
perfonne , & ce à caufe de fon harnoîs qui n’eft
fi pefant ni fi leur que celui de l’homme à*armes
doit etre. Et non fans caufe ; car à la peine que
les chevaux légers Sc les autres armés légèrement
doivent prendre, n’y auroit corps qui peult fouffrir
la pefanteur du harnois , ne cheval qui le peult
porter. Mais les hommes d'armes qui font ordonnés
pour demeurer ferme , & non point pour courir
çà & là , pourront être chargés d’un harnois pelant
; & pour bien porter un tel faix, ils doivent
avoir de forts & grands chevaux, car outre ce il
faut qu’ils les aient bardés. Les hommes d'armesï
doivent avoir l’efpée d?armes au cofté , l’eftoc à
l’arçon de la folle d’une part , & la màfle de
l ’autre : leur lance fera groffe & bien longue.
« Les chevaux légers feront bien-à cheval, &
armés de hauflecou, de hallecret, avec les taflettes
julques au - deffous du genoul , de gantelets,
d’avant - bras , & grandes efpaulettes, Sc d'une
falade forte & bien coupée à veue coupée . . . . .
ils doivent porter, l’efpée large au cofté , la
mafle à l’arçon , & la lame bien longue au
poing. . . . .
‘ « Les arquebufiers auftî feront bien montez", Sc
leur harnois fera pareil à celui des eftradiots ,
réfervé la falade : car ceux - ci auront feulement
un cabaflet, à celle fin de viler mieux, Sc avoir
la telle plus délivrée , l’efpée au cofté , la maflue
à l’arçon d’une part, Sc la harquebufe de l’autre ,
dedans un fourreau de cuir bouilli, lequel tienne
ferme fans branler. Ladite arquebufe pourra être
de deux pieds Sc demi de long ou de trois au plus,
& qu’elle foit légère ». L’auteur arme les arquebufiers
comme les eftradiots dont il avoit parlé
auparavant , c’eft-à-dire, de manches & de gands
de mailles, & leur donne auftî bien qu’aux chevaux
légers des armes défenfives. moins complettës , Sc
beaucoup moins pefantes.
Les armures des gens d’armes, fous Henri I I ,
devinrent plus légères qu’elles n’étoient auparavant.
Mais du temps de Charles IX Sc de Henri
I I I , on reprit l’ancienne manière. C ’eft ce que
nous apprend M. de la Noue dans fon quinzième
difcours militaire.
« O r , dit-il, comme ils ont eu bonne railbn, à
caufe de la violence des arquebufes & piques, de
rendre les harnois plus. maflifs , Sc a meilleure
épreuve qu’auparavant. Ils ont toutefois fi fort
paffé mefure, que la plupart fe font chargés d’enclumes
, au lieu de fe charger d’armures,.. . . Nos
gens d’armes & chevaux-légers, du temps du
roi Henri I I , étoient bien plus beaux à voir portant
la falade , braffals, taflettes, le cafque, la
lance & la banderole , & n’avoient toutes leurs
armes, pefanteur qui les empêchât de les porter
vingt-quatre heures : mais celles d’aujourd’hui font
fi grièves, qu’un jeune gentilhomme à trente-cinq
ans eft tout eftropié dés épaules d’un tel fardeau
».
Depuis le temps où l’armure de fer fut adoptée,
les changements qu’on y f it , furent plus dans la
pefanteur & la force, que dans le nombre Sc la
forme des pièces. On les voit toutes ici dans la
figure d’un gendarme, ti-rép d’un monument du
commencement du quinzième fiècle. {Fig. 43. )•
1. Cafque.
2. Haufle-col.
„ 3. Cuirafle.
4. Épaulières.
5. Braffals.'
6» Gantelets.
7v Taflettes.
8. Cuifîarts.
9. Grèves ou armures de jambes.
iq. Genouillères.
On y voit aufli des goflets ou gouflets ; c’étoit le
nom d'une pièc£ placée fous 4’aiffelle,'qui la cou-
v roit, quand le gendarme levoit le bras.
- Il eft- encore fait mention de foulereu dans
quelques anciens livres. C ’étoit peut-être le nom
de quelques-unes des pièces dont on vient de parler
, & qui avoit plusieurs noms. On fait auftî
mention de bavières à farmet, ou au cafque; il
paroit que c’étoit une cornette de tafetas dont on
ornoit l’armet.
