps dès l’entrée de la nuit , lui
manda qu’il voyoit plufieurs troupes des ennemis
en bataille près de lui, & que leur armée ache-
voit de paffer le ruiffeau de Blicquy. Le maréchal
lui fit dire de ne rien tenter avant qu’il fût arrivé.
Dès qu’il l’eût joint, il vit quatorze ou quinze efcadrons
, formés lur une ligne , pour couvrir les
défilés que la cavalerie ennemie venoit de paffer.
Leur droite s’étendoit jufques fur. les hauteurs qui
bordent la Denre , & leur gauche s’appuyoit aux
jardins de Capelle à Vé. Le détachement de M. de
Villars n’étant point affez nombreux pour attaquer
, le maréchal fit donner ordre à la maifon
du roi de s’avancer en toute diligence : il la forma
devant cette arrière-garde, la gauche vers la Denre,
la droite vers Capelle à Vé. Le détachement de
MM. de Marfigly & deVillars, étoit un peu en avant
du centre , tant pour faire la première charge que
pour ro.afquer la maifon duroi qui fe formoit derrière,
À R R
Les ennemis crurent d’abord que cette èavalerie
'étoit- celle que M. de Befons commandoit fous
Mons ; mais , la voyant augmenter fansr cèffe ,
& rèconnoillant la maifon du roi , ils firent re-
paffer toute la cavalerie de leur aile gauche en-
deçà des défilés- , la formèrent fur cinq lignes
derrière leur arrière-garde , & jettèrent cinq bataillons
dans les jardins & haies de Capelle à Vé.
M.-de Luxembourg fit mettre pied à terre aux dragons
du Roi & de Teffé , pour les oppoler à cette,
infanterie ; & ,. jugea que plus il différeroit , plus
les ennemis feroient en force. Sa première ligne
étoit formée ; l’autre arrivoit : le terrein étant
reflerré , il alloit charger à front égal il en donna
l ’ordre. Aufli-tôt toute la ligne marcha l’épée à la
main , franchit un petit ravin que les ennemis
avoient devant eux , effuya leur feu peu redoutable,
les chargea , & les rompit. Plufieurs efca- -
cadrofts de la maifon du roi marchèrent à la fécondé
ligne , & quelques-uns attaqués par trois
encadrons, à la fois furent obligés de fe divifer en
trois pour les- charger. D’autres pénétrèrent juf-
q-u’à la cinquième ligne , Si la mirent en défordre.
La gendarmerie-oc la brigade de Quadt s’étoient
formées pendant le combat. Le maréchal fit rallier
6c mettre en ordre la cavalerie qui avoitcçmbattu,
6c avancer , par les intervalles■, fa nouvelle ligne ,
contre une fixième que les: ennemis avoient for-'
mée,pour protéger l’évafion des autres lignes qui ve—:
noient d’être battues.Celle-cin’attenditpas le choc : ■
elle fe retira précipitamment, du coté des défilés de
la Catoire 6c d’Amblicourt. M. de Luxembourg
arrêta fes troupes, ôc les empêcha de pourfuivre-
les fuyards-: il voyoit l’infanterie ennemie revenant
fur fes pas , 6c commençant, à. border le ruiffeau
de Blicquy. Il fit fa retraite en ordre , 6c avec précaution,
quoiqu’il n’y eût aucune apparence que
les ennemis le fûiviffent. Le corps de la maifon du
d u ro i, 6c celui de-la, gendarmerie , paffant fuc—
cemvement par les intervalles l’un de l’autre , marchèrent
ainfi en retraite environ demi -lieue. Les
ennemis .eurent quatorze cents hommes tués, quinze
cents bleffés , quatre cents faits prifonniers , -6c
perdirent trente-fix étendarts avec deux paires de
timbales. La perte des troupes françoifes fut d’environ
quatre cents Hommes tués ou bleffés-;
Réfumons maintenant les principes d’attaque 6c.-
«le. défenfe appliquables- à une- arrière-garde,
A t T A Q ü E- d ’ u n e A R R I £ R E ( - G A R D E .
