
perdu fon ordre, en mettant en déroute la fécondé
des ennemis. Mais vos premières troupes,
qui ont été pliées , pourront venir former une
autre fécondé ligne , 6c un nouveau corps de
réferve.
Un des avantages, lelon Polybe, que l’ordre
de b a ta ille des Romains avoit fur celui des Macédoniens
, étoit que la phalange ne fe formoit
qu’en un feul corps , n’avoit pas des troupes
fraîches à oppofer ; quand , par le choc même qui
l’avoit rendue vi&orieufe , elle avoit perdu fon
ordre : au lieu que les Romains , lorfque leur
première ligne étoit battue , fail'oient avancer les
autres ; qui, n’étant point fatiguées, entroient dans
le combat en bon ordre contre des ennemis que
ïeur propre vi&oire avoient mis en quelque con-
fufion.
Dans un combat des Romains contre les Volf-
ques, la première ligne de l’armée romaine fut
mife en défordre. Camille, qui la commandoit,
chargea avec la fécondé 6c gagna la bataille. La
même conduite réuffit au conïul Quintus Emilius ;
qui, dans une bataille contre les Volfques, mena
à la charge la fécondé ligne, dès qu’il vit la première
fi haraflee qu’elle pouvoit à peine foutenir
le combat.
Les troupes pliées à la première ligne doivent
fe rallier 6c fe réformer fur l’alignement de celles
qui font détachées entre les lignes, afin de revenir
avec elles à la chargé. Si la chofe n’eft pas
poffible ; ces troupes , ou celles que les intervalles
qui font entre les troupes détachées ne pourront
pas contenir , doivent venir fe réformer entre les
troupes détachées 6c la fécondé ligne.
Si les troupes de la première ligne , qui ont été
mifes en déroute , ne peuvent pas fe rallier dans
cet endroit, foit parce qu’elles manquent de fermeté
6c de confiance, foit parce que les troupes détachées
entre les lignes ont été battues ; ces troupes,
6c les corps détachés que je fuppofe auffi avoir plié ,
formeront un corps de réferve à 150 pas en arrière
des lignes qui font en ordre , afin de côn-
ferver toujours l’armée divifée en trois lignes
difpofées à combattre fucceflivement félon que les
occurences l’exigeront.
Toute troupe qui doit fe retirer derrière la
fécondé ligne , ôc qui fe trouve près des flancs ,,
marchera par dehors cette même ligne ; mais, fi
elle eft trop éloignée des flancs,. elle fera fa retraite
par les intervalles de la fécondé ligne , en
divifant fon front à proportion de ces mêmes intervalles.
Dès qu’elle les aura pafles, une partie
fera un mouvement de converfion à droite 6c
l’autre partie à gauche, pour éviter de renverfer
ou de déranger les corps deftinés à fermer ces
intervalles; ôc enfuite-, par un quart de converfion
vers le côté oppofé, elle fe rangera de front fur
la ligne qui lui eft défignée.
Les troupes deftinées à fermer les intervalles
s 'y porteront avant que quelque^ corps des enneinis
puiflent s’y introduire. Lorfqu’elles y
feront formées, elles ne permettront plus au refte
des fuyards de fe retirer par cette voie ; ^les
les repoufferont au contraire avec l’arme de main ,
de crainte que quelques petits partis de cavalerie
pourfuivant ces fuyards n’entrent par ces intervalles
, 6c ne mettent enfuite en défordre vos
régiments de fécondé ligne , en les chargeant en
flanc. Les autres troupes de cette ligne repoufleront
de la même manière ceux qui en fuyant
voudroient s’y faire un paflage , autrement les
fuyards eux-mêmes mettroient la ligne en corifu-
fion 6c la renverferoient.
Les troupes étrangères, que les Carthaginois
avoient à la bataille de Zama, ayant été mifes
en fuite, fe retiroient en défordre vers le corps
des troupes de Carthage : les Carthaginois craignant
que les ennemis n’èntraflent dans leurs rangs
pêle-mêle avec les fuyards , loin de favorifer leur
retraite en ouvrant un paflage , les repoufsèrent,
6c les obligèrent de fe retirer du, côté des ailes.
