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la-nature : & , comme elle doit y faire un long
féjour, il faut qu’elle y ait des fourrages , du bois ,
6c des vivres en abondance, qu’elle y foit a portée
de l’eau, 6c qu’elle couvre le chemin de touts fes
convois.
Les camps de fourrage doivent être choifis dans
les contrées les plus fertiles. Si on. eft oblige de
les prendre près de l’ennemi, choififîez une fitua-
tion Fortifiée par la nature ou rendez-la telle par
l ’art : que l’abord en foit difficile, &. empêche
l ’ennemi de vous attaquer avec avantage , tandis
qu’une grande partie de votre armée feroit au
fourrage.
Les camps dont l’objet eft de couvrir le fiège
d’une placé , ou de détendre un paffage difficile ,
doivent être de même à l’abri de toute inlulte,
6 pourvus de vivres en abondance. Si la nature
du terrein ne les rend pas affez forts , il faut iùp-
pléer au défaut de la fituation, par des retranchements.
Touts ces camps doivent être pris de manier®
que la tête en foit couverte par une rivière ou
un ruifteau.
Si les rivières ou ruiffeaux qui fe trouvent fur
le front d’un camp n’ont pas allez d’eau, il faut
faire conftruire des batardeaux pour les groffir.
Si vous n’avez près de vous que de petits ruiffeaux
, il eft effentiel de prendre toutes fortes de
précautions pour en conferver les eaux. Défendez
donc que les chevaux; y entrent , 6c qu’on y
bjanchiffe du linge : ordonnez qu’on n’y puife de
l’eau qu’avec des vafès propres , & obligez les
cavaliers 6c les valets de faire boire leurs chevaux
avec des gamelles ou des fceaux. Défendez-fur-
tout aux habitants du pays de tremper du chanvre
ou du lin dans les rivières ou ruiffeaux qui envi-
- ronnent votre camp.
Si vous .n’avez que des étangs , des fontaines ,
ou des puits ; mettez-y des gardes avant l’arrivée
dè l’armée , pour empêcher qu’aucun cheval entre
dans ces eaux , & que les foldats lèvent la bonde ■
des étangs, & gâtent ou troublent les fontaines
& les puits. ^
C A M P S O F F E N S I F S .
Comme il faut toujours veiller plus ou moins a
la fureté , tout camp de quelque efpece qu il fo it,
doit avoir fon front & fes flancs à l’abri de toute
infulte.
Dans quelque pofition que l’on prenne un camp,
on doit éviter de prêter le flanc à l’ennemi, 6c la
choifir de manière qu’elle foit forte par elle-
même , & qu’elle donne un appui fûr aux ailes
de l’armée. , \ '
Il faut encore affurer les devants & les derrières
par des .détachements , & fur-tout avoir attention
à ce qu’il y ait des fourrages , de l’eau, & du bois
& portée du camp.
Il y a des pofitions qui paroiffent très fortes 9
C A U
&. qui font très dangereufes , quand on n'a pas
examiné avec foin fi l’on peut en fortir facilement
pour fe mettre en bataille ou pour fe retirer.
Si l’ennemi peut l’empêcher en fe portant
fur les débouchés , on s’expofe à s’y voir enfermé,
6c contraint de fe rendre ou de combattre avec
défâvantage.
Il faut détacher des corps, pour couvrir fa communication
avec une place importante ; pour empêcher
l’ennemi de venir fourrager près du camp ;
pour conferver des fourrages y pour occuper quelque
pofte avantageux ; pour engager l’ennemi à
le divifer pour s’oppofer à ces corps ; pour couvrir
le camp en avant ou fur les flancs , du côté le
plus dégarni 6c le plus expofé ; pour établir des
contributions au loin , 6c pour avoir fans ceffe
des détachements fur l’ennemi.
Ces corps détachés doivent être compofés de
troupes légères, de dragons , & de grenadiers. Leur
force doit être plus ou moins confidérable ,
fuivant les circonftances 6c les objets qu’ils doivent
remplir. Leur pofition doit être prife de
manière qu’ils puiffent garder conftamment la
communication libre entre eux . & l’armée , la
joindre au premiet ordre , &. donner toujours des
avis fur des moindres mouvements de l’ennemi.