Cette aélion , de même que- toutes1 celles--de
guerre , a fes-difpofitions préliminaires , relatives
à l’objet que l’on fe propofe. Si on n’en veut qu’à
Farrière-garde, il faut harceler le gros de l’armée!.
ennemie , l’inquiéter , l’occuper-allez pour l’empêcher
de fe-courir fon arrière-garde, ôc attirer loin
d’elle l’attention du: général : différer le moment
de l’exécution pour laiffer les colonnes de l’armée
s'étendre, s’éloigner , & paffer des défilés ; cacher
A R R ïsfjj
fes difpofitions ; & , dès que le moment en eft venu,
fe prélenter foudain devant l'a r r iè r e -g a r d e , avec des
forces fupérieures, & la ferrer d’affez près , pour
l’obiiger à slarrêter, tandis que le gros de l’armée
s’éloigne. :
Au moment de l’attaque, employer les principes
généraux,ferrer à la fois le centre & les
ailes, profiter des avantages offerts par la nature
du terrein, par celle des armes & des troupes ,
par leur nombre, par les fautes , la furprife, la
crainte de l’ennemi ; dès que l’inftant en eft venu-
attaquer vivement, pour prévenir l’arrivée des
fecours.
Après.la- vifloire , éviter le danger d’une pour--
fuite inconftdérée , faire fa retraite en ordre &
affez diligemment pour n’être pas joint par ’des
forces fup.érieures.
Mais, fi on veut engager une- afiion générale
avec l ’armée qui là craint & fe retire , il faut au
contraire attaquer l ’ a r r ic r e - g a fd e , avant que le gros
de-l’armée fe fort éloigné, & qu’il ait eu le temps
de pàfler des défilés ou une rivière, qui le met—
troient à couvert': il faut commencer promptement-
l’attaque , afin que l’ennemi ne faffepas fa retraite
derrière le front qu’il préfente ; mais ne pas la
preffer vivement, pour donner à l’armée le temps ■
d’envoyer des-fecours , & de s’engager peu à peu.’
dans l’aétion qu’elle voudroit éviter.
D éfense d’une a r r i è r e - cajs.'d e
V a r r iè r e -g a r d e compofée-, comme elle doit l’étre-:.
relativement à la nature du pays qu’elle doit tra-
verfer, au nombre , & à l’efpèce des troupes que-
l’ennemi peut employer contre elle , doit toujours •
marcher affez près du gros de l’armée, pour en-
recevoir de prompts fecours, & l’armée, de fon‘
côté, ne doit pas s’éloigner de fon a r r iè r e -g a rd e , ■
On y mettra des troupes légères , - en -nombre’ -
fuffifant, pour diminuer l’effet du harcèlement : *-
elle aura auffi de l’artillerie légère.pour le^même
objet.
On oceûpera les'défilés par de bonnes troupes , ,
pour en protéger le paffage ; on rompra les ponts, -
les gués, les chemins ; on les embarraffera.-
Si Y a r r iè r e -g a r d e , preffée vivement, eft obligée '
de-combatt-re-; elle empioira les principes généraux
de la. défenfe pour le. choix d’une p.ofition, profitant
pour l’infanterie des- terreins fourrés , pour
la cavalerie-de ceux qui ont -affez-d’étendue pour
,1a développer en entier, bu affez de profondeur-'
pour, en former les lignés à telle diftance , -quy-
la première , étant pliée, n’entraîne pas l’autre dans •
fa déroute. Les- haies-, les ravins , les foffés , font
d’une -meilleure défenfe pour l’infanterie , que les ■
villages : ceux-ci font prefque toujours emportés ;
.les troupes qui les défendent, enfermées dans les
maifons & les églifes font obligées de fe rendre.,
Dans un terrein coupé-, on le difpute pied à pied ;
on-fe retire derrière des haies,- on fe jette dans un