
taux , poids de marc, & ne tirent que cinq pieds
d eau, comme nous l’avons déjà dit.
Autrefois, les propriétaires, qui ont le privilège
•exclufif de fournir les barques, les fourniffoient en
effet, & per ce voient 6 deniers par lieue : ils en
ont abandonné deux pour en être difpenfés,
. Ces barques marchandes emploient fix à fept
jours pour aller d’Agde à Touloufe avec un feul
cheval ou une dixaine d’hommes qui tirent la
barque a la cordelle ; ils font fix lieues par jour,
de 3 ioo toifes chacune, & ne vont point la nuit.
•c qu’on vient de donner de ce magnifique
ouvrage, eft bien éloigné de s’accorder
avec le tableau qu’en a fait un écrivain moderne ,
qui, le comparant avec le grand canal de la Chine ,
auquel on attribue deux cents lieues de longueur ,
o u , fuivant des calculs plus certains, cent quarante
lieues, appelle le nôtre un miférable petit canal
déjà dégradé & prefque hors d’ufage. . . aujourd’hui
tout enfablé , une efpèce d’égoût déparé par les
reftes memes de fon ancienne magnificence. Ceux
qui en ont fait cette peinture l’avoient-ils bien
examine , ou même le connoiffoient-ils ? M. Béli-
d o r , 1 écrivain le plus connu, le meilleur en ce
genre, & qui étoit lui-même un ingénieur habile ,
parle du canal de Languedoc comme d’un ouvrage
qui mérite l’admiration du monde entier ; il a dit
ailleurs que toutes les nations le regardent comme
au-deffus de ce qu’a jamais préfenté l’architeâure
hydraulique. ( ÀrdnteEt. hydr. tom. IV ,pag. 57 6*
3^5; )•
Ce canal n’eft ni enfablé ni dégradé ; il eft plus
utile , plus fréquenté, mieux entretenu qu’il ne le
fut jamais : il eft aufîi grand que peut l’exiger le
commerce intérieur du royaume. On le fonde
chaque année dans toute fa longueur; & par-tout
ou il n’y a pas fix pieds d’eau , on le nettoie & on
enleve les fables. On y fait fans ceffe de nouvelles
conftruéfions, de nouveaux ouvrages, pour
le maintenir & en aïfurer la durée. L ’ingénieur dù
roi en Languedoc , & le direôeur’des ouvrages
de la province , y font chaque année leur vifite ,
& je les ai vu applaudir de concert à la bonté
<& a la perfeélion des travaux, à la vigilance &
à l’exaélitude des infpeâeurs.
Le P. Duhalde convient que le royal de la
Chine .eft dans un terrein uni, qu’il n’a que cinq
a fix pieds d’eau, & quelquefois trois pieds feulement
; qu’on fait une journée par terre pour
aller d’une rivière à l’autre ; qu’il eft fujet, ainfi
que touts les canaux, à dès dégradations & à des
réparations continuelles ; enfin , que ce long cours
fi vante comprend plufieurs parties des grandes
rivières. ( Tom. 1. p. 33.11. 15 6 ) . En général on
a beaucoup exagéré le mérite des Chinois. ( Leur
canal peut être plus long, & conftruit avec moins
de fcience & d’art. Nous n’en avons point une
defeription affez exaéfe pour le comparer au nôtre.
Et qu’eft-ce que juger fans connoître ? La difficulté
de raffembler les eaux difperfées dans quinze
lieues de montagnes, de trouver un point de par*
j tage à fix cents toifes au - deffus du niveau des
deux mers, de réunir dans le cours du canal celles
j qui pouvoient être utiles, de rejetter celles qui
auroient nui , de conduire celles-là fur les côtés
des montagnes, au-deffus des rivières & des torrents
, avec toute la fcience, l’ar t, l’induftrie , &
la confiance dont la nature humaine eft capable,
fera toujours du canal de Languedoc un objet d’admiration
pour touts les hommes en qui l’égoïfme ÔC
l’envie n’auront point troublé la raifon , & qui ,
par un fentiment jufte & bien ordonné , s’attribueront
une part de la gloire de leurs femblables ).