( Obfervons que ce ne font pas ces grands corps
qui veillent par eux-mêmes fur l’ennemi. Celui-ci
fçait toujours ou ils font, & fe garantit de leurs
obfervations : mais ce font les petits corps qu’ils
détachent : ceux-ci fe gliffent, fe cachent par-tout.
Sont-ils découverts ? Ils s’échappent & reviennent
peu après par un autre endroit. C ’eft en eux feuls
qu’il faut fe fier pour avoir des nouvelles ).
L’attaque eft plus facile dans un pays de plaine
; que dans un pays de bois ou de montagnes. On
ne peut, à la vérité , y prendre des pofitions qui
ne puifient être tournées ; mais , comme il eft
impoffible à l’ennemi d’y cacher fes mouvements,
on en découvre aifément le deffein : d’ailleurs ils
ne peuvent fe faire que de loin. Dans un pays de
plaine comme dans tout autre , la moindre négligence
dans le choix d’une pofition rend la fupério-
rité des troupes inutiles 6c fouvent nuifible : inutile
, quand, en voulant embraffer trop de terrein ,
on eft obligé de divifer l’armée de manière que
l’ennemi peut tomber fur une de fes parties principales
, fans qu’elle puiffe être fecourue ; nuifible ,
quand, en voulant refferrer l’armée dans un terrein
trop étroit , les troupes ne peuvent agir fans
s’embarraffer.
11 n’eft pas moins important d’occuper & de
retrancher les villages qui font fur les ailes ou à
la tête d’un camp. Cependant, fi le$ maifons font de
bois & d’ailleurs mal - bâties , il faut en retirer les
troupes un jour d’a&ion parce qu’elles feroient
perdues, fi l’ennemi y mettoit le feu. Mais, s’il
y a des maifons de pierre ou quelque cimetière
qui ne touche pas à des maifons de bois, il faut
en faire des poftes 6c les garnir de troupes ; ils
fervent
C AM
fervent fouvent fort utilement, foit pour protéger
une attaque , foit pour incommoder l’ennemi lur
fes flancs pendant l’a&ion , foit pour faciliter la
retraite. ‘
Les précautions pour la fureté des camps feront
les mêmes dans un pays de bois ; mais leur fituation
en îéglera la difpofition. S’il y a des bois peu
éloignés' du camp , il faut y établir des poftes
d’intanterie. S’il y a entre deux bois un intervalle
de plaine d’oti l’on puiffe découvrir de loin , il
faut y placer des poltes de cavalerie , & dans les
bois de droite & de gauche des poftes d’infanterie
, fur lefquels ceux de cavalerie fe puiffent retirer
en cas d’attaque.
Comme il y a toujours quelque plaine dans un
pays de bois , il faut éviter de camper la cavalerie
au milieu des bois ; c’eft à l’infanterie à les
occuper.
Si l’on eft décidé à une offenfive ouverte, il
faut régler les précautions pour la fureté des camps
fur les moyens d’éviter touts les obftacles qui
peuvent empêcher de joindre l’ennemi.
Dans un pays de montagnes , on eft prefque
toujours obligé de partager les (troupes en plufieurs
.corps, pour garder les gorges 6c les communications
de l’une à l’autre : comme il y a ordinairement
quelques petites plaines ou quelque vallée
où l’on peut camper des troupes , on y établit
l’armée , finon en totalité , du moins en partie.
Les montagnes font avantageufes'ôt faines, parce
qu’elles dominent leurs environs. Un camp y fera
fo r t , lorfqu’il défendra une avenue étroite , ou
lorfqu’on pourra garnir 6c fortifier un petit nombre
d’avenues femblables, foit en des vallées où l’on
ne peut defcendre , ou fur des montagnes où l’on
ne petit monter que par quelques fentiers.