Le halecret étoit une efpèce de corfelet de deux
pièces , une devant & une derrière ; il étoit plus
léger que la cuirafle. Le bacinet, le cabaffet, le
pot de fer, le chapeau de fer, la falade, le mo-
rion étoient des efpèces de cafques allez fem-
blables, excepté que la falade avoit quelquefois
une vifière, & que le morion étoit propre à l’infanterie.
Ces cafques fe lioient ordinairemènt fous
le menton avec des courroies & des boucles. La
bourguignotte paroît avoir été plus maflive, Sc à
vifière , puilque le préfident Fauchet'j comme
on l’a vu ci-deflus, en parle comme d’une efpèce
de heaume.
? H-7 » dans le cabinet d’armes de Chantilli; plus
de quarante cuiraffes, dont plufieurs font différentes
les unes des autres. 11 y en a une ouverte
pardevant, qui fe fermoit avec trois crochets, &
une autre qui fe fermoit auftî pardevant avec
deux boutons ; une autre qui fe plioit en deux
pardevant, & qui n’empêchoit point l’homme armé
de fe pancher ; une antre qui fe plioit par en haut
& par en bas, c’eft-à-dire que celle-ci étoit de
trois pièces qui rentroient les unes dans lés autres,
& l’autre de deux pièces jointes de même ; elles
étoient plus commodes pour le mouvement du
corps : mais peut-être n’étoient-elles pas fi sûres
contre la lance.
L’artifice des brafîarts, des cuiflarts, des gantelets,
^&c. confiftoit en ce que les parties de
chaque pièce étoient tellement jointes & clouées
ensemble , qu’elles s’éloignoient Sc s’approchoient
les,unes des autres , de forte que les mouvements le
faifoient avec liberté & facilité.
On voit au garde-meuble du roi l’armure com-
-piette de Louis-le-Grand , Sc en particulier fon
cafque ou pot de fer qu’il mcttoit lorfqu’iï alloit 1
à la tranchée. Il eft d’une grandeypefanteur , mais
d’une fi bonne trempe , qu’ayant été mis à l’épreuve
d’une carabine ray ée, la balle ne fit que l’effleurer
&. n’.y imprima qu’une légère marque qu’on y a
kiflée.
Depuis long-temps notre cavalerie ne s’arme
plus péfamment comme autrefois. On oblige feulement
dans les batailles & dans les fièges , les
princes , les officiers principaux, Sc Ceux qui dirigent
les travaux de la tranchée , à' prendre la cuirafle
Sc le pot en tête. Il feroit à fouhaiter que
plufieurs fuflent plus dociles qu’ils ne le font a cet
égard, Sc qu’une faufle bravoure , ou un peu de
gène que leur caufent ces fortes d’armes ne les em-
pêehalient pas de s’en fervir ;èllesleur fauveroient
fouvent la vie ; Sc , faute de cette raisonnable précaution
, nous perdons quantité de braves officiers.
Le roi Louis XIII ordonna en 1638 à toutsles
cavaliers & à ceux qui fetoient gentilshommes ,
fous peine de dégradation , de s’armer d’armes de-
fenfives. Cet ordre eft contenu dans une lettre de
M. Defnoyers , focrétaire d’état, àü maréchal de
Chaftillon , en ces termes « le Roi defire aufli
que , pour profiter dufêjour de l’armée, vous faffiez
que MM. les intendants diftribuent à la cavalerie
françoife les armes qui font à Montreuil; obligeant
les cavaliers à les porter, à peine d’être dégradés
•de noblofie. C ’eft à vous-, Monfieur, & à M. le
maréchal de la Force , à leur faire connoître combien
il importe à l’état.& à leur propre confervation,
de n’aller tous les jours combattre en.pourpoint des.
ennemis armés depuis les pieds jufques à la tête» ;
cet ordre fut réitéré au maréchal de Chaftillon , l’an
1639. 1-1 y a eu , à ce même ftijet , des ordon- !
nanoes de Louis-le-Grand , pour touts les.officiers
de gendarmerie Sc de cavalerie ; mais elles n’ont
pas toujours été bien obfervées. Les cavaliers en
avoient encore au commencement de fon. règne.
M. le maréchal de Villarsfit prendre à la cavalerie
des demi-cuirafles, ; c’eft-à-dire le devant d’une
cuirafle qui étoit a l’épreuve ; Sc vers le même
temps , la maifon du roi s’eft aufli fervie de cui-
- rafles.-.