Quand on a vu ce grand ouvrage avec attention
, on ne peut que rendre juftice à la vigilance
de Mrs de Caraman & de Bonrepos , pour l’entretien
& l’amélioration de leur canal. Trois à
quatre mille ouvriers font employés , dans les
mois d’août & de feptembre , entre la foire de
Beaucaire & celle de Bordeaux, à ^nettoyer &
réparer toutes les parties qui en ont befoin ; & ,
s’il arrive quelque dégradation par les pluies & les
débordements, on n’épargne rien pour y apporter
le remède le plus prompt & le plus foiide , qui
fouvent eft le plùs difpendieux. Le débordement
de 1766 à 1767 occafionna feul une réparation de
2.00000 * , du côté de Béziers, ou le canal conduit
à mi-côte avoit été emporté par les eaux %
ôc caufa en totalité une dépenfe de 300000* ;
celui de 1772 en caufa auffi une très-confidérable.
Il y a pour la régie fept direéieurs , deux inf-
peéleurs, treize contrôleurs généraux & particuliers,
fept receveurs généraux particuliers , dix-
huit gardes à bandoulières , & une centaine d’é-
clufiers, ou.autres ouvriers, employés habituellement
au fervice du canal. Les fept direéfions
font établies à Touloufe , Càftelnaudary, Trèbes,
le Somail , Béziers , Agde, & dans la montagne*
La juftice eft compofée d’un juge-châtelain affi-
mile aux lénéchaux, de fix lieutenans de juge ,
de fix procureurs juridictionnels, & de fix greffiers
: l’appel de cette juridiction va directement
à la grande-chambre.
Le défintéreffement & l’aCtivité de M. le comte
de Caraman, arrière-petit-fils de M. de Riquet,
lui ont tellement concilié TaffeCtion de ceux qui
concourent à cette régie que le zèle pour le fer-
vice public s’accroît par l’attachement à la per-
fonne. M. le marquis de Caraman entre pour un
tiers dans toutes fes vues, & fécondé toutes fes
intentions : fi le canal paffoit en d’autres mains , il
feroit difficile qu’il ne perdît quelque chofe du côté
de la bonne adminiftration.
M. Andréozzi de Luc , qui dirigea ce grand
ouvrage, en fit graver les plans .dans le dernier
fièclé , & les dédia à Louis XIV.
On grava en 1697 une carte du canal en trois
feuilles , chez Nolin , géographe ordinaire du roi ;
on voit tout autour les élévations & les plans des
aqueducs, des éclufes , du réfervoir de Sains-
Ferriol , du port de C e tte , & une petite carte
de la province.
En 1771 , la province en a fait faire une carte
beaucoup plus étendue & beaucoup plus belle. Elle
a, plus de fix pieds de long, fur une échelle d’une
ligne pour cent toifes , comme dans la carte de
France ; mais elle n’eft point en vente : c’eft la
province qui s’en réferve les cuivres, & qui en
diftribue les exemplaires. Elle a fait aulfi graver une
grande carte des rigoles & de-toutes les eaux de
la montagne Noire , qui fourniffent au canal, fur
une echelle cinq fois plus grande, ou de cinq-lignes
pour cent toifes. Les états ont fait travailler à une
carte de tout le canal , fur cette même échelle
de cinq lignes pour cent toifes*, qui doit paroitre
Cette.année ( 17 74 ). Elle eft extraite d’un, plan
général que M. Garipuy a fait lever avec foin ,
pour régler les limites des héritages voifins.
M. de Froideur publia dans le dernier fiècle
une petite defeription du canal, en un volume
in-12. Ce livre eft extrêmement rare , &. il s’en
faut bien qu’il renferme les détails contenus dans
cet article. M. Gunffy, jugemage de Caftelnau-
dary , qui travaille à l’hiftoire de Lauragais, nous
fait efpérer de plus amples détails fur celle du
canal. M. de Garipuy leroit fur-tout en état de
nous en donner une defeription complète : elle
pourroit avoir l’étendue d’un volume in-folio ,
avec beaucoup de figures, fi on vouloit y renfermer
tout ce qu’il offre d’intéreffant. On eft furpris .
de ne pas trouver cet ouvrage en Languedoc , du
moins manuferit, & de n’y pas voir les ftatues de
Mrs de Riquet & Andréozzi, auteurs de cette grande
entreprife. Ce fut ce que dit M. le maréchal de
Vauban , lorfqu’il vifita le canal pour la première
fois.