Il y a des montagnes accembles de touts les
côtés ; mais, pour peu qu’elles ayent d’efpace à
leur fommet, & qu’elles ne foient point dominées,
il faut les regarder comme très bonnes pour une
pofition de camp. Comme on n’y peut ordinairement
placer une armée que fur plufieurs lignes ,
on a l’avantage de pouvoir les remplacer l’une
par l’autre , parce que les troupes qui montent-à
l’attaque viennent lentement, & font hors d’haleiné
avant d’arriver. Dailleurs la retraite y eft affurée.
Si dans un pays de montagnes on fait une
offenfive ouverte , il faut s’attacher, par les pofitions
que l’on prend , à tourner l’ennemi , -à lui
rendre les fourrages difficiles , à le fatiguer par des
détachements continuels. En faifant attaquer fes
poftes détachés , on l’oblige à y porter du fecours ,
6c a s’affoiblir en quelque endroit. De même , en
gagnant des marches fur lu i , en feignant de menacer
quelque point, on le force à décamper, à
quitter une pofition avantageufe \ on l’attire dans
un pofte plus foible , tant par fa fituation que par
l’étendue du pays qu’il garde, 6c on trouve l'oc-
cafion de l’attaquer avec avantage.
- Mais , dans quelque pays que ce foit , un Ctimp
Art militaire. Tome I.
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eft toujours défeélueux, fi fes flancs ne font pas
appuyés, fi l’ennemi -peut le tourner facilement
fans être vu ; fi fes devants ne font gardés ; fes
derrières libres pour touts les mouvements , & à
couvert des entreprifes de l’ennemi ; fi la communication
avec les villes frontières , ou celles
qui renferment les dépôts principaux pour les
befoins de l’armée , n’eft fure. 6c facile ; s’il n’y a
-point de détachement en avant, pour empêcher
l’ennemi d’en approcher ; 6c fuMout s’il n’y a pas
d’eau , de bois,,& de fourages.
Il faut fe camper autant qu’il eft poffible auprès
des rivières 6c des ruiffeaux, parce que les eaux
courantes font les plus faines , 6c qüe la bonté de
l’eau eft effentielle pour empêcher que les maladies
: ne fe mettent dans un camp. Il faut fur-tout prendre
les plus grandes précautions , pour empêcher que
le cours des rivières & des ruiffeaux ne puiffe être
interrompu, qu’on n’y jette rien qui gâte 6c corrompe
les eaux , &. avoir une grande attention
à en rendre aifés les abreuvoirs.
En cas de befoin , on creufe des puits pour
avoir de l’eau ; mais il ne faut prendre ce parti
que lorfqu’on ne peut trouver des eaux courantes
qu’à une trop grande diftance du camp ; parce
que rarement l’eau des puits eft faine , & qu’elle
le trouble prefque toujours, fi on en puife en trop
grande quantité. Cependant s’il eft de la dernière
importance de fe maintenir dans un camp
. qui manque d’eau , il faut ouvrir des puits dans
les endroits bas 6c humides ; on. trouve de l’eau
prefque par-tout à peu de diftance de la fugace.
C a m p s d é f e n s i f s .
Toute fituation dont le front ôc les deux flancs
font d’une force égale, & dont les derrières font
libres , eft propre-aux camps de cette efpèce. Il
en eft de même des hauteurs qui ont un front d!une
certaine étendue 6c dont les flancs font couverts
par des marais , & des pofitions dont le front eft
affuré par une rivière ou un ruiffeau marécageux y
6c les flancs par des étangs.
Ces camps n’ayant d’autre objet que d’empêcher
l’ennemi de les attaquer, il faut avoir l'a plus grande
attention à ne pas prendre de faux points d’appui.
A cet effet , on doit faire fonder les rivières &
les marais qui fe trouvent fur le front ou fur les
flancs d’un camp , afin de s’affurer que les rivières
ne font pas guéables, & que les marais font im-
pratiqutibles.
Lorfque ces camps ont une rivière devant leur
front, il faut obferver de ne pas les affeoir fur le
bord de la rivière, 6c de jaiffer entre le bord 6f.
le front un terrein fuffifant pour y former l’armée
en bataille.
Un camp doit être placé. à quatre ou cinq cent
toifes au moins d’une rivière', afin que les gardes
puiffent être placées en avant du front fans être
expofées.
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