Comme des troupes battues font rarement
capables de grandes évolutions , parce que leur
défordre 6c leur frayeur font. qu’elles n’entendent
plus la voix de leurs chefs, 6c qu’elles s’embrouillent
dans leurs mouvements ; ce que , le
plus fouvent, on peut faire de mieux , c’eft d’en
former de gros pelotons , afin que le moindre
efcadron ou quelque petit nombre d’ennemis débandés
ne puiflent pas les prendre, ou les pafler
au fil de l’épée. Dom Manrique, général- des
troupes d’Henri III , roi de Cafiille, fe voyant
environné par la puiflante 6c nombreufe armée
de Mahoma , roi maure de Grenade, divifa.fes
troupes en plufieurs pelotons, afin de s’ouvrir un
paflage pour faire retraite. Ces pelotons chargèrent
touts à la fois les infidèles , les défirent
entièrement , ôc dom Manrique gagna la bataille.
J’ai déjà dit dans quelle occurrence on eft obligé
de rifquer le tout pour le tout. Lorfque vous
croirez qu’il eft moins difficile de rallier vos
troupes battues qu’il ne feroit avantageux d’en
fauver les reftes 'en les laiflant fuir, préférez ce
premier parti. Courez d’un régiment à l’autre pour
leur perfüader qu’il y a plus de péril à prendre la
fuite qu’à combattre. Repréfentez-leur l’ignorance
dont ils vont fe couvrir, fi leur lâcheté prévaut
à l’avantage que vous leur faites entrevoir ; mais
ajoutez l’exemple aux paroles ; 6c , par le danger
où vous vous, expofez. le premier, montrez que
c’eft dans la valeur feule qü’il faut chercher le
fuçcès que la fortune femble vous refufer. Si vous
êtes allez heureux pour ramener vos troupes à la
charge , foyez très aflùré que vous n’avez pas de
reflource plus certaine. Vas ennemis fe regardent
déjà comme vainqueurs : quelque difciplinés qu’ils
foientils fe feront débandés pour piller & pour
vous pourfuivre , fans penfer qu’ils peuvent encore
être vaincus. Il eft vrai que rarement l’exemple
ôc les perfuaflons font capables d’arrêter 1|§
fnvarcts • cependant on y Téuflit quelquefois.
W un combat des Romains contre p o u p e s
de Mithridate, commandées par Dot:lias
chélaüs , les légions prirent la fuite . bylla leur
général , fa if iln t l’enfeigne | & s avançant vers
fennemi, cria aux Romains : « lâches , fuyez ,
le veux mourir ici avec gloire : dites a ceux qui
demanderont oh eft votre chef que vous l avez
trahi à Orchomène ». Les Romains, frappes
ces reproches , revinrent au combat St remportèrent
la vlfloire. HH |HH
Les troupes de Cæfar, dans un combat donne
fur la Sambre , fe trouvèrent extrêmement maltraitées
St -fur-tout la douzième légion | H | | §
les cehturions avoient été tués. Déjà les enfeiD e
étoient retirées au centre de 1 armée p q u i, enveloppée
de touts côtes , nofoit plus faire aucun
mouvement. Cæfar , ayant arrache un bouclier
du bras d’un foldat, fe met à. la tete de armee,
fait avancer les enfeignes & ouvrir allez les rangs
pour qu’on y put manier facilement 1 epee. A la
vue de leur général prêt à combattre , fe^ troupes
reprennent courage , & fe préparent a lui donner
des preuves de leur valeur. La prefence , les du
cours, la fermeté d’un feul homme , changèrent
en un moment la face 'du combat : deux légions .,
qu’on avoit laiffées pour la garde du bagage,
eurent le temps d’arriver au fecours , 6c forcèrent
la vi&oire à fe déclarer pour Cæfar.
A la bataille que Fabius livra aux Yeiens oc
aux Tofcans , ce conful voyant fes troupes abandonner
le combat, 6c chercher leur falut dans la
fuite. Efl-ce donc là, ô Romains , s’ecria-t-il, ce
que vous ave^ promis aux dieux ? Vous craigneç
plus vos ennemis , que vous ne craigne£ Jupiter ou
Mars -, à qui vous ave^ juré de ne quitter le combat
que lorfque vous auriez vaincu ? Ces vives paroles ,
Soutenues par l’exemple 6c la fermete du conful,
relevèrent le courage abattu des légions romaines :
elles reviment à la charge , 6c défirent l’armee
ennemie.