Le fils de. M. Garipuy s’eft occupé à extraire
du plan de M. fon père ceux de touts les ouvrages
de maçonnerie qui compofent le canal,
avec un profil de toute la longueur.
Il y a dans la province de Languedoc plufieurs
autres petits canaux. ( Bèlidor, tome IVt pag. 365. ).
On a fouvent parlé d’en faire d’autres , comme
auffi de prolonger le canal royal jufqu’à l’embouchure
du Tarn ou jufqu’à Moiffac , parce que la
navigation de la Garonne eft fort difficile jufque-
là : on prétend que ce prolongement ne couteroit
que deux millions. ( Expilly, DïElionn. de la France,
tom. I V , pag. 29, mot Languedoc. ). L’expérience
qu’on a des avantages du canal de M. de Riquet,
doit engager la province à de femblables entre-
prifes. ÇLa Lande, hifi. des canaux. )
C A N A L D E P I C A R D I E .
On s’eft occupé , il y a quelques années, d’un
nouveau canal entre Saint-Quentin & Cambray ,
pour joindre la Somme à l’E fcaut, & faire communiquer
Paris avec la Holldnde, fans courir les
rifques de la mer. En 1 7 3 1 , les devis de ce canal
furent arrêtés par des ingénieurs. I l fe- forma une
compagnie, fous la proteaion de M. le maréchal duc
de Chaulnes; mais le projet ayant été interrompu,
on ne l’a repris que depuis quelques années.
M. le comte d’Hérou ville , lieutenant général
des armées du r o i , connu par fes lumières & fon
goût pour les arts avoit des plans de ce canal
anciennement faits par un ingénieur : il les fit voir
à M. Laurent, verfé dans les méchaniques & dans
l’hySraUlique. Celui-ci, avec la proteftion de M.
le maréchal de Richelieu, fit revivre ce p rojet;
& fut chargé de l’exécution : il s’en eft occupé
jufqu’à fa mort arrivée le 12 o&obre 1773 ; &. M*
de Lionne fon neveu lui a fuccédé dans la direction
des travaux.
La tête du canal a été fixée au village de Saint-
Simon dans le Vermandois , à peu de diftance de
la branche qui unit la Somme avec l’Oife , par
le moyen d’une éclufe fituée à Chaulny , &
paffe à la Fère. Le nouveau canal paffe à Ham,
Péronne , & Bony. Au-deffoüs de cette ancienne
petite ville , il rentre dans le lit de la Somme,
qu’il n’avoit fait que cotoyer, & fe continue ainfi
en paffant par Corbie jul'qu’au-deffous d’Amiens.
De l’autre côté, au nord de Saint-Quentin, le
canal paffe fous une montagne dans la longueur
de fept mille vingt toifes , dont il y avoit déjà
quatre mille deux cents toifes de creulées en 1773.
L’entrée de ce fouterrein eft au château de T ron-
quoy , un peu au nord de Saint-Quentin, & la fortie
au village de Vendhuille. M. Laurent a fait percer
fur cette longueur , à diftances égales, foixante-dix
puits, dont le plus haut fera de deux cents cinquante
deux pieds , y compris fa tour , les autres
en ont cent quatre-vingt-quinze , cent trente-cinq ,
foixante , ôcc. fuivant la nature des lieux. Ce canal
fouterrein à vingt pieds de haut fur vingt de large :
le courant feize pieds de largeur fur cinq de profondeur.
"
La fource de l’Efcaut eft de foixante pieds plus
haute que celle de la Somme. M. Laurent a pris
l’E fcautà Vendhuille quarante-cinq pieds plus bas
que la fource : les autres quinze pieds , dont l’Ef-
caut eft plus haut que la Somme , fe trouvent
foutenus par une éclufe, pour joindre enfemble
ces deux rivières.
Le canal eft percé dans une pierre mélangée
de cailloux. On évalue à 1 o liv. par toife cube,
la dépenfe de l’efcarpement. Prefque par-tout au-
deffus du canal, à vingt, trente, ou quarante pieds
de hauteur, on trouve des bancs de pierre, dure ;
mais dans quelques parties on eft obligé de faire
des voûtes pour foutenir la montagne.
On a alfigné pour ce grand ouvrage 200000 ftancs
par an, &. l’on y a employé cinq à fix cents ouvriers.
C A N A L D E V E R S O I X .
M. Aubry , ingénieur en chef de la province de
I i i ij