Il refte encore à parler d’une chofe qui tient
au même fujet : ce font les armes défenfives des
chevaux; ils en avoient aufli bien que les cava- !
fiers.
Rigord , dans la relation de la bataille de Bovines,
dit qu’un ligne certain de la bataille prochaine fut
que l'on vît l’empereur Othon s’approcher de
l’armée françoife , les' chevaux des gendarmes
ayant leur couverture. EtFroiflart, parlant dè la
bataille de Juberot, entre les rois Jean de Caftille,
Sc Denis de Portugal, où les françois qui étoient
dans i ’armée de Caftille , périrent prefque touts ,
dit que le roi voyant cette défaite , marcha en
bataille , en très puiflant arroy, &.-bannières déployées,
& montés touts gens fur chevaux couverts.
Les gens d’armes, &me\me les écuy ers,n’avoient
pas touts droit ou obligation d’avoir des chevaux
couverts. Cela fe voit par un rouleau de la chambre
des comptes de Paris , dont le titre eft : Compte ■
du voyage qui f u t , Van 1294 & 129$ , pour les gages
de M. Bertran Maffole, retenu aux gages accoutumés
pour lui & deux écuyers, où il eft dit : » Et eftoit
lui, Sc autres à chevaux couverts , Si un autre fans
cheval couvert » ; Sc plus bas u pour onze ecuyers
à chevaux c o u v e r t s à chacun fept fols flx deniers
par jour, Sc pour deux qui n’ont point chevaux
couverts , chacun cinq fols ».
Cette couverture, dit le préfident Fauchet, étoit
de cuir ou de fer. La chronique de Colmar , fous
l’an 12,98', parlant des chevaux de bataille , dit
que les couvertures étoient, comme les haübers ,
faites de mailles de fer ; mais'cela n’étoit pas
général.
Par une lettre de Philippe le B e l, datée du 20
janvier 1303 , au bailli d’Orléans, il eft ordonné
que ceux qui avoient cinq cens livres de revenu
en terres dans le royaume, aideroient d’un gentilhomme
bien armé , & monté d’un cheval de'cinquante
livres tournois , Sc couvert de couverture
de fer , ou de couverture pourpointe. Et le roi
Jean, dans fes lettres , datées du premier d’avril
1353 , écrit aux bourgeois &habitans de Nevers ,
de Chaumont en Bafligny, Sc autres villes-, qu’ils
euflent à envoyer à Compïègne , à la quinzaine
de Pâques, le plus grand nombre d’hommes Sc de
chevaux couverts de mailles qu’ils pourroient ,
pour marcher contre le roi d’Angleterre.
On fe contenta enfuite de leur couvrir la tête ,
Sc le poitrail de lames de fer , & les flancs de
cuir bouilli. “Ces armes défenfives du cheval s’ap-
peiloient des bardes , Sc un cheval ainfi armé
s’appelloit un -cheval bardé. On voit des figures
| de ces chevaux armés Sc bardés dans les anciennes
I tapifleries , Sc en plufieurs autres monumens ; par
I exemple , dans les bas-reliefs du tombeau de Fran- -
! çois 1er à Saint-Denis.' ’
Il eft fait encore mention de ces bardes dans
une ordonnance d’Henri II. « Ledit homme d’armes
fora tenu porter armet petit Sc grand, garde-bras ,
cuirafle, cuifîots , devant de grèves , avec une
grofle Sc forte lance , Sc entretiendra quatre chev
aux, les deux de fervice pour la guerre , dont
l’un aura le devant de bardes avec le chamfrain &
les flan çois, & fi bon lui femble ", aura un piftolet
à l’arçon de la lelle ».
C ’étoient les- flançois , c’eft-à-dire ce qui cou-
vroit les flancs du cheval , qui étoient de cuir
bouilli. Les feigneurs ornoient fouvent ces flançois
de leurs éeuflons ; nos rois les femoient de fleur-de-
lys , &. quelquefois de quelques pièces des armoiries
d’un pays conquis , témoin un curieux
médaillon de Charles V I I , qui étoit dans le cabinet
de M. l ’abbé Fauvel. On y v o it , au revers ,
les fleurs-*de-lys, mêlées avec des figures de léopard,
fur les flançois de fon cheval de bataille ;
parce que la Guyenne qu’il venoit de conquérir