Marius Valérius Corvinus trouva dans les
Samnites fês ennemis une refiftance 6c une conf-
tance opiniâtre ; irrité de voir que le combat le
maintenoit douteux trop longtemps , il defcendit
de cheval, ôc fe mit à la tête de fon infanterie ;
q u i, animée par les paroles 6c l’exemple de fon
g én é ra lfit un dernier effort que les Samnites ne
purent foutenir.’ „ <;
Titu s, commandant l’armee de Vefpalien, vit
quelques troupes mifes en fuite dans une fortie
que ceux qui défendoient Jérufalem , avoit laite :
il court, le met à la tête des foldats les plus
voilins de l’ennemi, les ramené au^ combat 6c
charge avec eux. Les autres, honteux d abandonner
leur chef dans le péril, reviennent à la charge,
6c repouffent les Juifs qui fe croyoïent déjà lurs
d elà victoire.. - ,
Le prince Bajazet, voyant que l’armée d A -
avec la même valeur le combat contre les troupês
d’Aladin, s’élança au milieu des ennemis avec un
petit nombre de foldats. Son exemple ranima les
Turcs ; ils chargèrent alors vigoureusement ôi
gagnèrent la bataille. , f
Le grand vifir Ibraïm , commandant de l’armee
de Soliman I I , voulant animer les Turcs , qui
commençoient à plier, prend une enfeigne 6c la
jette au milieu des ennemis, en reprélentant à
fes troupes la honte dont elles vont fe couvrir ,
fi elles ne la reprennent. Leur courage renaît ;
elles attaquent avec fureur les Galates ; qui , ne
pouvant foutenir le choc, font battus ôc mis enfuite.
Cécina, général de Tibère , ne fçaehant comment
arrêter fes troupes, qui effrayées fortoient
en foule de fon camp qu’Arminius venolt d’attaquer,
s’étendit par terre devant la porte. Cette
a&ion les réprima , ôc les fit rentrer en elles-
mêmes. Elles eurent honte de fouler aux pieds
le corps de leur chef, ôc revinrent contre les
Germains.
S’il arrive que fennemi fe débande pour piller ,
ou' pour vous pourfuivre , vos généraux doivent
le faire obferver aux troupes, 6c leur repréfenter
combien il eft aifé de vaincre des ennemis qui ne
font plus en ordre.
Lorfque , dans un combat contre tes Samnites ,
les Romains prirent la fuite , leurs centurions les
engagèrent fans peine à revenir à la charge, en
leur reprélentant que les Samnites s’étoient mis
en défordre pour les pourfuivre , Ôc que dans leur
confufion ils ne pouvoient éviter d’être battus. En
effet , l’armée romaine , commandée par Régulus ,
gagna la bataille.
g é n é r a l b l e s s é o u t u é .
Si, lorfque vous êtes obligé de vous préfenter
vous-même au combat, vous venez à être blefl'é
n’en donnez rien à connoitre , autant que vous le
pourrez. Si vous êtes forcé de vous retirer , feignez
que c’eft pour aller, donner quelque ordre dans-
un autre lieu , ôc faites enforte que cet événement
‘ foit ignoré , de crainte qu’il n’alarme 6c n’intimide
vos foldats.
Un écuyer de Guftave - Adolphe , voyant à
Lutzen que fon prince avoit Je bras cafte , il
s’écria : le roi ejl blcffê. Guftave le reprit levére-
ment ; -6c, lui ayant impofé filence , il évita que
ce bruit ne fe répandît, afin de ne pas décourager
fes foldats. Lorsqu’il fentit peu après que la perte
de fon fang falloit jetter en défaillance, il avertit
fecrettement le duc. de Lawembourg de le faire
retirer.
Le duc de Bourbon, général de l’empereur.
Char! es J. V , fut blefîe à faffaut de Rome. Quelques
uns’ de fes foldats, qui pafloient près de
l’endroit où il étoit ebaché à terre 6c mourànt,
fe demandoient s’il étoit vrai que leur général fût
mort l Lui-même , pour ne pas ralentir le courage